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Au cœur des méchas, Robots malins

Si vous n’êtes pas sur les réseaux de micro-blogging (ceux qui ne sont pas encore devenus un des cercles des enfers, j’veux dire), vous n’avez peut-être jamais croisé l’ombre internétale de Denis Colombi, sociologue batmanesque et adepte du running gag au long cours. Déjà c’est une erreur, remédiez à cela au plus vite, je vous prie. Le monsieur, auteur de plusieurs livres de sociologie que j’ai pas lus parce que c’est pas de la fiction donc c’est chiant, publie sa première œuvre de fiction chez 1115 et sort la grosse artillerie : Des robots qui tapent des monstres.

Vous connaissez la chanson, la Terre est attaquée par des grosses bestioles extra-terrestres à un rythme régulier, et petit à petit l’humanité a mis en place une riposte à la hauteur de la menace (littéralement) avec des méchas super-cools. Si on voit à la télé les combats des gros robots bien propagandés et les pilotes starifiés à outrance, peu de gens savent qu’à l’intérieur de ces grosses boites de conserve se cachent des petites armées d’ouvrier.e.s et ingénieur.euse.s qui cavalent d’un bout à l’autre de la machinerie pour colmater des fuites, réparer des pistons et sauver le monde à coup de tournevis et de clé à molette. Et c’est l’histoire de l’une d’elles que nous allons suivre ici, découvrir à travers son histoire et son regard ce que cache la défense de la Terre.

Denis Colombi part tout d’abord d’un pur kiff culturel puisqu’il exploite un sous-genre de la S-F que plusieurs générations de lecteurices connaissent certainement : Les histoires de robots géants. Vous les avez certainement déjà croisés, que ce soit dans Goldorak, Robotech, Patlabor, Evangelion (oui, le Japon est assez productif là-dedans), ou Pacific Rim. Au cœur des méchas nous donne déjà en moins de 100 pages un shoot concentré de ce genre d’histoire et reprend dans les grandes largeurs pas mal de poncifs de ses modèles pour jouer avec et placer des références partout pour le délire. Déjà, au premier degré on passe un très bon moment puisque c’est bien amené, rythmé au poil, et que les vieilles pantoufles de la nostalgie hyper-référencée sont toujours un bon moyen de faire passer autre chose.

Parce que l’auteur se sert aussi de ça pour mouliner la recette mécha à sa sauce, et l’imaginer dans notre société actuelle, avec tous ses travers et ses sales manies débiles. Ainsi, faire des robots complètement autonomes serait absolument pas efficace et il est bien plus rentable de les remplir de petites mains pour faire le boulot en temps réel, et si les dites petites mains crèvent, c’est pas très grave, on les voit pas à la télé. Par le regard de notre protagoniste, on va découvrir les secrets de cette machine politique et médiatique, c’est progressif, logique et implacable, mais si vous vivez en 2024 ou après, vous vous doutez bien que c’est très crédible.

Pour moi qui n’aime pas trop la science-fiction qui sort ses gros sabots pour étaler sa confiture sur « la société » (au point que j’ai longtemps cru ne pas aimer la SF tout court), un bouquin de SF par un sociologue c’était un peu risqué, il allait encore nous faire des tartines de discours au lieu de nous raconter une histoire et nous laisser la digérer, c’est obligé. J’en suis sûr. J’en mettrais ma main à c…. Euh… Non, oubliez ça, en fait pas du tout. On a ici de la SF directe et cool, dont les thématiques et les messages sont clairs mais implicites, et qui nous laisse en faire un peu ce qu’on veut, recevoir tout ça par l’angle qu’on souhaite.

En très peu de pages, Au cœur des méchas est très riche à creuser si on a envie, on parle de politique, de media, de travail, et chacun pourra trouver un truc qui lui parle dans différents aspects du tableau social qu’il nous livre. Oui on trouve de l’exploitation des ouvriers au mépris de leur santé (au niveau hardcore), de l’invisibilisation, de la privatisation et de la propagande, c’est bizarrement à la fois subtil et évident dans le texte, tout se déroule avec beaucoup de naturel dès qu’on commence à tirer une des ficelles que l’auteur laisse traîner bien en évidence. Mais si vous êtes, un exemple complètement au hasard et absolument pas du tout du tout personnel, développeur de jeu vidéo, peut-être que cette invisibilisation des travailleur.euse.s dans la communication d’un truc hyper-médiatique et grand public qui brasse des millions, ça peut résonner d’une autre manière.

Denis Colombi trouve avec Au cœur des méchas un équilibre que j’apprécie donc particulièrement. C’est une petite histoire qui se lit avec grand plaisir, qui propose du rythme, de l’action, de la tension et du suspense, et qui nous laisse ensuite tout le loisir de la digérer et l’interpréter sans nous envoyer ses explications de texte à la figure. Et faire confiance en l’intelligence du lectorat, quelque part, c’est finalement pas très surprenant venant de cet auteur.

Lire aussi l’avis de : Laird Fumble (Le syndrome Quickson), Fantasy à la carte, Le chien critique, Stéphanie Chaptal (Outrelivres),

Couverture : Victor Yale
Éditeur : 1115
Nombre de pages : 96
Date de sortie : 10 Mai 2024
Prix : 9€ (broché)

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Cet article a 4 commentaires

  1. belette2911

    Non, je vais passer mon tour, même si j’étais fan de Goldorak et que maintenant, j’ai envie de chanter le générique à tue-tête 😆