Un soupçon de haine est le premier tome de la trilogie L’âge de la folie, par Joe Abercrombie.
Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas mis les pieds dans l’univers grimdarklol de Joe Abercrombie, et si ses premiers romans ne m’ont pas autant passionné que d’autres, il faut avouer que Les héros et Pays rouge y étaient allé de leur petite claque épique dans la tête. Un soupçon de haine marque le début d’une nouvelle trilogie dans le petit monde de la première loi, qui a bien changé depuis.
Le temps a passé, l’industrie a révolutionné la société pour le meilleur mais surtout pour le pire. Quand le peuple du nord menace un protectorat de l’Union, quand une révolte gronde dans les manufactures, chacun des protagonistes va chercher à tirer son épingle du jeu. Nous suivrons Leo dan Brock, jeune guerrier qui rêve de gloire, Savine dan Glokta, fille de l’homme le plus craint du pays et femme d’affaire impitoyable, Orso le prince héritier, alcoolique et coureur de jupons, Rikke, la fille de Renifleur qui peine à maîtriser son don de longue vue, et d’autres encore.
Joe Abercrombie saute ici à pieds joints dans une nouvelle ère, les progrès technologiques ont propulsé la société dans l’industrialisation à fond les ballons, la noblesse exploite le peuple pour faire tourner ses industries avec peu de considération pour leur sécurité ou leur confort, ce qui mène évidemment à un air de révolte qui risque de dégénérer. Pourtant, au nord on en est encore à gérer des conflits de frontière à coup de grosse épée, parce que baston. Tout ça est bien rafraîchissant puisqu’on s’éloigne des clichés médiévaux et on découvre un univers original dans un cadre qui fait la part belle à une révolution industrielle qui part en cacahuète.
Le roman nous fait suivre plusieurs points de vue pour avoir une vision globale des évènements marquants de cette période. Rikke et Leo sont au nord, à assister au conflit entre le protectorat administré par renifleur et le roi des nordiques, on assiste surtout à une rivalité entre deux fortes personnalités de chaque camp : Leo pour le protectorat et Stour Ténèbres pour le nord, la nouvelle génération de ce monde de guerriers. Du côté d’Adua on suit Savine qui place son pognon de dingue de manière à gagner plus de pognon dans des industries et des inventions, sans aucune éthique ni respect des ouvriers qui travaillent dans ses usines, mais un évènements traumatisant va peut-être la faire évoluer ? Pas très loin on trouve le prince héritier Orso qui glande rien du tout, jusqu’à ce qu’il décide de faire quelque-chose pour arrêter d’être une petite merde, hein, pourquoi pas ?
Très honnêtement j’ai pas trouvé Un soupçon de haine très convaincant, j’ai eu l’impression constante que Joe Abercrombie faisait une caricature de Joe Abercrombie. On retrouve des personnages qui sont tous plus ou moins des descendants des personnages des bouquins précédents, et beaucoup de ces derniers font des apparitions de vieux sages qui ont bien appris la vie et donnent dans la phrase philosophique blasée. Mais même dans les nouveaux personnages on retrouve des archétypes bien Abecrombie-esques, ça oscille entre l’arrogant un peu stupide et le lâche incapable. Dans les romans précédents de l’auteur, on trouvait derrière l’humour et le nihilisme du grimdark une touche d’humanité, un côté épique qui équilibrait le tout à mon goût, mais là on a basculé dans le cynisme complet. Ou alors j’ai carrément changé dans ma sensibilité en quelques années, c’est possible aussi.
Le ton est presque caricatural, on retrouve la narration comico-cynique qui caractérise l’auteur mais auquel on a poussé tous les curseurs à fond. On a droit à des réflexions de blasés philosophes toutes les 5 minutes, des images fleuries à base de merde et de cul à longueur de temps, des personnages qui se noient dans l’échec critique et quand tu commences à croire qu’ils vont trouver une voie un peu honorable ou une réussite quelconque, l’univers (ou l’auteur) te fauche ça par une pirouette de « mais non on est dans du grimdark alors tiens, prends ce revers dans la gueule » (spéciale dédicace au twist final ridicule d’Orso et Savine). Et ça m’a gavé. Tu patauges dans un monde de merde sans une once d’humanité, de lumière, et ça devient lourd, l’humour devient horripilant, les traits d’esprits cyniques BEAUCOUP trop nombreux me sortaient par les yeux, j’en pouvais plus de ce bouquin. Il désamorce tout moment poignant en ajoutant des détails concons, genre révélation horrible et poignante, mais notre protagoniste a sa bite coincée dans la ceinture de sa robe de chambre et ça le gène, ptdr on est trop subversifs. Alors peut-être que Joe Abercrombie a toujours été comme ça sur cet univers et que c’est ma tolérance à moi qui a changé, mais j’ai quand même la nette impression qu’il est allé bien plus loin dans son délire, beaucoup trop à mon goût.
Et j’ai pas été aidé par la version audio concoctée par Hardigan. Nicolas Justamon nous fait une narration à « grosse voix » (comme Nicolas Planchais sur du Gemmell pour la même boite) et ça passe très bien pour tous les vieux guerriers mais dès qu’on a une femme ou un homme jeune, il prend une voix nasillarde assez ridicule, avec des intonations très exagérées. Mais le pire de ce livre audio n’est pas du tout de la faute du narrateur, il contient beaucoup de passages avec une prise « ratée » qui n’a pas été coupée au montage, donc une phrase est lue, puis s’arrête pour être reprise au début. La palme revient à cette prise où Nicolas Justamon nous sort un « Supérieur de queue mon cul » avant de recommencer la même phrase avec « supérieur Pyke » à la place. Allez, c’est cadeau :
De base, je suis de ceux (on est pas beaucoup) qui préfèrent la fantasy plus classique de son excellente trilogie La mer éclatée à son univers de La première loi, mais j’avais quand même toujours trouvé quelque-chose de satisfaisant dans cette saga, un équilibre entre le nihilisme et l’humain, entre l’humour et la plume. Pourtant ce Un soupçon de haine m’est complètement passé à côté parce que soit il a complètement explosé cet équilibre, soit c’est moi qui suis devenu hermétique à son charme. Mais vu les notes qu’il se tape, vous en faites pas, c’est sûrement moi.
Lire aussi l’avis de : Boudicca (Le bibliocosme), Dup (Book en stock), Apophis (Le culte d’Apophis),
Couverture : Didier Graffet
Traduction : Jean Claude Mallé
Éditeur : Bragelonne
Nombre de pages : 528
Date de sortie : 2 Décembre 2020
Prix : 25€ (broché) / 5,99€ (numérique) / 9,20€ (poche)
Étant plongée dans Le cycle des démons en audio avec Nicolas Justamon, j’ai éclaté de rire en te lisant. C’est tout à fait ça !
Merci pour le lien
Je vais juste éviter toutes les productions Hardigan à partir de maintenant :p
J’ai jamais fini la première loi, il faudrait que je le fasse à l’occasion