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La stratégie des as, honor among thieves

Une bande de voleurs hauts en couleurs, un gros caillou à subtiliser, un commanditaire louche, une ville complètement steampunk agrémentée de fantasy, un ton résolument fun… N’en dites pas plus, c’est où qu’on signe ?

La stratégie des As de Damien Snyers, qui sort cette semaine chez ActuSF, promet du lourd avec sa couverture qui pète (d’un certain Dogan Oztel) et son résumé tout pêchu. Nous sommes aux XIXe siècle à Nowy-Kraków pour faire la connaissance de James, un elfe voleur adepte de l’improvisation, qui est engagé par le mystérieux Astur pour voler une pierre précieuse. Histoire de pimenter un peu la salade, notre héros se retrouve avec un bracelet qui menace d’exploser si le contrat échoue. La confiance règne. Avec ses complices Élise et Jorg, respectivement une demi-elfe et un Troll immense colleur de baffes, James va devoir planifier ce vol payé beaucoup trop cher pour être honnête.

Alors, qu’est-ce qu’il a dans le ventre ce nouveau venu sur la scène de l’imaginaire français ? Ben déjà il est belge, donc la question tape à côté, mais il écrit bien dans notre langue donc on va parler de l’imaginaire francophone comme ça ça marchera mieux. Et pour répondre à la question, on va dire qu’il envoie bien du pâté. La stratégie des As est l’exemple parfait du bouquin direct et efficace. Même si cette histoire de voleurs qui doivent monter une arnaque pour dérober un trucmuche sent le scénario de casse classique, cette Europe steampunk uchronique a sacrément la classe. La ville est une nouvelle version de la Cracovie polonaise où il fait toujours beau parce que le temps est régulé par les mages, et où les calèches automatiques roulent à vapeur. Damien Snyers nous sert une histoire relativement simple mais travaille à fond son ambiance.

Mais surtout, il va nous peaufiner des personnages aux p’tits oignons, ce sont eux qui vont nous faire entrer dans le bouquin, à commencer par James qui est le narrateur. Le roman est à la première personne et ce héros nous permet de découvrir l’univers avec panache. Il apparait comme un voleur imaginatif et adroit, il veille sur ses compagnons et emmerde le reste du monde, il est cool quoi ! Le même traitement est réservé à tous les personnages, à travers les yeux de James on s’attache à toute sa petite bande. Ils sont très réussis même si on regrette que Jorg ne prenne pas plus part à l’action, il reste un peu à l’écart une fois que l’opération est lancée.

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Dans l’équilibre de ce groupe, j’ai beaucoup apprécié l’effort de l’auteur pour esquiver tous les schémas classiques des relations entre les héros. On dirait qu’il s’amuse à prendre à contre-pieds tous les poncifs pour nous surprendre et livrer un casting qui sonne vrai pendant la lecture. Il ne se perd pas dans des histoires d’amour ou de rivalité lourdes, à chaque fois qu’il fait mine de vouloir nous amener par là, il s’en sort d’une pirouette et va dans une autre direction (tu le vois, le sourire malicieux de l’écrivain au-dessus de son clavier ?). Et lorsqu’il aborde l’amitié, l’affection, même l’amour, il le fait avec légèreté. James ne se lamente pas cent ans sur ses doutes et ses sentiments, il est direct,et c’est rafraichissant.

Évidemment, on pense à Scott Lynch et ses Salauds gentilshommes en lisant La stratégie des As. On ressent le même esprit de groupe, et la même ambiance urbaine un peu fantasy que dans le premier tome des aventures de Locke Lamora. James, Élise, Jorg, et plus tard Mila, préparent leur coup avec minutie mais doivent évidemment improviser et faire face au danger, tout en gardant leur arnaque sur les rails. Le suspense qui tient l’ensemble est très bien géré et baladera le lecteur jusqu’au bout.

Malgré la simplicité de la trame, l’écrivain arrive à aborder des thèmes intéressants pour donner un peu de corps à son univers. On va nous parler de classes sociales, de racisme, de maladie, de vieillesse. C’est toujours fait avec subtilité, sans s’appesantir en mode « hé regarde, je mets des messages dans mon livre ! » pendant trois heures. On a ici un roman qui nous donne quelques clés pour fouiller son propos mais qui nous laisse lire entre les lignes, on est grands, on se débrouille. Le principal c’est l’aventure et les personnages.

On notera également que l’éditeur nous livre un roman suivi d’une nouvelle et d’une interview en bonus track, comme ils l’avaient fait sur Royaume de vent et de colères. La nouvelle nous fait un petit flashback sur le passé de Mila, un petit dessert pas du tout désagréable pour finir en beauté.

La stratégie des As est un premier roman maitrisé qui va à l’essentiel, dont la principale qualité est la parfaite construction des personnages. C’est fun, ça a du caractère et ça se lit avec beaucoup de plaisir. J’ai hâte de voir ce que pourront donner les prochains romans de Damien Snyers, s’il pousse un peu plus la construction de son histoire principale pour nous surprendre de ce côté-là également.

Lire aussi l’avis de : Les tribulations d’Amarüel, La magie des mots, Too Many Books,

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Cet article a 5 commentaires

  1. Boudicca

    Je signe aussi ! 😀

  2. Amarüel

    Merci pour le partage 🙂
    Je te rejoins complètement sur ce livre : que ce soit la trame qui semble simpliste, qui ne l’est finalement pas, ou les personnages « aux p’tits oignons ». Et effectivement, la nouvelle bonus est franchement bienvenue.

  3. lorhkan

    Si ce roman ne souffre pas la comparaison avec « Les salauds gentilshommes », alors ça me va. 😉

    1. L'ours inculte

      Non j’ai pas trouvé, mais il joue pas tout à fait dans la même catégorie, il est quand même différent à plusieurs niveaux. C’est juste qu’il dégage un petit feeling qui y fait penser fatalement tout en gardant son identité à lui

  4. Adlyn

    Je n’avais pas fait moi-même la comparaison avec Les Salauds Gentilshommes pendant ma lecture, le mélange fantasy-humour me rappelant plutôt Pratchett mais je dois avouer qu’elle est bien trouvée ! Il se dégage décidément quelque chose d’attachant de ces petites bandes de voleurs un peu en marge de la société ^^