Après la guerre menée par le Roi fou dans Mage de Guerre, les pays se reconstruisent tout doucement les uns après les autres, mais chez certains c’est plus compliqué. En Shael par exemple, qui a été ravagé et dont la population a subi tortures et autres joyeusetés, se relever est déjà pas simple. Les quelques survivants n’avaient vraiment pas besoin d’une invasion de fanatiques zombifiés en plus sur la tronche. Pas de bol, c’est pile ce qui leur arrive dans Mage du chaos.
Ce troisième tome de la série L’âge des ténèbres se concentre ainsi sur la ville de Voechenka qui, se remettant doucement du traumatisme de la guerre, doit faire face chaque nuit aux Réprouvés, des anciens camarades qui reviennent les chercher pour les « transformer ». La ville est mise en quarantaine et ses habitants se calfeutrent dans les quelques bâtiments qui tiennent encore debout. La protectrice Tammy Baker est envoyée de Perizzi pour enquêter sur le phénomène, et elle sera épaulée par un mage bien connu des lecteurs de la série, qui revient de sa petite promenade à l’autre bout du monde. Différents indices pointent Voechenka comme le point de convergence de tous les fléaux que nous avons croisés dans Mage de guerre et Mage de sang, y’a un truc pas net planqué là-bas qui tire des ficelles bien dégueulasses, et faut faire du ménage.
Comme à son habitude, Stephen Aryan nous fait suivre alternativement plusieurs personnages pour cadrer son histoire. On sera évidemment ravis de retrouver Balfruss qui s’était mis au vert depuis son combat traumatisant contre le Nécromancien, et qui nous revient plus sage, plus puissant, plus cool (il a sûrement suivi des stages pour ça). Sa binôme Tammy n’a pas de pouvoir magique mais distribue des mandales pour donner le change, et coupe quelques têtes à l’occasion. Mais ce sont surtout ses talents d’enquêtrice qui la rendent indispensable à l’opération. A Voechenka, Zannah et Alyssa portent la résistance de leur groupe à bout de bras. Les deux femmes repoussent inlassablement les hordes de pourris tout en gardant la cohésion et la santé mentale de leurs compagnons d’infortune. L’arrivée de Balfruss et Tammy serait donc la petite lueur d’espoir qui leur fallait ?
Après un premier tome très guerrier, et un second qui changeait complètement d’ambiance pour nous plonger dans le crime organisé et les meurtres en série, l’auteur s’amuse encore une fois à varier les plaisirs. Dans ce troisième roman de la série, on plonge dans l’horreur apocalyptique la tête la première, et c’est très réussi. Il y a une ambiance vraiment pesante qui règne sur toute l’histoire, c’est un cocktail de glauque, de désespoir et d’héroïsme qui ballote les personnages. Comme dans Mage de guerre, on a des défenseurs qui se battent malgré la fatigue et la puissance de l’assaillant. Mais ici on prend une échelle très réduite. Il ne reste que quelques dizaines de survivants planqués dans la vinerie barricadée, qui repoussent nuit après nuit les hordes de réprouvés.
J’avais mis du temps à rentrer dans le second bouquin de la saga. A posteriori je me demande si c’est pas simplement parce que j’ai pas trop accroché à Fray que mon cerveau a fait son chiant. Parce que là j’ai retrouvé toute l’efficacité qui m’avait tant plu dans le premier tome. On s’attache immédiatement aux héros et on est pris dans leur problématique en quelques lignes. Ils sont solides, on sent qu’ils ont tous un lourd passé à trimballer, chacun a ses secrets et ses conflits propres. Les femmes sont à l’honneur ici puisque sur les quatre protagonistes, trois sont des madames et elles sont toutes vraiment crédibles, esquivant avec classe les clichés lourdauds qui les accompagnent souvent dans la fantasy d’action.
Stephen Aryan s’éparpille moins que dans Mage de Sang, et revient à une trame qui va à l’essentiel, et c’est ce qui lui réussit le plus à mon humble avis. Personnages, action, ambiance. Ces éléments essentiels sont maitrisés pour la conclusion de cette trilogie. Le roman nous propose une vraie histoire d’apocalypse à l’échelle d’une cité, avec les différents groupes qui essayent de survivre chacun dans leur coin, pillant les carcasses des voisins qui sont tombés face à l’ennemi, ou créant des alliances… S’ils sont vraiment désespérés… Et entre les vagues d’ennemis, il faut tenter des sorties pour découvrir ce qui se passe vraiment dans la ville, ou simplement pour se ravitailler.
Si les personnages sont très réussis, je suis toujours un poil réservé sur la magie en elle-même qui reste finalement assez basique dans son système et ses explications. On puise dans la source de magie et on fait des grosses boules de feu, des boucliers magiques et des gros marteau qui font « chboum » sur la tête des méchants mais c’est à peu près tout. Un peu dommage pour une série qui se base sur les mages justement, on aurait préféré quelque chose de plus profond et complexe. Ça ne suffit pas à rendre la lecture déplaisante cependant, Aryan compense ça assez facilement avec les autres qualités de son récit.
Par contre, il y a un rythme assez étrange, l’histoire démarre sur des chapeaux de roue et pose son ambiance avec une facilité déconcertante puis, passé la moitié, y’a une espèce de routine qui s’installe dans les cycles des attaques, ça s’étire et on perd un peu l’élan. On arrive enfin à une conclusion en plusieurs temps qui traine un peu (Ah que tu crois que c’est fini mais que c’est pas fini en fait !). La fin déçoit par son manque de punch, il n’y a pas de grande apothéose désespérée, de déchainement de pouvoir apocalyptique ou de révélation renversante. Le méchant est méchant parce qu’il est méchant, on enchaine des combats jusqu’au boss de fin mais c’est un peu plat, sans surprise. On dirait vraiment un jeu vidéo en fait.
Mage du chaos est un livre qui accroche le lecteur par son atmosphère particulière et ses personnages foutrement bien écrits, il étend encore l’univers de l’âge des ténèbres et donne envie d’en lire plus (ça tombe bien, Stephen Aryan vient de signer pour une seconde trilogie). Ce n’est que par sa conclusion bourrine plan-plan un peu décevante qu’il loupe l’ovation de la foule en délire et les félicitations du jury. Aucune des deux suites n’a égalé le fun du premier tome pour moi, mais l’ensemble forme une série tout à fait satisfaisante et recommandable.
Lire aussi l’avis de : Apophis,
Ah, donc je vois à ta conclusion que pour toi les tomes 2 et 3 ( pour leur fin) ne sont pas au-dessus du tome 1. J’attendais les avis sur ce tome 3 pour me décider à poursuivre… Je sens que je vais passer, le tome 1 ne m’avait pas renversée.
Merci pour cette crititque complète et fun.
Y’a pas mal de gens qui ont préféré le 2, c’est selon si t’es plus réceptif au gros truc bourrin qui tâche où aux intrigues de pègre un peu plus complexes 🙂
Par contre le 3 se rapproche plus du premier je pense
J’opte pour la seconde proposition. Ce n’est pas que je déteste les trucs bourrins ( ou que je les méprise) , je les aime à dose tranquille.
Le tome 2 avec ton analogie au boucher, si je me souviens bien, est assez éloquente.
Bref, je note et je verrai plus tard si je récolte pas trop de bouquins le mois prochain.
Merci je me suis régalé avec ta critique.
Beau retour, je me laisserai tenter par le premier tome au minimum. Quand je trouverai le temps 🙂
En passant, j’aime bien les titres de tes chroniques, fun et bourré de références !
Merci beaucoup 🙂