Ça fait un moment que j’ai Jade City sur ma liseuse, auréolé d’un World Fantasy Award, il fait partie des sorties très remarquées en VO que j’ai acheté une bouchée de pain numérique lors d’une promo. Évidemment, il a trainé là quelques temps avant que je me décide à l’extirper de cette pile à lire infinie.
Premier tome de la trilogie The green bone saga, Jade City (en VO) nous présente le clan No Peak, dirigé par les Kaul, une des deux grandes familles à se partager l’île de Kekon. Influence politique, « protection » des commerces et des habitants, entreprenariat, la famille trempe dans toutes les combines et toutes les strates de la société, mais ils sont respectés par tous. Le jade extrait des mines du pays est la plus grande richesse locale, elle donne aux Greene Bones, les Kekonais sensibles à leur influence, des capacités physiques hors du commun. La quantité de jade qu’on porte est un honneur, et une preuve de l’importance de chaque Green Bone. Mais aujourd’hui, le clan No Peak est menacé par ses rivaux du clan One Mountain, qui a l’air de s’activer dans l’ombre.
Les protagonistes de cette histoire sont les membres de la famille Kaul. Lan est l’ainé, réfléchi, calme, il a hérité du rôle de Pilier, le chef. Le petit frère impétueux Hilo est la Corne, le chef de guerre qui gère les muscles de l’organisation et que tout le monde aime. Shae, la jeune sœur, s’est exilée pour épouser un étranger et se soustraire à l’influence du business familial, mais son retour au pays va la ramener dans le bain malgré elle. Anden est le dernier, enfant adopté par la famille, il termine son entrainement à l’académie en vue de devenir Green Bone. La fratrie tente de se faire sa place sous l’œil implacable de leur grand-père, ancien pilier grognon casse-couilles dont l’ombre plane encore sur toute l’organisation.
Le marketing présente ça comme un Parrain sauce asiatique urban-fantasy, mais c’est peut-être pour que ça parle aux ricains. Dans l’ensemble, Jade City est une histoire de triades/yakuza avec une forte influence du cinéma asiatique, où les histoires de clans mafieux du genre sont légion. On a vanté l’originalité extrême de cet univers, mais si on a un peu squatté les collections HK vidéo… Pas tant que ça… Pourtant, ça ne veut pas dire que le roman manque d’intérêt parce que Fonda Lee arrive à gérer ça de manière magistrale. C’est surtout par ses personnages qu’elle arrive à happer le lecteur. Ils sont mis en place avec minutie, on sent leurs caractères, leurs forces, leurs faiblesses, les conflits ouverts ou latents, les relations de rivalité mais aussi de profonde affection qui les anime. C’est une trame complète et complexe d’émotions et de liens qui font que je me suis attaché à toute la famille sans problème, et c’est ce qui porte le lecteur à travers l’histoire.
L’intrigue se met en place tout doucement, la rivalité entre les deux clans est esquissée en même temps que le passé trouble de ce pays autrefois occupé, qui s’est libéré grâce aux pouvoirs des porteurs de Jade. Des petits évènements vont se produire et faire monter la tension entre les familles, et ce sur tous les plans, dans la rue, dans la politique et le business. L’autrice arrive à poser un univers et des enjeux très complexes, qui font intervenir la politique, les complots financiers, le banditisme de la rue, tout ça en même temps de manière fluide et compréhensible pour nous, et c’est un tour de force. Ça demande tout de même d’y aller doucement, donc le rythme n’est pas toujours hyper-soutenu. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, il n’y a pas énormément de scènes de baston ni de grosses séquences de kung-fu super-guerrier, on est un peu plus fins que ça.
Le roman nous réserve quand même quelques montées en tension qui prennent aux tripes, porté par cet attachement aux protagonistes qu’on a si bien mis en place. Le poids des responsabilités et des enjeux est sur les épaules de la famille et on sent à la fois leur force et leurs doutes face à tout ça, il y a bien plus que la vie de quelques personnes dans la balance et ça demandera toute la cohésion de la famille, la discipline mais aussi l’affection qui les lie. Bizarrement, je dois vous avouer que j’ai jamais été très fan d’histoires de gangsters, justement parce que c’est souvent des enfoirés qui se la jouent macho-men pour grimper les échelons en écrasant les faibles. Ce qui change tout, c’est que les membres de la famille Kaul ne marchent ni à l’ambition, ni à la cruauté, ni à la cupidité. Ils font ça pour l’honneur, pour la famille, pour leurs proches, et ça donne une toute autre dimension à cette histoire de pègre, on oublie presque qu’ils sont criminels, ils sont nos héros et on les aime.
Fonda Lee arrive à bien exploiter le concept de ces pierres de jade qui donnent des pouvoirs et du prestige aux clan, elle creuse le truc à fond. Il y a évidemment la puissance que ça propose aux porteurs, mais aussi des gens d’autres nationalités qui y sont insensibles (mais qui, du coup, peuvent le manipuler sans risque). Il y a un trafic parallèle, des convoitises internationales, des substituts de synthèse et toute une problématique d’addiction et de surdose qui peut (et va) se révéler dramatique. L’autrice propose un univers ciselé et exploité dans ses moindres détails, ce qui donne un background fort et profond, intéressant à découvrir et qui nous change des univers fantasy. Même si, encore une fois, on retrouve des influences et des clichés bien identifiables, mais ils sont exploités avec soin et forment un tout cohérent et très solide.
Jade city est donc une excellente découverte. Fonda Lee propose une urban-fantasy d’influence asiatique très inspirée des films de gangsters, elle construit son univers avec soin et nous sert ça avec une galerie de personnages extrêmement attachants et complexes. La suite est déjà disponible, on va donc ajouter ça au programme.
Lire aussi l’avis de : Blackwolf (Blog o livre),
Je n’ai jamais lu d’UF d’influence asiatique alors que j’en ai pourtant plusieurs dans ma PAL 🙂
Je note celui ci (je ne savais même pas que c’était de l’UF alors que je l’ai vu passer souvent chez les booktubeurs xD)
Oui, c’est un monde à peu près moderne, mais fictif. Ça ressemble plus aux années 80-90, y’a pas de téléphone portable ou d’internet, mais y’a des bagnoles et des immeubles
Ça m’a l’air bien ça dis donc ^—-^.
Et pas que l’air 🙂
Moi Fonda Lee ça me perturbe parce que ça me fait penser à un croisement entre Jane Fonda et Bruce Lee. C’est une information qui méritait assurément d’être partagée, n’est-ce pas ?
Intéressant en tout cas de voir quelque chose qui semble sortir de l’ordinaire.
Oui ils ont fait le croisement génétique en laboratoire avec un moustique ayant piqué Bruce Lee qui était resté coincé dans de la résine.
Bon ben tu me retentes à nouveau avec un truc. Faut que j’arrête de lire les articles des blogueurs, mon pense-bête babelio va se transformer en blob et m’avaler. (ou avaler mon compte en banque quand il choisira de se déchaîner)
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