The children of gods and fighting men est le premier tome de la trilogie The Gael song, par Shauna Lawless
Vous savez, ces bouquins que vous achetez dès la sortie et que vous lisez pas, et quand sort le tome 2, vous vous dites que ça serait bien de le lire, histoire de savoir si il faut prendre la suite ? The children of gods and fighting men de Shauna Lawless en fait partie. Il s’ennuyait sur son étagère depuis l’année dernière. Peuchère.
Fin du Xe siècle, en Irlande, le roi de Dublin est mort. Gormflaith, sa veuve, ne perd pas de temps et commence à œuvrer dans l’ombre pour placer son fils Sitric dans la course pour le trône. Complots, alliances, mariages stratégiques, on bouge ses petits pions mais Gormflaith n’est pas n’importe qui, elle est une des dernières fomoires, un peuple au grand pouvoir mais qui a quasiment été exterminé par leurs ennemis jurés les Tuatha Dé Danann. Elle doit donc à tous prix se cacher pour survivre. Fódla est justement une de ces Tuatha Dé Danann, elle a le pouvoir de guérir, et le conseil l’envoie en mission d’espionnage pour surveiller Brian Boru, un roi qui commence à faire parler de lui et qui convoite le trône du haut-roi.
Dans ce roman, Shauna Lawless mêle très habilement l’histoire d’Irlande et quelques éléments de la mythologie celte, ça donne un bouquin ancré dans son contexte historique très documenté et crédible auquel on ajoute un côté « histoire secrète » avec ce combat dans l’ombre entre les Fomoires et les Tuatha Dé Danann. Mais ce côté fantastique reste assez discret, on reste beaucoup dans la fiction historique quand même, on assiste aux conflits et manigances entre les rois des différents coins d’Irlande, on crée des alliances, on cherche des combattants pour tenir tête au voisin qui va se pointer avec son armée pour cueillir la ville, tout ça, tout ça.
On se trouve dans une époque de changement en Irlande, les vieilles croyances sont petit à petit remplacées par le christianisme, et au milieu on a les vikings qui sont installés depuis un moment dans le coin. On a donc un joyeux mélange de cultures, de religions et d’allégeances mais on est jamais perdus, l’autrice arrive à poser ce contexte et à le rendre vivant et compréhensible pour nous. Le roman parvient à nous garder accroché à travers les manœuvres politiques et les motivations de chacun, on cerne bien qui place ses pions, comment et pourquoi, et vu la complexité de toute cette trame, c’est un exploit de le rendre limpide et intéressant.
Évidemment, beaucoup de ces évènements historiques sont affaires d’homme, du moins en apparence, et nos deux points de vue ici sont des femmes. Ces perspectives donnent un propos fort au roman puisqu’on assiste à ces grands évènements presque en creux, on a des ellipses lors de grandes batailles ou d’évènements « épiques » parce que Gormflaith et Fódla sont souvent à l’arrière. Cette manière d’esquiver tout ce qui pourrait en faire un bon gros badaboum fantasy épique donne une lecture très différente de l’histoire. On observe le rôle des femmes, souvent réduites au statut d’outil pour faire des alliances via des mariages arrangés, genre la princesse de 15 ans qui va épouser le vieux roi d’à côté qui va claquer dans pas très longtemps.
Ce côté anti-épique va se ressentir sur le rythme également, on est sur une narration qui prend son temps, qui joue sur les moments calmes plus que sur l’action. Il y a une certaine tension qui reste en fond, extrêmement bien dosée, mais on n’est pas dans les archétypes de la fantasy guerrière pleine de héros et de grosses épées.
Un des trucs qui revient souvent, et qui marque, c’est le comportement des femmes avec les hommes. Elles marchent constamment sur des œufs, il y a une espèce de méfiance, de peur constante de l’homme qui peut partir en vrille n’importe quand juste parce qu’il le peut et que personne n’ira s’opposer à eux si ils décident d’en baffer une, ou pire, sur un coup de tête. Fódla décide dès le début de se défigurer (grâce à la magie) pour que les hommes ne viennent pas l’emmerder, sinon sa mission aurait été cent fois plus compliquée à cause de sa beauté. Ce rapport social entre les hommes et les femmes est super-violent mais ressort très bien ici, et bien sûr on se rend bien compte, même en tant qu’homme, que ces conneries c’est pas tout à fait du passé. Pourtant Fódla et Gormflaith ne manquent pas d’initiative, elles ont chacune un but et vont se battre avec leurs armes à elles pour accomplir leur mission, souvent en manœuvrant sans cesse avec subtilité et méfiance.
Shauna Lawless nous transporte dans une Irlande médiévale vivante et crédible avec The children of gods and fighting men, on suit les grands changements du passé à travers le regard de deux femmes qui, chacune à leur manière, s’approprient leur histoire et poursuivent une mission qu’elles se sont fixée. C’est un excellent roman, épique à sa manière, prenant, poignant, plein de finesse et de drames parfaitement amenés. Donc oui, bien sûr je lirai la suite qui sort le mois prochain.
Couverture : Micaela Alcaino
Éditeur : Head of Zeus
Nombre de pages : 440
Date de sortie : 1 Septembre 2022
Prix : 20£ (relié) / 9,99£ (broché) / 5,99£ (numérique)
Il m’a l’air pas mal. Surtout que je lis peu de romans se déroulant en Irlande. Merci pour la découverte
Tu m’as convaincue, je le note ! 🙂 Irlande, histoire, mythologie, personnages féminins, rythme au final calme, ça me va complètement ! 🙂
Ping : Le radar de l'ours, Septembre 2024 - L'ours inculte