Tome 1 de la saga Le livre des terres bannies (The faithful and the fallen) de John Gwynne
Une prophétie apocalyptique, un univers médiéval, les ténèbres contre la lumière, des élus, des guerriers qui guerroient, des rois qui règnent et des dieux qui… font des trucs de dieux… Non, à première vue Malice, le premier tome de la saga Le livre des terres bannies (The Faithful and the Fallen en VO) de John Gwynne, ne fait pas dans la grande originalité.
Résumer ce roman va être un peu compliqué parce que l’histoire est très riche. La base du truc c’est le haut-roi Aquilus qui va convoquer tous les souverains voisins pour leur livrer ses craintes concernant le retour du dieu déchu Asroth qui veut détruire la création. Il y a une prophétie apocalyptique à ce sujet, dont les signes avant-coureurs se vérifient petit à petit : les pierres sacrées saignent, les géants attaquent, les bestioles bizarres sortent des bois. La prophétie annonce l’arrivée de deux champions qui s’affronteront dans une grande bataille entre le bien et le mal. Certains rois soutiendront Aquilus, d’autres hésiteront, et d’autres reprendront une coupe de vin en rigolant dans leur barbe. En attendant, d’étranges évènements se produisent, certains placent leurs pions avec soin, d’autres se battent par idéologie, et tous attendent la nouvelle guerre des dieux.
On a une narration à points de vue multiples, on suit plusieurs personnages éparpillés sur un continent qui vont reconstituer ce puzzle géant. Vous ferez la connaissance de Corban, un adolescent qui va enfin entrer dans le cercle d’entrainement des guerriers à la cour du roi Brenin. Il va suivre sa formation, un peu perturbée pas le monde des adultes qui va lui tomber sur le coin de la figure, sans compter sur les petits salauds locaux qui aiment bien le malmener. Il sera épaulé par ses amis, sa famille, et une grosse bestiole poilue. Veradis, lui, est déjà un combattant accompli, il accompagne son frère pour livrer un pirate Vin Thalun au haut-roi, et va se retrouver enrôlé dans la troupe de guerriers du prince Nathair où il pourra enfin faire ses preuves et combattre le cataclysme qui approche. Kastell est neveu du roi Romar, lui essaye plutôt de fuir la cour parce que ses conflits constants avec son cousin lui pourrissent un peu la vie, heureusement qu’il est accompagné par son indéfectible protecteur Maquin. Ces trois-là sont les principaux points de vue qu’on aura, mais il arrivera souvent que certains chapitres nous fassent découvrir d’autres personnages.
Tout ce petit monde, leur entourage et bien d’autres héros encore vont se croiser et offrir différentes perspectives sur l’évènement central de l’histoire. Le danger de ce genre de narration à multiples points de vues, c’est qu’on risque de pas forcément aimer tout le monde, donc on se retrouve un peu ennuyé quand on passe sur le narrateur « un peu chiant ». Sauf que John Gwynne est arrivé à me faire accrocher à tout le monde, donc quelque soit le chapitre j’étais toujours content de retrouver tel ou tel protagoniste. Malgré son univers médiéval pas forcément très original, cette sensation de « déjà-lu » avec des thématiques classiques, voire éculées, Malice réussit à imposer un casting brillant qui nous fait accrocher à l’ensemble. Il arrive à nous immerger dans un background relativement complexe avec subtilité même si au début il y a beaucoup de noms à intégrer, notamment tout plein de rois. Le format numérique aide pas forcément quand on doit faire des aller-retours sur la carte minuscule, mais on a l’habitude.
Tous les personnages que nous suivons vont s’affirmer et grandir au long de leurs aventures qui couvrent plusieurs années. Nous avons tout ce qui fait une histoire passionnante : de l’action, des complots, de l’amitié, de l’héroïsme, des trahisons, etc… Pourtant cette volonté de nous immerger petit à petit dans son univers rend le début un peu poussif. On s’intéresse beaucoup à tout le monde, mais chacun dans son coin, l’intrigue générale met beaucoup de temps à s’installer, chacun mène sa petite vie et affronte ses propres épreuves. C’est une histoire qui avance tranquillement, ses 650 pages bien tassées vont demander de la patience mais comme tout fonctionne bien, la lecture reste un vrai plaisir (oui, j’explique le manque de mises à jour de ce blog comme je peux, hein).
L’univers a une petite saveur celtique, on y croise des rois, des géants, des super-loups, des serpents chevauchés par des géants, de la magie élémentaire mystérieuse, des artefacts oubliés. Ça prend des proportions mythologiques quand d’autres peuples se joignent à la fête pour se diriger petit à petit vers ce clash du bien contre le mal avec Dieux, Déchus, monstres, etc…. Par-dessus tout ça on a un côté politique bien velu avec tous ces rois qui vont suivre Aquilus ou pas, et encore d’autres peuples qui vont faire leur apparition comme les pirates Vin Thalun. Et encore, il y a aussi des intrigues internes aux différents royaumes, que ce soit les ambitions du prince Nathair, les chamailleries de Kastell et son cousin qui vont beaucoup trop loin, la soif de vengeance d’Evnis… C’est massif j’vous dis, y’a beaucoup à digérer !
