Les souvenirs de la glace est le troisième tome de la saga Le livre des martyrs de Steven Erikson
Quatre ans !! Ça fait quatre ans que j’ai lu le tome précédent du Livre des martyrs de Steven Erikson, j’vous avais dit que ça prendrait du temps à digérer, et voilà. Quatre ans. Et maintenant on repart dans la joie et la bonne humeur dans cet univers vaste et souriant avec Les souvenirs de la glace et ses 1150 pages, et oui, c’est pour ça que vous avez pas eu de chronique depuis plus d’un mois, faut du temps.
Retour sur le continent de Genebackis, qu’un nouvel ennemi commence à envahir dans le sang et les barbecues cannibales : Le Domin de Pannion ravage toutes les villes et ses victimes servent de repas à son armée, ça évite de gérer la logistique de la bouffe, c’est bien pratique. Devant cette menace de fanatiques aux intentions floues, les troupes Malazéennes de Dujek Umbras et ce qui reste des brûleurs de pont, maintenant hors-la-loi, doivent s’allier avec leurs anciens ennemis. Mais des forces agissent dans l’ombre, derrière cette guerre. Les garennes sont mystérieusement empoisonnées, les t’lan imass se rassemblent, et le dieu estropié met ses pions en place.
On commence à avoir l’habitude avec ce cher Steven, mais le premier mot qui vient en tête pour décrire ce roman est « bordel ». Oui, c’est bordélique. Il y a des dizaines de personnages, des tas de factions et de points de vue, une mythologie toujours un peu foutraque à base d’anciens dieux, de nouveaux dieux, de presque-dieux et de trucs qu’on sait pas trop. Et plus que dans les deux premiers tomes, on a l’impression que l’auteur tente de mettre en place des trucs ici pour le long terme sur sa saga. Il le fait de manière complètement foutraque et c’est assez dur d’en comprendre les tenants et les aboutissants, mais c’est là. On a donc le syndrome du « c’est fait exprès », bien sûr, mais ça me parait plus maladroit qu’autre chose, l’impression que l’auteur a vu trop grand et galère à tout faire rentrer. Et pourtant, il y a définitivement quelque-chose d’accrocheur dans cet univers, des mystères dans tous les coins, et surtout une échelle immense qui donne le vertige.
L’auteur joue beaucoup avec cet effet d’échelle puisqu’il nous raconte une campagne militaire immense mais le fait en sautant de point de vue en point de vue, de manière très resserré sur de tout petits groupes. On va suivre Ben Le Vif qui enquête, Renarde Argentée qui se découvre elle-même, Paran et Mésangeai qui font ce qu’ils peuvent, Piocheuse qui s’emmerde un peu, Kruppe qui fait du… du Kruppe… Et plein d’autres personnages dans tous les coins qui constituent autant de petites pièces d’un immense puzzle. Et on a même pas les bords pour nous aider, sadique. Erikson a un vrai talent pour faire vivre ses personnages à travers des petites conversations, des scènes anodines entrecoupées d’ellipses acrobatiques qui nous laissent combler les trous. Il y en a beaucoup et ça donne à ce pavé un rythme très particulier, puisqu’on a 75% du bouquin qui est composé de personnages qui papotent, qui marchent, de mise en place pour ensuite nous faire quelques grandes scènes épico-badaboum d’anthologie, mais elles se méritent. 1150 pages sur ce modèle, des centaines de pages de mise en place avec deux vraies grosses montées en tension, ça peut sembler long. J’en parlais déjà pour le tome précédent, mais bizarrement ça donne une vraie impression de vivre une épopée avec ses personnages qui sont de minuscules rouages à l’échelle des évènements, on traverse un truc massif, on se sent tout petit.
