Dans les hasards des croisements rézosocialesques, je suis connecté au sympathique mais pas très chevelu P.Drita. Et il se trouve que le monsieur cachait dans ses bottes un petit roman autrefois édité en indépendant et la curiosité m’a poussé à rafler un exemplaire numérique pour un prix dérisoire chez le libraire du démon, à l’époque. Pourtant, vous n’aurez plus cette chance, car Poussière de sang (tel est son nom) a été embarquée à bord de l’application Rocambole (on en reparle plus bas).
Mais tout d’abord, de quoi que ça parle, Poussière de sang ? Jake McReady est un vieux chasseur de primes légendaire, et il ramène dans sa besace un criminel à livrer aux autorités, son dernier job avant la quille. Mais la ville de Nouvel Eden a d’autres projets pour Jake comme pour son bagage belliqueux : De sombres créatures s’éveillent, le carnage va commencer. L’église du coin n’offre pas vraiment refuge, peut-être que le saloon sera plus accueillant avec sa faune de poivrots, prostituées et son barman pas très humaniste ? Oh ça va être une longue nuit.
On retrouve dans Poussière de sang le cocktail simple et efficace qui fait de Une nuit en enfer un film génial. Des personnages, un lieu, des monstres, Fight ! Et dans ce genre d’histoires, la clé, le point central, c’est l’écriture de ces personnages. Un livre comme ça peut être soit du génie, soit de la grosse daube, selon les personnages et leurs interactions. En un sens, P.Drita nous tente un Tarantino littéraire. Est-ce qu’il y arrive ? Et bien, il se défend. Ce qui est très réussi, tout d’abord, c’est finalement l’ambiguïté de nos deux personnages principaux, qui vont se révéler plus complexes que leur simple rôle. L’espèce de chassé-croisé moral m’a beaucoup plu, et le « héros » se révèle être un peu pourri sur les bords. Il y a aussi de beaux moments de tension avec une prostituée native un brin vénère. Pourtant on pourra déplorer le côté archétypal de quelques autres personnages qui, eux, creusent moins loin (barman, prostituée, guerrier « indien »…).
Ce qui est également moins réussi à mon sens, ou devrais-je dire ce qui est moins à mon goût, c’est le style de P.Drita qui a tendance à faire beaucoup de moulinets avec les bras pour nous sortir de belles phrases, des métaphores accrocheuses, ou des sonorités percutantes. On a parfois l’impression de lire de la poésie, et c’est peut-être voulu, mais c’est pas forcément ma pinte de bière (oui, la tasse de thé n’est pas vraiment dans l’ambiance). On croisera de temps en temps une phrase qui tape dans le mille et va te renverser ton petit chapeau de lecteur, mais on vient de passer par 2-3 paragraphes de descriptions d’ambiances, de tournures imagées ou de métaphores tarabiscotées et ça devient un peu lourd pour moi. Un lecteur amoureux de la prose poétique, du bon mot, sera peut-être plus réceptif mais je préfère plus direct et simple.
Malgré ça c’est finalement la simplicité et l’action qui rendent cette lecture pulp agréable, ça reste fun à lire et plaira aux fans de westerns bien (bien) dark. Il y a un plaisir régressif à découvrir cette histoire de Far-west avec des démons, une friandise au goût de whisky pas dégueu.
Maintenant on va pouvoir aborder la question de « où tu pourras lire ça ». Poussière de Sang a donc été raflé par l’appli littéraire Rocambole, comme Les sempiternels d’Aude Reco ou Twelve de Michael Roch. Mais qu’est-ce donc ? Te demandes-tu… Sauf si tu sais déjà, mais fais comme si… Rocambole est une appli mobile qui s’est dit que ça serait bien de lire sur son téléphone portable des histoires découpées en petits chapitres. Genre tu suis une « série » en lisant un chapitre de 5 minutes de lecture avec un abonnement qui te donne accès à leur catalogue. Oui, voilà, « le Netflix du bouquin ». Si Netflix sortait ses séries sur un timbre-poste par morceaux de 5 minutes. Alors déjà, lire sur un écran de téléphone, non merci mais non. Lire un bouquin par morceaux de 5 minutes, non plus. Mais c’est vous qui voyez, personnellement c’est pas comme ça que j’aime lire.
Je te rejoins entièrement sur Rocambole. Déjà que lire sur écran est pas franchement agréable ou bon pour la santé, faire en plus des machins aussi courts et dont on n’a pour l’instant pas franchement de garantie sur la qualité, pour moi c’est plus une industrialisation du livre qu’autre chose.
Bah, les garanties sur la qualité ça existe jamais vraiment, mais oui, pour moi c’est l’inverse de ce que représente la lecture : Un moment calme d’immersion où tu fais une parenthèse au monde extérieur. Si ça se transforme en zappage frénétique pour consommer une histoire comme tu consommes des tweets ou de l’info, je vois pas l’interêt
Je te suis gré de ne pas avoir été dithyrambique sur ce texte qu’on ne pourra à peu près pas lire de toute façon, le contraire aurait presque été mesquin.
Oh, j’avais fait exactement ça sur Face au dragon, puisque Sillex veut toujours pas vendre ses bouquins sur leur site il est inaccessible pour beaucoup