Oh, vous savez, moi les nouvelles c’est pas trop mon truc, je préfère les formats longs. Puis vous savez, moi les dystopies c’est pas trop mon truc, j’aime bien mes lectures enthousiasmantes et fun. Oh, un recueil de nouvelles SF dystopiques queer, ça a l’air bien.
Dans Ici, Matis affronte les pressions familiales intenables d’un jeune trans. Dans La course aux droits, Paloma raconte son passé de candidate d’une télé-réalité un peu particulière. Dans Le carnet, Matheo retrouve un vocabulaire du passé et des idées disparues. Dans Pilote, on vit en plusieurs couches le visionnage du pilote d’une série sentai et ses « rebondissements ». Dans Henry, Jass, et tous les autres, on partage quelques moments d’une communauté dans un monde post-apo. Ces cinq histoires nous racontent des personnages souvent jeunes, qui se construisent, se cherchent, dans un monde qui ne veut pas d’elleux et qui les attaque et les efface frontalement.

CM Deiana nous propose des histoires dans un futur plus ou moins proche, plus ou moins extrapolé, et parfois pas tant que ça, et parfois pas du tout. Ces histoires ont souvent des cadres déjà-lu, déjà-vu en SF, presque du classique, et classiquement pour nous donner un miroir vers notre société à nous parce que saféréfléchir. Sauf que l’auteur nous fait une pirouette de côté en nous faisant vivre des histoires d’oppression du futur dans la peau des opprimés du présent, surtout des personnes LGBTQIA+ ici. Là où les dystopies oppriment en général « les gens normaux » avec des « gens méchants », les sociétés d’Affronter les loups oppriment les déjà opprimés d’aujourd’hui mais en poussant le bouchon juste un peu plus loin, Maurice, et parfois même pas tant que ça, pas besoin. Dans Affronter les loups, les loups c’est les gens « normaux », c’est le grand nous, c’est moi.
J’ai aimé ces histoires parce que, déjà, elles arrivent à capturer les lecteurices par des personnages esquissés en peu de pages mais avec force et humanité. On s’identifie à des protagonistes dont l’enjeu est justement l’identité et quand on ne vit pas ces situations où qu’on les vit de loin comme l’homme blanc cis que je suis, le jeu de perspective frappe et n’en devient que plus efficace. Là où moi d’habitude j’ai du mal à rentrer dans des nouvelles parce que je trouve ça souvent trop court, j’ai pas le temps de rentrer dedans, Affronter les loups ne m’a pas posé ce souci parce que l’écriture et la construction amènent une immédiateté, c’est efficace, on est dedans tout de suite, et le propos explose.
Le peu de SF que je lis ne se tourne en général pas trop vers la dystopie, j’aime la joie de vivre et la bonne humeur, que voulez-vous ? Mais surtout j’aime l’espoir et la lumière au bout de l’aventure, et souvent la dystopie c’est l’oppression absurde comme sport national. Pourtant ici j’ai apprécié toute ma lecture. Peut-être parce que ça se lit assez vite donc j’ai pas passé 3 semaines là-dedans, déjà. Attention, il y a du trigger warning en pagaille parce qu’on aborde des sujets durs (suicide, maltraitance, transphobie, etc…), et on y va franchement, mais on a toujours une petite lumière dans un coin, un futur qu’on peut apercevoir, ou un bon gros vent de révolte explosif. Et la progression même du recueil, l’articulation des histoires, offre un chemin vers quelque-chose. Dans un tour de magie dont j’ai pas compris tous les secrets, ce recueil donne un peu d’élan au milieu d’un monde de merde. Il donne à voir l’humain quand le systémique écrase. C’est dur mais c’est beau. C’est dur mais ça me parle.
N’hésitez pas à lâcher un sou sur le Ko-fi de l’auteur pour acheter ce petit bouquin en papier ou numérique, si ce que j’en ai dit vous parle, vous m’en direz des nouvelles.
Lire aussi l’avis de : Stéphanie Chaptal (Outrelivres),
Couverture : CM Deiana
Éditeur : auto-édité
Nombre de pages : 128
Sortie : 28 Septembre 2025
Prix : 13€ (broché) / 4€ (numérique)