Avec la convalescence d’ActuSF et le rien-à-foutre des Moutons électriques, cette année l’opération « Les pépites de l’imaginaire » des indés de l’imaginaire se décline en un seul roman : La brume l’emportera de Stéphane Arnier, chez Mnémos. Bon, on a de la chance, c’est une petite merveille.
Huit ans que la brume engloutit le monde, partie de la mer, elle monte inexorablement et dissout tout ce qui vit. Keb Gris-de-pierre, berger solitaire, continue de grimper pour gagner du temps contre cette brume. Il a tout perdu face à la brume, sa ferme, sa femme, son enfant à naître, mais il avance toujours. Alors qu’il se retrouve piégé, il va croiser la route de Maramazoe, une guerrière du peuple des mers, et ensemble ils auraient peut-être une chance d’arrêter la brume avant qu’il ne soit trop tard.
Chez Mnémos, quand certains chevauchent la brume, d’autre la fuient, c’est un autre style mais ça marche aussi. Stéphane Arnier nous propose un récit de fantasy qui nous parle du passé, des choix de nos vies et du deuil. Pour ça, on suit ces deux protagonistes qui ont une chance d’arrêter la brume parce qu’ils ont chacun un pouvoir particulier. Seulement cette solution aurait des conséquences sur le monde d’après, et Maramazoe et Keb ne sont pas forcément d’accord sur si ça vaut le coup ou pas. Mais ils vont quand même avancer ensemble, parce qu’ils ont pas bien le choix, parce qu’ils ont des énigmes à résoudre et un passé à affronter. Cette relation au passé vient aussi de la nature de la brume et de son origine, mais on va pas révéler tous les secrets du bouquin ici.
La première grande réussite de l’auteur ce sont ses personnages, Keb et Maramazoe sont deux opposés qui s’allient, forcés par les circonstances, et vont apprendre à se connaître et à se respecter. Keb est un berger des montagnes, marqué et solitaire, Mara est une guerrière à la carrure impressionnante et aux nombreux tatouages, une meneuse inspirée de la culture Maori (imaginez Vaiana a 50 ans avec une carrure de star du catch, grosso modo). Leur relation est très touchante parce qu’ils vont s’ouvrir l’un à l’autre, se comprendre mais s’opposer aussi, c’est fait avec une finesse admirable. Les lectrices et les lecteurs seront peut-être d’accord avec l’un ou l’autre dans les différents choix qui parsèment le bouquin, mais on comprend toujours les deux situations. Parce que Mara et Keb ont chacun un passé, un vécu d’avant qui les façonne, une culture qui les a amené là où ils sont dans leur tête. Ils ont leurs forces et leurs faiblesses et toute cette dynamique devient prenante, touchante, c’est un moteur extrêmement fort pour le roman.
Puis il y a ce mystère, cette brume qui emporte tout, au début on ne sait pas ce que c’est, mais on va vite en apprendre la nature réelle. Stéphane Arnier a construit un mystère magique très efficace avec ce pitch assez simple, on a un jeu avec le passé et les secrets des deux peuples dont sont issus nos héros. On suit le récit avec grand plaisir parce que, outre la force des personnages, on traverse des paysages à couper le souffle dans une ambiance de fin du monde, et on a des révélations et des mystère qui fonctionnent à merveille. On avance dans la lecture, on découvre ses secrets, ses dilemmes, et tout s’articule très bien et à un rythme soutenu, faut suivre ! C’est très ludique parce que le livre joue beaucoup avec ses concepts magiques à la fois pour sa brume et son fonctionnement, mais aussi pour les « pouvoirs » des personnages.
Keb s’est découvert la capacité de revenir au passé en retenant sa respiration, tandis que Mara à le pouvoir de lier les objets et les personnes grâce à des liens magiques. Au début on peut penser que c’est des trucs un peu pourris et anecdotiques mais on va prendre ces éléments-là et jouer à fond avec. La brume l’emportera est porté par une mécanique réglée comme une horloge, l’auteur dit avoir potassé son Brandon Sanderson et ça se sent, à la fois dans les règles qui régissent son univers mais aussi dans l’exploitation poussée à son maximum de chaque mécanique. On a des scènes d’action lisibles où se succèdent des astuces de l’un et de l’autre pour se sortir de situations dangereuses, on saute dans le passé, on marche sur une passerelle qui n’existe plus et on revient en s’accrochant magiquement à l’autre pour le récupérer plus loin. Il y a un côté gameplay de jeu vidéo très amusant qui rappellera les cabrioles de Fils-des-brumes effectivement, mais ça va plus loin puisqu’on va exploiter ça dans l’univers, dans les révélations, et tout s’articule très bien, on comprend comment tout se met en place, et c’est un vrai tour de force. La mécanique pure de ce bouquin est merveilleuse.
Un roman avec une construction aussi chouette qui va nous parler du poids du passé, du deuil, des regrets mais aussi d’espoir, d’amour et de rédemption, avec des personnages touchants qui vont nous amener à verser notre petite larme, à être à fond derrière eux, à comprendre leurs doutes et leurs certitudes, La brume l’emportera est une petite pépite de l’imaginaire comme j’aime en découvrir tous les ans.
Roman reçu en Service Presse de la part de l’éditeur Mnémos, merci à eux.
Lire aussi l’avis de : Sometimes a book, Dup (Book en stock), Fantasy à la carte,
Couverture : Cyrielle Foucher
Éditeur : Mnémos
Nombre de pages : 368
Date de sortie : 21 Février 2024
Prix : 21,50€ (broché)
La couverture est magnifique, et le pitch des plus sympas… les personnages m’ont l’air d’être bien campés, ça me botte 🙂 Je note, merci l’Ours !
De rien, merci d’être passée !
Ta chronique donne envie . L’allusion à Sanderson fait mouche.
C’est un one shot ? Important ça
Effectivement j’ai pas précisé, oui c’est un one-shot ! Par contre il faut de grandes poches
Merci. Ou être très patient. Ou rebaptiser le blog Les lectures du kangourou
(Toute ressemblance avec un autre blogueur est purement volontaire)
Bien envie d’aller me faire emporter par la brume, moi 🙂
Comme en ce moment tout me tombe des mains, la solution pourrait finalement être là. Ça fait très longtemps que je n’ai pas lu une sortie de chez eux.
Les pépites sont toujours intéressantes à découvrir !
Je lirai ce roman ne serait-ce parce que l’auteur donne gentiment de nombreux conseils d’écritures sur les RS et surtout traduit des articles sur le sujet, je suis donc curieuse de voir comment il applique ça 😉
Il a du bien suivre ses propres conseils, ça fonctionne !
Ca donne envie en tout cas, et ça donne l’impression d’un roman de fantasy qui pousse plus à la réflexion que d’autres, non ?
Euh… Plus que certains, et moins que d’autres encore 😀 La juste dose
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