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Persona 5, style et niaiserie

Persona 5 est le jeu qui enfonce le clou de ce que la presse a qualifié de « renouveau du jeu japonais ». Après The Last Guardian, Nier Automata, Nioh ou encore Yakuza, ces 6 derniers mois ont vu les développeurs nippons squatter le devant de la scène médiatique, le plus souvent avec les honneurs.

Le jeu qui nous intéresse aujourd’hui est le cinquième épisode d’une série, elle-même spin-off de Megami Tensei. Il faut quand même préciser avant de commencer que le jeu est intégralement en anglais, pas de français du tout, nulle part, donc ça en exclura certains automatiquement. Dans ce Persona 5 donc, vous incarnez un lycéen injustement condamné pour un délit et forcé de déménager à Tokyo pour vivre sous la tutelle de Sojiro, un vieux patron de café aigri. Vous arrivez dans la grande ville et devrez vous faire un nouveau cercle social dans votre nouveau lycée, mais vous vous retrouverez directement confronté à un professeur abusif et cruel. Ça commence à bien partir en sucette fantastique quand vous découvrez un monde parallèle, le metaverse, qui matérialise les fantasmes des personnes les plus déviantes de la société. C’est grâce à vos capacités spéciales dans cet univers que vous deviendrez le redresseur de torts psychologiques de la ville.

En journée, vous devrez gérer votre vie presque normale de lycéen en révisant, sortant avec vos amis, trouvant des petits boulots pour gagner de l’argent, allant à la bibliothèque, etc… C’est dans ces phases que vous préparerez vos combats et que vous augmenterez les 5 capacités sociales que sont la connaissance, le charme, la productivité, la gentillesse et l’audace. Ces capacités vous serviront à approfondir vos relations avec toutes les personnes qui vous entourent. Tout cet aspect du jeu est ancré dans le réel, les développeurs ont voulu retranscrire parfaitement l’ambiance de Tokyo et la vie lycéenne des japonais. Je sais pas si c’est fidèle à la réalité, mais en tous cas ça correspond parfaitement à l’image qu’on s’en fait vu d’ici, et c’est très réussi.

Après les cours, par contre, vous pourrez plonger dans le metaverse pour enfiler votre costume de « voleur de cœur » (c’est un peu niais dit comme ça) et retourner comme un gant les personnes déviantes de la société. Chacune des cibles qui passeront sous le radar des Phantom Thieves (votre petite bande) aura un donjon dans le metaverse qui représente sa psyché, donjon que vous devrez terminer pour trouver son « trésor » et ainsi le guérir de sa déviance, le forçant le plus souvent à se dénoncer. Un « palais » demandera plusieurs jours d’exploration car le héros est limité par sa ressource en magie, et il devra sortir se reposer quelques jours avant d’y retourner à chaque fois. Chaque donjon a un univers bien à lui qu’il serait dommage de révéler, le joueur y évolue librement et croise des ennemis qu’il devra attaquer par surprise pour avoir l’initiative en combat. Ces derniers sont des affrontements au tour par tour classiques dans le principe, mais le titre ajoute un système d’invocations (Les persona) qui ont des pouvoirs spéciaux.

Chaque personnage de votre équipe a un Persona qu’il peut invoquer pour lancer des sorts de tel ou tel élément selon sa spécialité. La particularité du héros est qu’il peut capturer des Persona et les fusionner pour en créer de nouveaux, donnant au jeu un côté collectionnite-Pokemon-pour-les-grands. Chaque ennemi aura pour faiblesse un ou plusieurs éléments, et une fois que vous avez trouvé à quel sort il est sensible, vous pouvez l’affaiblir pour enchainer des attaques ou lui balancer tous vos personnages sur la gueule d’un coup pour faire de gros dégâts. Le jeu se transforme en un géant Pierre-Feuille-Ciseaux(-Lézard-Spock) où vous devrez trouver les faiblesses de chaque monstre. Vous débloquerez au fur et à mesure plein d’autres capacités spécifiques mais tout détailler prendrait la semaine et ennuierait très certainement les gentils lecteurs de cet article (si vous êtes arrivés jusqu’ici vous avez déjà du mérite).

Le gros point fort du jeu est évidemment son esthétique, les développeurs d’Atlus ont donné un rendu « animé » à leur jeu, à l’image de leur précédent titre Catherine mais encore plus poussé. On a donc une esthétique très manga, saupoudrée d’un design impressionnant sur tout ce qui est menus et interfaces, donnant à tout ça une cohérence et une classe graphique rarement vue dans un jeu (les interfaces sont souvent la dernière roue du carrosse, ou l’avant-dernière pour ceux qui foutent le son encore plus bas). Techniquement y’a rien de fou-fou, mais c’est la direction artistique qui tire tout vers des sommets. La ville de Tokyo a la classe, c’est vivant, et dans les Palais là c’est le grand n’importe quoi, ça part dans tous les sens, c’est beau, ça brille, c’est coloré. On aurait quand même aimé un peu plus de folie architecturale parce que pour des gros tarés, leurs palais sont visuellement bien sages.

