Premier tome de la trilogie The lot lands, suivez le lien pour aller sur la page de la trilogie.
Tous les ans, l’écrivain Mark Lawrence s’amuse à organiser le Self-Published Fantasy Blog-Off (SPFBO), il sélectionne 300 bouquins de fantasy auto-publiés et les distribue à un jury de 10 blogueurs, et à la fin il ne doit en rester qu’un. Cette initiative a le mérite de mettre en avant des auteurs qui sans ça resteraient peut-être dans l’ombre, et éventuellement les faire entrer dans le circuit classique de l’édition. C’est exactement ce qui est arrivé à They Grey Bastards de Jonathan French, gagnant de l’édition 2016 et maintenant publié chez Crown et Orbit. Et comme je vous raconte pas tout ça pour rien, c’est de ce bouquin qu’on va parler ici.
The grey bastards nous plonge dans les Lot Lands, des terres que le royaume d’Hispartha a gentiment donné aux anciens esclaves demi-orcs après l’Incursion, une grande guerre dans laquelle les orcs ont essayé d’envahir le pays, les esclaves demi-orcs les ont combattu sur leurs fiers destriers (d’énormes porcs qui servaient de bête de somme pendant leur captivité). C’est ainsi qu’ils ont été libérés et installés dans les Lot Lands, sous la condition qu’ils repoussent les quelques intrusions orcs qui trainent. Les demi-orcs se sont donc partagé le boulot et se sont découpé le truc, chaque clan patrouille un bout de territoire sur le dos de leur Barbarian (les cochons bad-ass). Les clans de demi-orcs suivent un code strict avec une hiérarchie, une tenue, des surnoms et des rites, l’auteur s’est inspiré des clans de motards de Sons of Anarchy pour son idée de départ et va broder tout son univers là-dessus. Le fait que les montures soient des cochons relève quasiment de la blague puisque le mot anglais « hog » est le surnom des Harley-Davidson.
Nous suivons donc Jackal, fier membre des Grey Bastards, un petit clan dirigé par le pustulant Claymaster. Notre protagoniste commence à convoiter la place du chef mais une sombre histoire de trahison va le plonger dans les emmerdes, ses compagnons de toujours, Oats et Fetching vont devoir l’épauler dans la plus grande crise qu’ait connu le clan jusqu’ici. Ce qui est frappant pour ceux qui connaissent la série Sons of Anarchy, c’est qu’on est plus vraiment au niveau de l’inspiration, là. Les Grey Bastards sont quasiment une copie du schéma du SAMCRO de la série, même les noms sont des références avec Jackal/Jax, The Claymaster/Clay, Oats/Opie. On a la table de réunion mythique, les aspirants/ « prospects », la même lutte de pouvoir. On est d’abord dans la transposition pure et simple.
Ça m’a un peu embêté au début, on se dit que Jonathan French s’est pas bien foulé et qu’il aurait pu construire ça d’une autre manière, mais heureusement le roman trouve sa propre voie après ce début aux airs de déjà-vu. On découvre petit à petit l’histoire de ces terres et de ces peuples, les tragédies et les mensonges qui ponctuent la mémoire des demi-orcs, le roman prend une toute autre dimension dès qu’on s’éloigne un peu du club et qu’on s’imprègne de l’univers dans son ensemble, tout en gardant le côté « cool » du concept de base. Le lecteur découvre tout ça en même temps que Jackal qui va tenter de suivre son code moral en bousculant un peu son monde, quitte à se mettre à dos ses frères. L’auteur s’est inspiré de l’Espagne de la Reconquista (Comme Les lions d’Al-Rassan mais dans un tout autre style) et des westerns spaghetti pour construire un univers dense et une histoire pleine de rebondissements.
