Ordalie est le quatrième tome de la saga La dernière geste de Morgan of Glencoe
Lys de guerre était attendu par le lectorat de Morgan of Glencoe, et pas qu’un peu ! Après « Le cliffhanger de la mort »™ à la fin d’Ordalie, un changement d’éditeur et une reparution de tous les tomes chez Goater, nous voilà enfin avec le précieux. Mais, parce que c’est La dernière geste, et qu’on déconne pas avec La dernière geste, j’ai passé ces dernières semaines à relire toute la saga avant d’attaquer le petit dernier. Ça s’est sûrement ressenti sur les parutions du blog, mais zéro regret, déso pas déso, comme disent les internéteur.euse.s.
Attention, évidemment, si vous n’avez pas lu le tome précédent, poursuivez à vos risques et périls, je reste le plus vague possible, mais bon, ça pourra spoiler les plus pinailleur.euse.s.
Trahison et déshonneur, l’acte infâme de Louis-Philippe après l’ordalie met le feu au pays (assez littéralement à certains égards), et Keltia prépare maintenant la guerre. Toutes les rames sont immobilisées et seront le premier rempart face à la France, les fourmis ont du boulot tandis que certain.e.s s’activent sur d’autres fronts : Diplomatie, espionnage, sabotage, propagande. La machine est lancée. Que vaut l’équilibre diplomatique du monde face à l’égo d’un homme-enfant avec trop de pouvoir ?
Quel plaisir de continuer l’aventure, on retrouve ici les personnages qu’on adore dans une situation inextricable, et ils sont bien rares ces bouquins auxquels on s’attache à ce point, qu’on relit avec autant de plaisir et qui vous donnent presque l’impression de retourner voir des ami.e.s à chaque fois qu’on retrouve ses protagonistes. Il faut (re)dire à quel point Morgan of Glencoe arrive à donner vie à ses personnages et à nous attacher à elleux, et il y en a beaucoup ! Yuri, Bran, Pyro, Roussette, Trente-chênes, Ren, Lucien, Cers, et j’arrête là parce que ça va prendre 10 lignes… Mais pas de souci pour l’autrice qui joue avec ses fils narratifs comme une cheffe d’orchestre virtuose, se promenant dans nos têtes et jouant avec nos émotions. Aucun chapitre n’échoue à capturer notre intérêt, on se sent investi dans chaque arc, chaque page, chaque situation. Si ça c’est sa première saga, imaginez ce qu’on aura à lire sous sa plume dans 10 ans ? 20 ans ?

Lys de guerre, comme son titre pourrait l’indiquer si on est très observateur, nous propulse dans la guerre, la vraie, et on pourrait craindre un changement de focus moins maîtrisé, un pari trop osé pour Morgan of Glencoe. Mais non voyons, parce que Morgan of Glencoe sait tout faire, et quand elle nous lance dans une bataille épico-badaboum avec nos personnages qu’on aime tant sous la mitraille, ELLE ENVOIE DU LOURD ! Mais avant cet énorme apogée monstrueusement épique on va passer par des moments de planification, une mise en place qui installe les enjeux sans jamais perdre d’intérêt, des twists et des drames qui posent une tension monumentale avant d’exploser dans un acte final prenant et magnifique.
Lys de guerre approfondit son antagoniste avec une justesse prodigieuse. Louis-Philippe aurait pu paraître caricatural et peu crédible il y a 20 ans, mais en 2025, un puissant privilégié aveuglé par le culte de sa propre personnalité, prêt à lancer tout un pays dans une guerre parce que son égo fragile a été froissé, qui déforme tous les évènements pour se donner le rôle de victime et de sauveur simultanément… évidemment que ça parait crédible, il résonne avec tellement d’exemples actuels que ça frise l’évidence, c’est ici parfaitement construit et déroulé devant nos yeux. Quand on aborde ce genre de personnalité et toute la société que ça sous-entend, on va évidemment parler de patriarcat, de privilèges et d’oppression, de mauvaise foi et d’exploitation. Morgan of Glencoe installe toute ça avec finesse et talent pour nous immerger dans des conflits qui apparaissent comme une conséquence évidente de tout ce qui précède, la mécanique est naturelle, fluide et crédible. Je vous ai déjà dit qu’elle sait tout faire ?
