Vous savez, depuis une dizaine d’années tous les bouquins de fantasy sont comparés au Trône de fer, et la plupart du temps c’est n’importe quoi. Du coup ça fait un peu bizarre quand on tombe sur un cas où la comparaison est pertinente. Je m’en remets à peine. Mais commençons par le commencement.
Legacy of Ash présente tous les ingrédients de la saga de fantasy épique à grande échelle, on y découvre la république de Tressia, dirigée par un conseil de familles nobles mais qui a connu pas mal de conflits internes. Ca fait 15 ans que la rébellion indépendantiste de Katya Trelan a été écrasée, ses enfants sont otages dans leur propre palais, et le sud est retourné sous la coupe du conseil. Aujourd’hui, l’empire Hadari étend ses conquêtes et menace d’envahir Tressia, mais les frontières s’étendent au nord comme au sud, et certaines factions restent fidèles à l’ancienne rébellion qui pourrait renaitre de ses cendres.
Dans tout ce joyeux bordel, nous suivons (of course) de multiples points de vue répartis dans tout le pays. Viktor Akadra est le champion de Tressia, vainqueur contre Katya Trelan il y a 15 ans, on le sent amer à propos de cette « gloire » passée, mais il a un sombre secret qui pourrait lui couter la vie. Josiri Trelan est le fils de l’ancienne rebelle et a passé sa vie d’adulte en tant que prisonnier. Pourtant, enfermé chez lui il rêve toujours de rallumer la flamme de la rébellion. Sa sœur Calenne s’en fout complètement, elle cherche seulement à se soustraire à cet héritage maudit en trouvant un mariage qui lui permettrait de changer de nom et échapper à son enfermement.
Malgré son classicisme qui en rebutera certains, la grande réussite de ce roman ce sont ses personnages et les relations compliquées qu’ils ont les uns avec les autres. Je suis un lecteur qui s’attache aux personnages et ceux-là sont très réussis, complexes et attachants à la fois, avec de lourds héritages à assumer. Josiri apparaitra tout d’abord comme un énervant geignard à râler contre le sort, mais ce sera pour mieux se relever dans la seconde moitié du roman. Viktor est le grand chevalier idéaliste mais sa part d’ombre va le foutre dans la merde, et il devra faire quelques concessions avec ses idéaux et son devoir. Ces deux-là ont une dynamique de frères ennemis très chouette qui va entrainer toute la politique du royaume.
Mais les personnages féminins ne sont pas en reste, Calenne prend ses marques pour passer du statut de princesse à marier à quelque chose de bien plus complexe. Et j’ai adoré le personnage d’Anastacia qui nous est d’abord présenté comme un démon et compagne de Josiri, mais la vérité est plus complexe et il serait dommage de révéler ça ici. J’ai aussi aimé la dynamique entre Vladama Kurkas et Revekah Halvor en duo de vieux ennemis qui se serrent les coudes dans la boue. Et y’en a plein d’autres, que ce soit le politicien Malachi qui essaye de faire le bien au sein d’un conseil corrompu tout en gardant sa famille en sécurité, Melanna la fille du prince Hadari qui veut prouver sa valeur à son père et assoir son statut d’héritière impériale, Roslava la guerrière malmenée par les manœuvres politiques, etc… Y’aurait tant à dire sur les trajectoires de chacun mais on va pas y passer la semaine donc je vais m’arrêter là. J’ajouterai juste que oui, les noms sont un peu compliqués à retenir et à différencier, c’est un des points qui rendent le début assez confus.
Bon, vous l’avez compris, y’a plein de personnages et de la politique, mais on va essayer de vous donner une idée plus précise de ce qu’est ce roman dans son ensemble (jusque là c’est un peu confus, non ?). La première moitié nous pose le décor et nous présente plein de personnages qui ont un lourd héritage sur les épaules, et oui c’est dans le titre, c’est un thème fort du roman. Leurs rapports sont conditionnés par les tensions de leurs ainés, et le bouquin va beaucoup parler de ça et de la manière dont on peut embrasser ou rejeter un lourd passé. Cette dynamique se construit petit à petit avant d’exploser en milieu de roman dans une bataille épique, et assez complexe dans son déroulement avec des tas de personnalités et d’allégeances qui vacillent. Et la dernière partie du roman est très lourde en manœuvres politiques, corruption, drames et retournements de situation. Ce qui apparaissait au début comme un « Game of Thrones » un peu moins nihiliste bascule dans une zone complètement grimdark sur cette dernière partie, et ça capitalise sur le travail de construction des personnages pour te déchirer un peu plus le cœur. On termine sur une note mystérieuse et douce-amère qui pousse à aller cueillir le tome 2 dans la foulée.
Un des points intéressants c’est qu’il y a très peu de personnage de « méchant » (à part une certaine politicienne qui mérite une bonne collection de claques dans la gueule). Beaucoup de conflits viennent de différences de perspectives et les changements de point de vue nous permettent d’observer chaque côté, et de comprendre pourquoi chacun réagit comme il le fait. C’est très bien joué parce qu’on peut voir ainsi l’ensemble du puzzle dramatique, la tragédie qui se joue a encore plus de force.
Oh, et j’ai même pas abordé toute la partie « magie et mythologie » de l’univers. Le lecteur découvre petit à petit qu’il y a un mystérieux panthéon de divinités liées à la lumière et aux ténèbres, qui ont l’air de prêter des pouvoirs à quelques personnages. Ce sont des « dieux » qui apparaissent de temps en temps en coulisse, à l’image des dieux grecs dans les récits d’Homère, et leurs relations sont encore floues. Rassurez-vous, on va un peu plus loin que le « lumière-bien et ténèbres-pas bien », y’a un jeu avec l’ombre et la lumière que j’ai vaguement évoqué plus haut. Et on a aussi une espèce de guilde d’assassins qui se matérialisent dans une explosion de corbeaux super-classe avec des super-pouvoirs de tueurs. C’est cool et encore très mystérieux.
Roman de fantasy épique et politique très dense, avec des tonnes de personnages et un background encore très mystérieux, Legacy of ash est un premier roman très convaincant malgré quelques maladresses (résultat d’une ambition certainement démesurée pour un premier roman). Matthew Ward réussit pourtant à nous plonger dans son univers et ses intrigues, à nous attacher à ses personnages et leurs conflits internes comme externes. Pas forcément innovant, mais terriblement divertissant, je lirai la suite avec plaisir dans quelques semaines.
Tu donnes très envie de le lire ! ^^ Cela dit, mon cerveau est un peu fatigué de lire en anglais donc ça serait cool qu’il soit traduit XD.
J’crois que les éditeurs fr sont un peu réticents devant les pavés de 800 pages, mais on peut faire des prières aux dieux
Ca semble intéressant comme roman, j’attendrais une traduction en espérant qu’elle arrive 🙂
Ah tu m’as eu avec tes mises en avant des personnages. Je suis aussi une lectrice qui a besoin de bons personnages et ça contrebalance souvent d’éventuels défauts.
Les noms font très russe ou au moins pays slaves.
Je ne sais pas si la comparaison avec GoT me plait, vu que je n’ai aimé ni les livres (sympa mais bof, j’ai fini par abandonner au 9ième édition découpé, donc à la troisième intégrale) ni la série tv (que je n’ai même pas regardé au delà du 2ième épisode xD).
Bref je le note et on verra bien ^^
Dans ce genre de série tout ce joue à l’attachement aux personnages je pense.
Ca m’intrigue, le côté personnage et politique bien développé me plait, je me le note !
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