Au fur et à mesure de votre aventure, vous rencontrerez donc tout un tas de compagnons qui parcourront les donjons avec vous ou vous offriront un soutien logistique dans la préparation de vos expéditions. La découverte de cet univers est vraiment prenante dès le début, on rencontre tout ce petit monde et on essaye d’en savoir plus sur eux, découvrant souvent de lourds secrets ou des problèmes qui donnent de l’épaisseur à leur personnage. Vous combattrez avec eux et dans la journée vous irez trainer avec eux au restaurant, au cinéma ou au parc. Ces compagnons sont accrocheurs dès le début et ont tous un design super-intéressant mais au fur et à mesure on se rend compte de leur côté très « cliché japonais ».

En suivant les petites missions qui approfondissent nos relations avec eux, ils m’apparaissaient de plus en plus énervants par leur côté caricatural. Chacun est un gros stéréotype de lycéen, et ils se roulent dans leur propre archétype comme un cochon dans sa mare de boue. Ryuji est le bad guy de base, Ann et la wannabe top-model, Makoto l’élève studieuse, Yusuke l’artiste torturé (oh putain celui-là c’est une pile de clichés consternante sur les artistes), etc, etc… C’est une des raisons qui font que mes premières 40 heures de jeu ont été un vrai régal mais après, j’ai vraiment du me forcer. Pourtant de temps en temps il y a toujours des petits trucs sympas, quelques fulgurances intéressantes, mais dans l’ensemble c’est l’ennui qui domine la seconde moitié du jeu.

La seconde raison qui rend mon verdict final plus mitigé, qui fait presque du jeu une corvée par moments, c’est qu’il est très très bavard, souvent pour pas grand chose. On a des phases sans réel gameplay parfois pendant des heures où le jeu reprend la main, et la seule interaction possible est de dormir, passer les dialogues ou choisir une des trois réponses qui reviennent souvent au même résultat. Les personnages disent des banalités ou rabâchent leurs doutes à travers des dialogues qui reviennent tous les deux jours (« Oh mon dieu, vous pensez qu’on va y arriver ? », « Moi j’ai confiance », « Oh merci, tu me rassures »). Dans la deuxième moitié du jeu je zappais beaucoup de dialogues en bourrinant la touche X parce que ça devient vraiment très lourd à force. Le plus pénible est sans doute qu’on nous répète sans cesse des explications évidentes sur le fonctionnement de l’univers, on en arrive à penser que le jeu ne fait pas confiance à l’intelligence de son public, on a envie de lui crier sans arrêt « Mais c’est bon, j’ai compris !!!! ».

Le pire arrive dans la dernière partie où, après une progression scénaristique relativement lente, on nous balance un twist très tordu et on passe plus d’une heure à nous en expliquer tous les aspects. C’est d’une lourdeur hallucinante. En plus, toute la « révélation » qu’on nous déroule a beaucoup de lacunes et de coups du hasard qu’on passe tranquillement sous silence, j’avais l’impression qu’un collégien avait voulu écrire son Usual Suspects pour le cours de français. Mais ce constat ne concerne pas seulement la fin. On a beaucoup loué Persona 5 pour les thèmes matures qu’il aborde, les sujets graves qu’il pose sur la table comme le harcèlement, la violence, l’exploitation, l’abus de pouvoir, la corruption, etc… Et c’est vrai, on doit lui accorder ça, il aborde tous ces thèmes très durs… Mais il le fait avec une naïveté, une niaiserie, qu’on croirait que le jeu a été lui-même écrit seulement par des ados. Peut-être que je suis pas assez Japonais ni assez amateur de japonaiseries, ou que je suis « trop vieux pour ces conneries », mais suivre pendant plus de 70 heures un scénario plein de clichés à base de « les-adultes-c’est-trop-des-méchants-corrompus », c’est pas le plus stimulant.

Persona 5 est un jeu vraiment pêchu, révolutionnaire dans sa forme, il est enthousiasmant et accrocheur, c’est ce qui fait que dans toute sa première moitié j’ai vraiment adhéré. Mais une fois la surprise passée, une fois qu’on a découvert toutes ses mécanique et que la claque graphique s’estompe, je me suis forcé pour faire les dizaines d’heures restantes où le jeu raconte sans aucune subtilité une histoire naïve qui ne satisfera pas forcément tout le monde. Certainement pas moi en tous cas.

Lire aussi l’avis de : Kimo (Factornews, qui me rassure parce que je me sens moins seul), Kamui (Gamekult),

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Cet article a 3 commentaires

  1. Systia

    Le principe a l’air vraiment sympa 🙂
    Bon après c’est dommage que tu aies rencontré tous ces défauts.

    (pierre-feuille-ciseaux, moi ça me fait penser à Alex Kidd)

    1. Haha, c’est pas aussi littéral qu’Alex Kidd quand même 😀

      Si le jeu te tente, je te rassure, tout le reste du web le qualifie aisément de chef-d’oeuvre, c’est p’t-être moi qui suis un gros râleur jamais content

  2. jean-marie isaia

    je viens de le finir et j’ai vraiment pris mon pied de bout en bout j’attaque le new game + Dommage que tu parles pas des musiques du jeu qui sont un des points forts du jeu a moins qu’elles ne t’ont pas plus