On entend/lit souvent dans sa petite communauté que La dernière geste est cruelle avec son lectorat, que le personnage que tu aimes tant va peut-être mourir dans un moment tragique insoutenable et que tu vas souffrir (mais que tu vas aimer ça). Ça peut donner une réputation « Game-of-thronienne » à la saga si on n’y fait pas gaffe. C’est vrai que votre chouchou va peut-être mourir dans un moment tragique fou et que vous allez chialer comme un bébé (sauf si vous êtes Bob), mais j’insiste sur le fait que c’est fait d’une manière diamétralement opposée à (au hasard) un G.R.R. Martin ou d’autres auteurices qui ont surfé sur cette tendance de grimdarkitude. Quand on décrit une œuvre comme ça, je m’attends habituellement à un monde cruel et nihiliste où chaque vie ne vaut pas grand chose et la souffrance est admise comme normale, mais Morgan of Glencoe arrive ici à prendre le contre-pied de cette mode, à donner un sens à chaque mort, à chaque souffrance, à chaque combat comme une épreuve vers un idéal, un drame sur un chemin d’amitié, d’amour, de bienveillance d’un monde qui se rebelle contre l’injustice et l’indifférence. En ce sens, les tragédies de La dernière geste ne m’apparaissent jamais comme déprimantes ou plombantes, je ressens toujours une forme de joie à retrouver cet univers qui confronte des forces immenses mais très « humaines » pour construire un monde meilleur, pour former du lien entre ses personnages et nous montrer nos failles et nos forces.
Quand un personnage meurt ou souffre, c’est souvent dans une optique de combattre l’injustice, un sacrifice fait la tête haute et l’honneur sauf, pour les autres et pour l’avenir. C’est souvent un choix conscient d’un personnage qui garde son initiative, qui fait ce choix pour les autres. Enfin pas toujours, mais souvent. C’est en ça que j’y retrouve ce que j’aime en fantasy dans cette saga : L’héroïsme dans le sens du sacrifice conscient, de combattre pour de meilleurs lendemains malgré les circonstances, même dans le monde le plus injuste. La mode du grimdark a un peu annihilé ce moteur idéaliste dans beaucoup d’œuvres de fantasy et j’adore le retrouver de temps en temps, surtout quand c’est fait avec autant de talent, de passion et de souffle épique dans chaque coin de page.
Je pourrais revenir sur chaque moment mémorable, sur le parcours de Roussette, sur les grands moments de Pyro, de Douze, de Mei, sur ces épisodes « visuellement » époustouflants, ces moments de révolte et d’amitié, ces passages d’espoir et de sacrifice. Mais vous avez saisi l’idée et je m’en voudrais de vous gâcher des surprises. Tome après tome, La dernière geste impressionne toujours plus, c’est très certainement ce qui se fait de mieux en imaginaire aujourd’hui. Enfin, dans cet imaginaire que moi, j’aime. Si Morgan of Glencoe n’a pas vendu 500.000 exemplaires de ces romans dans les 5 ans, je vais me fâcher et je vais grogner très fort. Vous savez ce qui vous reste à faire.
Lire aussi l’avis de : Laird Fumble (Le syndrome Quickson), Dup (Book en stock), Snow (Bulle de livre), Yuyine,
Couverture : Aliciane
Éditeur : Goater
Nombre de pages : 706
Date de sortie : 30 Mai 2025
Prix : 18,90€ (broché)
Vu la tête que tire le gars de la couverture, on pourrait l’utiliser pour une pub contre les remontées acides ou le brûlant de l’estomac… J’hésite ! 😉