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Un éclat de givre, Paris a chaud

Après une grosse série de lectures VO, il était temps de me faire une salve d’auteurices francophones pour rééquilibrer le lecturo-karma. J’ai été mitigé sur Porcelaine et beaucoup plus enthousiaste sur Widjigo, il fallait bien tenter un troisième roman d’Estelle Faye, et Un éclat de givre traine sur ma liseuse depuis des années. Ouvrons donc ça.

Juillet 2267, la planète est partie en vrille mais Paris survit, isolée, se reconstruit et se rééquilibre un peu toute seule. Dans cette capitale bariolée et rapiécée, Chet chante du jazz dans les bars, sert d’homme à tout faire dès qu’on a besoin d’un casse-cou, et se trimballe avec ses démons et ses regrets. Quand un beau gosse se ramène au club où il chante, l’emmène dans la bordure pour lui confier une mission, il est parti pour un sacré tour de manège qui le mènera loin, dans Paris, dans son passé, jusqu’en enfer.

Il y a une expression que les critiques et chroniqueurs de l’internet et d’ailleurs emploient souvent et me fait toujours beaucoup rire. Vous savez, le « la ville est un personnage à part entière ». Je comprends ce que veulent dire celles et ceux qui l’emploient, mais à chaque fois j’me dis « mais ça veut rien dire ». Ben j’ai jamais eu autant envie d’employer cette expression, mais je vais essayer de le dire autrement. Le Paris d’Un éclat de givre est une merveille, c’est vivant, ça a du caractère mais aussi de la cohérence. Y’a une ambiance qui mêle des poncifs du post-apo (les territoires, les bandes, le délabrement) mais avec un certain sens de la coopération et de la logique, les gens se sont réorganisés un peu dans la folie mais ça fonctionne à peu près dans ce post-effondrement. On a aussi une saveur très parisienne qui parlera à tous ceux qui ont vécu dans la capitale. Les bars, les parcs, les rues, y’a les sensations de Paris, et ça frappe. Non Paris n’est pas « un personnage à part entière », c’est un cadre vivant avec plein de gens magnifiques et de créatures barrés qui la peuplent, des augmentés, des sirènes, des enfants psys, etc…

Ce qui rend le Paris d’Estelle Faye aussi vivant, au-delà des descriptions qui font resurgir des souvenirs et des ambiances, ce sont évidemment les personnages qui la peuplent, les vrais. On a déjà un protagoniste, le magistral Chet, une des grandes réussite du roman. Chanteur travesti bi qui se produit dans les clubs, qui regarde sa ville comme dans un rêve fou, et qui nous dévoile son univers au fur et à mesure. L’aventure de Chet va pas mal nous emporter dans le passé, on a l’impression d’être dans la suite d’un livre qui n’existe (n’existait ?) pas. Il recroise des gens qu’il connait et qui le relient à un passé flou, à des galères d’avant, des aventures d’adolescents. On suit le Chet de maintenant qui est confronté au monde du Chet d’avant, et ces allers-retours donnent beaucoup d’épaisseur et d’intérêt à une trame qui serait peut-être un peu trop plan-plan sans ça.

Dans le sillage de Chet on a tout son entourage qui va définir son univers, qui nous aidera à le comprendre lui. Y’a une flamboyance dans cette galerie de personnages qui marque, de Galaad à Tess, de Paul à Sybil, ils sont le reflet de Chet, son histoire, son présent et le cœur de cette aventure. Par ses yeux on devine les liens avec chacun, les amours et la confiance, et c’est rare les bouquins qui arrivent à nous faire croire en un réseau aussi complexe de relations, à un vrai background, à une vraie vie « d’avant » pour un personnage principal. Donc quand Chet part dans une mission pleine de dangers aux airs de New York 1997 béret-baguette (bien sûr que j’exagère, c’est pour la vanne, calmez-vous), c’est aussi tout ça qu’il nous amène à découvrir derrière.

J’ai vraiment aimé ce voyage pour toutes ces raisons, et je garde en tête la plume de l’autrice, qui nous permet d’être immergé là-dedans, qui donne une vraie voix à son héros. Un éclat de givre est ce Paris post-apo vibrant, Un éclat de givre est ce combat contre un nouveau danger qui va déséquilibrer la capitale, mais avant tout, Un éclat de givre est Chet. C’est ce héros qui imprime la face avec une claque mémorable, c’est son évolution qui marque, ses forces, ses fragilités, ses relations, son rapport à ce Paris dévasté mais vivant, survivant, qui veut pas sombrer.

Depuis sa publication chez les Moutons électriques, le bouquin a apparemment changé de crèmerie pour passer chez ActuSF qui lui a donné une belle édition reliée (dont la couv’ illustre cette chronique), et en a profité pour publier Un reflet de lune dans la même collection, une autre histoire de Chet que je me suis empressé d’acheter. Parce que c’était trop cool.

Lire aussi l’avis de : Lianne (De livres en livres), Célinedanaë (Au pays des cave trolls), Boudicca (Le bibliocosme), Les lectures de MarieJuliet, Lune (Un papillon dans la lune), Blackwolf (Blog O Livre),

Couverture : AMMO
Éditeur : ActuSF
Nombre de pages : 384
Prix : 20,90€ (relié) / 5,99€ (numérique)

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Cet article a 9 commentaires

  1. Baroona

    À te lire, on a vraiment l’impression que la ville est un personnage à part entière.

  2. Lullaby

    Ah lui, il faudra que je le prenne ! J’hésitais à cause du post-apo, mais depuis sa suite, et sa réédition, il me tentait bien. Ta chronique achève de me convaincre !

    1. Je suis pas très post-apo à la base mais celui là a une ambiance très sympa et particulière

  3. Shaya

    Il a l’air vraiment chouette, je note, merci !

  4. Zina

    Je l’ai repéré depuis longtemps celui-là, il faudrait que j’arrive à lui trouver un créneau !