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Blood Song, le demi-tube de l’été

Il y a quelques semaines, j’ai reçu une invitation du site Babelio à participer à ce qu’ils appellent une opération « Masse Critique » dont le principe est de nous envoyer un bouquin gratos en avant-première en échange d’une critique sur leur site. Je réponds OK car le bouquin m’intéresse et paf, réception de « Blood Song – La voix du Sang » d’Anthony Ryan, prochaine grosse sortie de Bragelonne prévue en Juin. Faut dire, on sent qu’ils ont ciblé les envois : L’accroche du bouquin insiste sur ses liens avec l’esprit de feu « David Gemmell » que j’ai déjà encensé à plusieurs reprises. D’ailleurs la présentation de l’éditeur fait une bonne rafale de name dropping bien hype, comparant ça au Trône de Fer, à Légende, au Nom du Vent. Ce genre de truc me rend en général méfiant, mais ils ont l’air de croire en leur bébé, donc allons-y pour cette lecture !

Le livre commence par une scène d’introduction où un scribe interroge un prisonnier présenté comme Vaelin Al Sorna, le « Tueur d’Espoir ». Le guerrier hyper trop classe discute calmement avec le scribe-narrateur, et va commencer à lui raconter son histoire, et nous voilà donc à sauter dans le passé pour découvrir la jeunesse de Vaelin, abandonné à 10 ans par son père en apprentissage auprès du sixième Ordre, espèce de bras armé d’élite de la religion locale, où il va apprendre à se battre pour défendre le Royaume des ennemis de la Foi. Ce premier tome d’une trilogie se découpe en deux parties distinctes : La première moitié du récit nous raconte les années d’apprentissages de Vaelin au sein de l’Ordre, tandis que la seconde concerne les années qui suivent, ses premières missions et batailles, et ces deux parties sont très (trop) différentes.

Toute la première moitié m’a énormément plu, on a un récit d’initiation vraiment bien mené au sein de « l’école », la construction des personnages est exemplaire et l’esprit de groupe formé par Vaelin et ses frères ressort très bien. Les épreuves de formation brutales et cruelles qui ponctuent leurs années d’étude donnent un ressort dramatique efficace plein d’action, avec juste ce qu’il faut d’intrusion extérieure pour donner une idée des enjeux de leur avenir, on assiste également à la construction en fond de plusieurs mystères qui serviront de fil rouge à la narration. Lors de cette partie, tous les personnages secondaires sont bien campés et forment un univers crédible et qui pousse le lecteur à tourner les pages.

L’aspect religieux et mystique de l’histoire est également très intéressant, l’Ordre opère pour le respect de leur religion et lutte contre les Apostats, les infidèles qui croient en autre chose que la Foi. Le héros est donc voué à se battre pour une religion qui veut s’imposer en détruisant les croyances païennes des peuples voisins à travers une répression cruelle, ce qui va soulever pas mal d’interrogations morales, d’autant plus que les complots entre l’Ordre et la couronne et différents éléments magiques entreront dans la danse. Du haut de ma maigre culture fantasy, j’ai beaucoup pensé au Soldat Chamane de Hobb, en plus burné (enfin, la première partie à l’école militaire, avant que la série devienne une succession de scènes d’introspection geignardes horripilantes…).

J’ai clairement adoré ce demi-livre, le cadre narratif est maîtrisé, l’intrigue solide, je suis a fond dedans, et puis… La fin de la formation arrive, Vaelin sort de l’école et plouf, le livre change complètement. La trame de fond évolue toujours mais le héros va partir en campagne à droite à gauche pour combattre les peuples voisins, on le suit dans des batailles aux côtés de ses compagnons mais la cohésion du groupe et la force des personnages s’effacent, ils ne sont plus que des noms parmi d’autres soldats (« Dentos tape machin pendant que Nortah tire une flèche sur truc ») et le côté « soldat d’élite exceptionnel » se fond dans des armées quelconques et des récits de batailles (pourtant très bien racontés).

Le roman perd beaucoup en cohésion aussi, les pistes de récit se multiplient, se mélangent et m’ont un peu largué, entre les complots à la cour, les différents peuples dont les noms se ressemblent et dont l’identité n’est pas clairement approfondie, le côté mystique des Apostats, Celui Qui Attend, etc… Ça part vraiment dans tous les sens, la structure en souffre et apparait parfois compliquée pour rien (d’autant plus qu’on saute dans l’espace et le temps sans prévenir). Par exemple les différentes manœuvres qui ont mené Vaelin à rencontrer ce fameux scribe m’ont arraché quelques cheveux tant ça parait invraisemblable.

Certains comportements du héros, assez incohérents avec tout ce qu’on en a vu avant, m’ont sorti du récit également. Par exemple (et sans spoiler), l’accord qu’il passe avec le Roi m’a paru absurde et ne colle absolument pas avec la construction du personnage et de l’Ordre. Y’en a plusieurs comme ça et j’ai l’impression que c’était des raccourcis grossiers de l’auteur pour mener les personnages là où il voulait, mais sans vraie justification, je me suis souvent demandé « mais pourquoi il fait ça ? ». Quelques évènements arrivent comme un poil dans le gruau aussi, le clou du spectacle étant le coup de théâtre final un peu inutile qui fait rentrer une intrigue venue de nulle-part au chausse-pied.

Bon, comme d’hab’ je râle, mais le roman dans son ensemble reste agréable et intéressant à lire pour son univers riche et ses scènes d’action dynamiques et bien fichues, c’est un premier roman prometteur mais plein de défauts de structure dès qu’il essaye de prendre de l’ampleur. On garde cependant de beaux moments dans cette seconde moitié, quelques passages moins « militaires » qui restent forts et prenants. Mais puisqu’on nous pousse à le comparer à Gemmell, allons-y ! La force de Gemmell était d’écrire de l’épique vraiment carré avec des personnages mémorables, mais tout en gardant une certaine simplicité et cohérence dans ses intrigues, Anthony Ryan a la fougue et le sens de l’action de son ainé, mais n’a pas encore dompté son intrigue compliquée qui part un peu trop dans tous les sens et perd ses personnages et le lecteur en route.

Pour finir, un merci à Bragelonne et Babelio pour m’avoir envoyé ce bouquin.

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