Petit à petit je me suis attaché à cet univers, sa mythologie, sa politique et surtout ses héros. John Gwynne livre un pavé remarquable qui arrive à utiliser des thèmes et des schémas archi-classiques en leur donnant vie avec talent. La tension augmente petit à petit, subtilement, jusqu’à une seconde moitié qui tient toutes ses promesses avec des retournements de situations, des scènes mémorables et de de belles émotions. On en arrive à beaucoup apprécier cette saveur de High Fantasy old-school, cette revisite des grandes thématiques historiques du genre auxquelles on donne un petit coup de modernité dans la forme.
A la fermeture de ce tome j’ai acheté directement les trois autres (Valor, Ruin, Wrath), parce que je veux savoir où va cette saga, je veux suivre ces héros jusqu’au bout. Malice est un livre dense qui se révèle au lecteur tout doucement, et finit par le happer dans une aventure passionnante et complexe, et qui n’oublie surtout pas d’offrir des personnages exceptionnels auxquels on s’attache profondément.
Lire aussi l’avis de : Apophis (Le culte d’Apophis), Lianne (De livres en livres),
Autres livres de la série : Bravoure (tome 2), Ruine (tome 3), Wrath (Tome 4)
Couverture : Paul Young
Traduction : Thomas Bauduret
Éditeur : Leha
Nombre de pages : 640
Sortie VF : 26 Août 2022
Prix : 25€ (broché)
(merci pour le lien)
John Gwynne est un nom que je vois souvent passer, mais j’avais du mal à décider si ça valait le coup de m’y intéresser de plus près ou pas. Vu ton avis enthousiaste, je pense que cela va être le cas. Merci pour ta critique !
Merci à toi !
Au début ça fait un peu peur quand tu commences à lire des trucs sur des rois, des prophéties, des élus, des conseillers retors et autres clichés (et avec ton esprit d’analyse ça va être encore plus violent :D), mais il jongle avec tout ça très bien. Je pense que tu peux y aller.
Tu m’as également convaincu de donner sa chance à cette série.
Ça fait un moment que je la vois passer avec de bon commentaires et des fans vraiment passionnés qui attendaient chaque tome avec impatience (sur les groupes fantasy anglais). Mais c’est vrai que c’est loin d’être la seule dans ce cas et on ne peux pas tout lire donc faut faire des choix 😛
Merci pour la chronique ^^
De rien !
C’est vrai qu’il y a plein de séries qui me tentent, j’ai pas le temps de tout lire ! Comme on dit, choisir c’est renoncer. 🙂
Oh, merci ! J’avais vu passer ce titre, mais comme j’essaie de limiter ma pal en VO je n’avais pas creusé plus que ça : à lire ta critique, je serais passé à côté d’un truc 100% taillé pour me plaire ! (Genre je le commande, là tout de suite ^^)
Bref, une nouvelle preuve que critiques en VF de bouquins VO = utile et vachement bien 🙂
Merci ! J’aime bien aller voir de la VO de temps en temps, c’est encore plus riche même si certains lecteurs qui lisent pas en anglais vont sûrement être un peu frustrés
Je fais partie des convaincue par ta critique flamboyante!
Merci de cette découverte! 🙂
De rien ! 😉
J’en avais déjà entendu parler, mais je n’étais pas convaincu. Peut être parce qu’on m’a annoncé « c’est exactement du David Gemmel » et « c’est du pur Robert Jordan » quasiment dans le même souffle. J’adore ces auteurs, mais les styles n’ont rien à voir !
Mais ta critique donne vraiment envie, et ma foi, même si ça reste un synopsis « classique », si c’est bien raconté, on en redemandera ! Du coup je me lance, si ce n’est pas bien je viendrais t’incendier en commentaire 😛
Le jeu des comparaisons est toujours délicat (et tourne parfois au ridicule), mais si je devais m’y risquer pour celui-ci, ça donnerait « Un trône de fer écrit par Gemmell ».
Je vois pas ce que vient faire Jordan là-dedans par contre 😀
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Coucou, je suis en plein dedans ! Je suis au quart du roman et effectivement, c’est du classique… Pourtant, je me suis surprise à oublier le temps qui passait durant ma lecture, grâce aux différents personnages.
Comme je me souvenais que c’était chez toi que j’avais vu passer le livre (dans son édition VF), je suis venue chercher le lien de ta chronique pour l’insérer dans ma future. Rendons à César ce qui est à César et à L’Ours Inculte ce qui est à lui 😉
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