The Grey Bastards part dans un rythme effréné pour emporter le lecteur, les révélations pleuvent, les trahisons s’enchainent, les situations inextricables surgissent de tous les côtés. Mais le plus important reste que tout se tient très bien, on prend beaucoup de plaisir à découvrir cet univers parce que French passe son temps à renverser la table pour remettre les choses en perspective. Il nous cache l’histoire et les motivations des personnages, nous révèle le pourquoi du comment au fur et à mesure, et tout colle. C’est extrêmement bien construit et distillé avec une science du tempo qui nous retourne toutes les vingt pages, et passé le premier tiers on se rend compte que oui, c’est bien plus qu’un simple copier-coller de Sons of Anarchy avec des bestioles fantasy.
Mais tout ça ne serait pas grand chose sans la qualité des personnages présentés. Jackal est un jeune bourrin idéaliste qui voit son monde partir en cacahuète, et il va foncer dans le tas pour se faire entendre. Mais comme nous, il en sait finalement très peu, il va se tromper, il va faire des conneries, se rattraper et toujours suivre son instinct. C’est notre seul point de vue pendant la lecture, et heureusement qu’il est réussi. A côté on a un Oats présenté comme le copain bourrin monolithique mais qui dévoile pas mal de nuances, et Fetch qui est la seule femme du clan (et de tous les clans en fait), forte, taciturne, violente et qui cache bien des choses pour pouvoir exister dans ce monde testostéroné. Et tous les autres personnages sont bien intégrés à l’ensemble, c’est ce qui permet une immersion aussi forte pour moi. Mêmes les cochons ont de la personnalité, c’est dire. Les motivations s’alignent avec les enjeux et les révélations pour que tout soit fluide et plaisant à découvrir, et donne à The Grey Bastards une vraie aura, un univers dans lequel on a envie de retourner, des peuples qu’on a envie de suivre, des héros qu’on ne veux pas lâcher.
The Grey Bastards est une vraie réussite, il part d’une simple idée de Sons of Anarchy fantasy pour nous dévoiler un univers dense qui déborde de coolitude, d’émotions et de surprises, qui parle d’esclavage, de métissage, de guerre et de code moral. Le bouquin se termine sur un pitch de la suite à venir, The True Bastards, et bordel ça donne envie.
Live in the Saddle,
Die on the hog
Lire aussi l’avis de : Apophis (Le culte d’Apophis),
On a eu quasiment les mêmes impressions (et oui, vivement le tome 2 !), une fois encore 😉 Le seul truc que je regrette dans cette édition pro est la couverture, qui est bien moins réussie (paradoxalement) que celle de l’édition auto-éditée, je trouve.
En tout cas, j’aime bien cette vague de ce que j’appellerais la « Rock’n’roll Fantasy » que nous avons depuis un an, entre Kings of the wyld ou celui-ci : ça change agréablement des machins initiatiques à prophéties et héros adolescents.
Si cette tendance fun s’installe je serai le premier ravi, c’est exactement ce que j’aime.
Sinon j’aime bien cette couverture moi, l’ancienne faisait plus fantasy old-school donc ça dépendra des gouts mais je trouve la nouvelle réussie.
Je trouve même le lettrage de l’édition Orbit (paperback) plus soigné que le titre orange dégueu de chez Crown (Hardcover)
Il pourrait me plaire je pense, en fait il me fait de l’oeil depuis le SPFBO même si une fois de plus je ne connais toujours pas sons of anarchy xD
Il peux tout à fait s’apprécier sans connaitre SoA je pense, et même plus vu que t’auras pas cette impression de déjà-vu.
Étonnant, que ce soit sa découverte (je ne connaissais pas ce « concours ») ou son pitch de départ. Et comme tu as prononcé les mots « western spaghetti », je suis un peu alléché, même s’il n’arrivera jamais en France…
Tu pourrais arrêter de me faire envie sur des livres en anglais s’il te plait ? 😛
Nop 😀
Ah, je dois dire que perso, je suis resté totalement en dehors du truc.
Comme j’avais vite lâché Sons of Anarchy les parallèles du début ne m’ont pas trop gêné, mais la suite n’a malheureusement pas été plus efficace à mes yeux. :/
Dommage, on est pas tous sensibles aux mêmes choses
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