Ce sont les personnages qui me font rester dans l’univers, parce qu’iels sont bien écrit.e.s et attachant.e.s. J’adore toujours Ben Le Vif, l’arc de Toc est super intrigant, Kruppe est hilarant et impressionnant en même temps, Dame Envie se promène au milieu de tout ça avec une irrésistible nonchalance, Mêle et sa discrétion surnaturelle se marre à surprendre les gens, le lien touchant entre Korlat et Mésangeai, et Itkovan, et Fuseau, et Piocheuse, etc, etc… Vous avez compris, il se passe un truc avec ce casting et dans l’ensemble j’ai beaucoup aimé le ton. Steven Erikson a apporté plus d’humour à son récit et face aux circonstances sombres et tragiques (et gores) de l’histoire ça crée un équilibre qui fonctionne bien avec moi, mieux que les deux précédents je trouve. Oh, il y va toujours franchement avec le tragique, la souffrance, et la tripaille, mais on obtient un équilibre avec un peu d’humour et de détachement qui convient pas mal à la série, et j’apprécie.
Et quand il passe la seconde, l’auteur envoie du lourd dans le spectaculaire et l’épique. Ces scènes se font attendre, certes, mais elles marquent d’autant plus, elles laissent leur trace, et pour longtemps. Mais loin des grands actes héroïques et des scènes classiques de guerres bien propres et brillantes, on tombe du côté grimdark de la force avec des soldat.e.s qui s’extirpent de situations dont iels ne maitrisent rien, des catastrophes désespérantes et des combats pour la survie simple qui virent au carnage. La troupe de Grognard qui se réfugie dans un immeuble et le transforme en grosse boucherie est une scène qui me restera longtemps, je pense.
Je sais toujours pas où il va avec sa mythologie, je trouve toujours ça un peu trop bordélique, mais OK, là je commence à accrocher à la série pour de vrai. Je suis curieux de voir où on va, de découvrir les secrets de cet univers et les destins de tout ce petit monde. J’attendrai peut-être pas quatre ans pour continuer, cette fois.
Lire aussi l’avis de : Herbefol (L’affaire Herbefol), Symphonie (L’imaginaerum de Symphonie), Zina (Les pipelettes en parlent), Xapur (Les lectures de Xapur), Les chroniques du chroniqueur, La taverne d’Onos,
Couverture : Marc Simonetti (broché) / Niko Inko (poche)
Traduction : Nicolas Merrien
Éditeur : Leha / Le livre de poche
Nombre de pages : 1152
Date de sortie : 26 Avril 2019
Prix : 27€ (broché) / 15,99€ (numérique) / 14,90€ (poche)
« le lien touchant entre Korlat et Paran »…c’est pas avec Mésangeai plutôt ?
C’est marrant, j’ai jamais trouvé Erikson foutraque. Dense ou foisonnant oui, mais bordélique jamais.
Pour ma part, j’ai mis presque 15 ans pour tout lire (en mélangeant VO et VF). 3 tomes en 4 ans, ça va dans t’es dans le ryhtme
Effectivement ! Merci de me l’avoir signalé. Tu vois ? Trop de persos on s’y perd ! 🙂
« là je commence à accrocher à la série pour de vrai » : il n’aura fallu que 3000 pages, ça va.
Oh il en reste 7000, on est large
Je te remercie pour ta chronique qui me rebooste pour continuer la série. Comme toi, cela fait maintenant plusieurs année que j’ai lu le tome 2 et je ne savais pas vraiment si j’allais continuer 😉
L’avantage c’est que j’ai pas eu trop de souci avec ma mémoire vide, il resitue a peu près tout le monde
Il faudra que je tente le coup, avec le premier tome, en espérant que j’arrive à m’accrocher, parce que les romans foutraques, ça casse souvent, chez moi :/
Bon le premier est pas non plus le meilleur mais ca donne une idée ^^
Il faudrait que je tente mais ça m’a l’air si dense que j’ai pas toujours le courage ! Merci pour la recommandation en tout cas
Je n’ai lu que les deux premiers tomes (il y a trois ans) et j’ai toujours dans l’idée de continuer (enfin de recommencer sans faire de pause pendant des années entre chaque tome en fait parce que je crains d’être complètement paumée !), mais tu me donnes quand même bien envie de reprendre. Mais cette saga est quand même fichtrement imposante…