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Le roi des Krols, Le livre des bourrins

Le roi des krols est le premier tome du diptyque Le livre des purs, par Olivier Martinelli

Je profite des sorties poches de la collection Majik pour explorer le catalogue de Leha, et en Mai est sorti Le livre des purs d’Olivier Martinelli, version intégrale d’un diptyque composé du Roi des Krols et de L’enfant guerre. Sur le papier c’est tout à fait ma came, de la fantasy épico-badaboum à l’ancienne, mais vous m’excuserez si je me contente de vous chroniquer seulement le premier tome de cette intégrale, parce que c’était vraiment pas bien et je continuerai pas.

Daan est un jeune homme du clan Beleck, fils de Kal le charpentier qui a l’idée saugrenue d’entraîner ses 4 enfants au combat tout seul dans une grotte depuis qu’ils sont en âge de tenir une épée. Ou un arc pour Zila, parce que les filles ça se bat à l’arc, les épées c’est pour les garçons. Le clan s’est réfugié à l’écart depuis 15 ans après une guerre dont personne ne parle, et voilà que les Palocks, l’ennemi ancestral du peuple des krols, débarque en nombre pour envahir le coin et trouver le fameux Livre des purs, on sait pas trop pourquoi (parce qu’ils sont en retard pour le ramener à la bibliothèque). Le clan des beleck doit donc prendre les armes, mené par (oh surprise) Kal le charpentier qui se révèle être un légendaire maître de guerre. Il est temps pour Daan, ses frères, sa sœur et ses amis, d’entrer dans la légende aussi.

On est tout à fait dans ma zone de confort avec ce Livre des purs, Olivier Martinelli propose une fantasy épique, guerrière, avec de l’action et des moments de bravoure, je suis archi-client de cette fantasy qui devient assez rare en France, oui, ramenez la fantasy épique, make ze fantasy epic again ! J’en veux ! Mais là pourtant, rien ne fonctionne vraiment, l’auteur nous propose presque une caricature de ce qu’on aime, Le roi des krols est une succession de batailles d’un peuple en infériorité numérique envahi par des innombrables méchants très méchants pour trouver un saint McGuffin. Quand on s’attend à vivre de la tension, du désespoir, des dilemmes et toutes sortes d’émotions fortes, c’est une énorme déception parce que c’est plat, chaque bataille est facilement pliée en un ou deux chapitres, qui vont s’enchaîner avec une autre bataille, et une autre, et une autre, pour tomber dans une routine désespérante.

C’est une routine parce que nos héros, ces adolescents qui n’ont jamais vu un ennemi de leur vie, se révèlent comme par magie de grands guerriers, pratiquement tous. Daan, le protagoniste, nous sort un grand moment de bravoure de son chapeau à la première bataille, et devient un héros connu de tous avec un surnom badass : Daan Le rouge. Il est promu général après quelques jours et à la fin du bouquin l’armée est littéralement menée par des gosses qui roulent sur les méchants. Tout est d’une incompréhensible facilité, je suis pas un grand amateur de stratégie ou un érudit de la chose militaire mais là, on a quand même de grosses lacunes dans le déroulement logique de cette guerre.

C’est d’autant plus dommage que l’auteur tape dans des archétypes Gemmelliens que j’apprécie particulièrement, Kal, le papa de Daan, charpentier qui cache un grand guerrier à la retraite plein de sagesse et d’expérience, est un Druss en puissance. Mais n’est pas David Gemmell qui veut, et Martinelli tombe rapidement dans une caricature virilo-bourrine assez bas du front. On nous sort des « phrases de bonhomme » comme si c’était de la grande philosophie, du genre « La prudence c’est pour les faibles » ou ce moment où ils libèrent des centaines de prisonniers mais refusent de les enrôler dans leur armée en infériorité numérique parce que « ils ont pris goût à la défaite », une décision stratégique très très très discutable, pour ne pas dire absolument débile. Mais moi j’adore la fantasy épique Gemmellienne, j’adore les héritiers de cette branche de la fantasy, mais faut quand même apporter le minimum syndical de subtilité et de sens de l’humain pour convaincre dans ce registre. Enchainer des bastons faciles chapitre après chapitre ne suffit pas.

Il se trouve que l’auteur, plutôt versé dans le roman noir, déclare lui-même n’avoir jamais lu de fantasy, qu’il a écrit Le livre des purs suite à un challenge lancé par son fils, et il a volontairement refusé d’étudier le genre pour garder ses idées fraîches. Ben elles sont pas du tout fraîches, elles tombent dans des clichés vus et revus, mais en soi c’est pas un mal, on peut faire de belles choses avec des clichés. Mais ici Olivier Martinelli ne me donne jamais ce qui fait tout l’intérêt de la fantasy épique pour moi : L’humain, le courage, le danger, le souffle, le moment de désespoir qui nous prend aux tripes… Il ne prend pas le temps d’installer son univers, de poser ses personnages dans un contexte et de les faire évoluer naturellement pour les confronter à des menaces quasiment insurmontables petit à petit, avec une progression logique. Non, on pose des gosses à la personnalité juste esquissée au milieu d’une guerre et ils deviennent des vétérans imbattables entre le petit déjeuner et le goûter. Dans Le livre des terres bannies, Corban est un ado, il sait se battre mais se prend des revers, il fuit, il perd, il grandit sur plusieurs années et plusieurs centaines de pages de conflits avant d’arriver à un statut approchant. On prend le temps de s’attacher à lui, à son entourage, et quand le danger arrive, quand un drame survient, on le ressent. C’est ce qui manque cruellement à cette lecture.

Si je suis le premier ravi de voir une fantasy épique francophone, je dois avouer que cet essai est complètement raté. L’auteur survole son sujet et ne nous attache jamais à ses personnages, les combats enchainent clichés sur clichés sans subtilité ni saveur, il n’y a aucun élan épique car les héros ne rencontrent aucune difficulté, ils se promènent sur le champ de bataille et tranchent les méchants comme on cueille des fleurs. Aucun suspense, aucune émotion, je suis rarement resté aussi détaché d’une histoire, et ça me rend un peu triste.

Roman reçu en Service Presse de la part de la maison d’édition Leha, que je remercie.

Couverture (pour cette intégrale poche) : Julien Dejaeger
Éditeur : Leha (Majik)
Nombre de pages : 768
Date de sortie : 23 Mai 2024
Prix : 10,90€

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Cet article a 4 commentaires

  1. Carac

    Je l’avais mis dans ma liste de futurs achats, j’étais motivé, j’y croyais…et la tout est retombé. Tout ce que tu décris (sur la montée en puissance, les échecs) m’est nécessaire pour la cohérence. Dommage se sera finalement pas pour moi.
    J’aurai foutrement voulu croire en un roman comme ça
    Merci pour ta critique

  2. FeyGirl

    Un auteur qui refuse de lire les romans du genre dans lequel il écrit, ça me rappelle quelqu’un dans le domaine de la science-fiction
    Indice : ça commence par un D et ça finit par un O.
    Plus sérieusement : j’ai déjà lu des textes d’aspirants auteurs, sur des forums d’écriture, de personnes qui disaient ne pas lire des romans du même genre. Soit parce qu’ils n’avaient pas le temps (et pourquoi aurions-nous du temps pour eux ?), soit, et c’est le pire, parce qu’ils ne voulaient pas être « influencés » par les autres (ils se prennent pour le nouveau Tolkien).
    Résultat : ce qu’ils écrivent a déjà été mille fois écrit, et souvent mieux écrit.

    1. L'ours inculte

      les lecteurices en ont vu bien d’autres, le genre a une histoire et elle est pas là pour rien