Sous la colline et Toxoplasma étaient des lectures vraiment dingues, Sabrina Calvo a une manière de mélanger les univers et thématiques dans un grand n’importe quoi qui reste cohérent et fou à la fois. J’avais fort hâte de lire son petit dernier qui a été repoussé plusieurs fois dans cette année chaotique. Mais voilà Melmoth furieux ! Enfin ! Avec une couverture pas du tout à mon goût mais on s’en fout !
Fi a rejoint la commune de Belleville qui résiste encore derrière ses barricades. Au milieu de cette société patchwork faite de solidarité, d’entraide et de gens tout bizarres, elle met ses compétences de couturières au service de la communauté, pour apporter sa petite pierre à cet édifice révolutionnaire. Mais Fi a aussi un but secret, un but personnel, elle veut cramer Eurodisney, le parc est à la fois camp de prisonniers, camp de travail, et centre d’un pouvoir oppressif. Mais surtout, c’est là que son frère Mehdi s’est immolé le jour de l’inauguration du Parc. Pourquoi ? Entre la rage et la quête de réponses, avec l’aide d’enfants et d’un fou mystérieux, ça va barder pour Mickey.
Je m’attendais à rentrer dans un gros bordel organisé en ouvrant Melmoth furieux, et c’est très beaucoup le cas. Au début on découvre un cadre (la commune) qui va rappeler celle de Montréal dans Toxoplasma, on retrouve un peu le même fonctionnement de société auto-gérée un peu foutoir. Mais là on pousse le curseur plus loin parce qu’on se rend compte que que la plupart des habitants sont plutôt en mode camping-squat, on vit comme ça vient, on bouffe ce qui passe, on s’habille avec ce qui traine. D’ailleurs les fringues vont avoir une grosse importance dans le bouquin, Fi est couturière et elle crée des fringues à partir des chutes de tout et n’importe quoi, on se rend vite compte de la folie vestimentaire qui habite Belleville. A chaque fois que l’autrice décrit la tenue de quelqu’un, et ça arrive souvent, j’essayais de m’imaginer le truc et c’était assez perché, mode de rapiéçage, comme si tu vas dans une friperie et tu fais les mélanges les plus improbables et glorieux de tout ce qui traine. Et bien sûr, ce n’est pas que visuel, la couture va prendre un sens dans l’histoire, dans les thèmes, et englober un peu tout le reste.
L’histoire à proprement parler, dégommer la gueule à Mickey, reste pas mal en arrière-plan pendant une grosse partie du bouquin et c’est ce qui m’a un peu déçu à cette lecture. Là où on était speed, très éparpillé, mais avec un rythme soutenu et une grosse cohérence dans les deux bouquins précédents, j’ai trouvé qu’on s’éloignait souvent un peu trop de la narration à mon goût. C’est personnel, ça dépendra du lecteur, mais Melmoth furieux passe souvent dans un registre à la fois très descriptif et poétique, pour nous faire vivre au milieu de cette commune par des petites scènes du quotidien ou le cheminement mental de Fi. Y’a des tas de références nostalgiques à un univers très marqué « années 90 », y’a des envolées poétiques, des tirades révoltées et imagées que ne renierait pas un Damasio en costume de punk. Tout ça fait qu’on arrive moins à cerner les personnages, on s’attarde moins sur leurs relations, sur leurs moteurs. J’avais l’impression de mélanger un peu tous les personnages secondaires, à part quelques-uns.
Le roman a de vraies scènes puissantes, une ambiance de dingue, une situation forte dans un Paris alternatif ZADifié. Mais ça erre un peu au milieu des pages, on met du temps à rentrer à nouveau dans l’intrigue et une fois qu’on est repartis, ça termine dans un feu d’artifice un peu confus et pas très satisfaisant. Clairement il faudra apprécier le voyage et l’ambiance, plus que la destination. Là où Toxoplasma utilisait un cadre très politique pour nous raconter une histoire, j’ai eu l’impression que Melmoth furieux utilise une histoire pour nous raconter son cadre très politique. C’est subtil. J’ai refermé le bouquin avec pas mal de gros souvenirs, mais avec une petite déception sur l’ensemble, il m’a paru moins cohérent, moins entier, moins porteur de sens. Pour moi. A moins que ce soit moi, que je m’y sois moins retrouvé dans les thèmes, que quelque-chose se soit perdu entre le bouquin et mon cerveau. Ça m’a pas parlé tant que ça. Question de moment, question d’attente, question de thèmes. Difficile à dire sur ce genre d’exercice.
Ce que tu en dis me plait beaucoup (bizarrement) :D. J’essaierai de ne pas y mettre des attentes de fou et ça devrait aider. En tout cas, merci beaucoup pour ton retour :)).
Haha, si j’arrive à te donner envie de le lire en étant mitigé, je considère que j’ai bien fait mon job 🙂
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Même sentiment, adoré l’ambiance générale, l’écriture bien sûr, mais on perd assez souvent l’histoire…