Et oui, Harry Bosch approche de la retraite, « trop vieux pour ces conneries » dirait un sergent Murtaugh désabusé… Mais pas Harry, nop, le flic des affaires non classées en a encore sous le coude, il lui reste moins d’un an avant la glandouille et une nouvelle affaire bien tordue va lui tomber dessus dans ce Mariachi Plaza.
Il y a dix ans, un mariachi se fait tirer dessus sur une place bondée alors qu’il jouait tranquillement avec son groupe. Classé comme « balle perdue lors d’une fusillade entre gangs », l’affaire est vite posée sur une étagère, d’autant plus que le bonhomme n’est pas mort. La balle s’est logée dans sa colonne vertébrale mais il a fallu dix ans pour qu’une septicémie l’emporte, permettant le coroner de retirer la balle pour lancer Harry Bosch sur l’affaire. Notre bon vieux héros va évidemment balayer les conclusions bien hâtives de l’époque pour donner à l’enquête une nouvelle direction, bien plus tordue. Il sera accompagné par la jeune Lucia Soto, une « bleue » que Bosch va superviser et qui se révèlera pleine de ressources.
A l’affaire principale du mariachi va s’ajouter une seconde enquête simultanée qui concernera le passé de la jeune femme, aussi complexe que la première. Ils devront découvrir les origines d’un incendie survenu il y a vingt ans, qui a tué une groupe d’enfants dans une garderie illégale au sous-sol d’un immeuble (d’ailleurs, le titre VO est The Burning Room). Autant vous dire qu’ils vont pas compter leurs heures sup’, les deux enquêteurs. Comme à son habitude, Michael Connelly donne à son roman un rythme effréné qui emporte le lecteur sans jamais relâcher le tempo. Souvent dans la série, l’auteur souligne l’importance de l’élan d’une enquête, une fois que les pièces se mettent à bouger il ne faut plus s’arrêter et suivre le mouvement. Ce constat s’applique en miroir à la lecture du roman. Comme Harry, le lecteur peut difficilement lâcher l’affaire, et encore une fois on lit un Harry Bosch en quelques jours.
La relation entre Soto et Bosch est vraiment intéressante, on découvre une inspectrice qui pourrait constituer la relève du vieux briscard. Ce dernier va donc l’observer et l’encadrer pendant l’enquête en réalisant son potentiel au fur et à mesure. Les deux se complètent et se découvrent en même temps, et ça donne pas mal d’épaisseur à ce nouveau personnage. Au-delà de ça on retrouve l’entourage connu du héros, sa fille, ses collègues, la presse, les procureurs, sa hiérarchie qui lui met la pression, etc…
Cette pression s’accentue avec tout l’aspect politique qu’elle prend assez rapidement. Les requins sont en campagne et n’apprécieront pas vraiment que les petits secrets qui trainent sous leur tapis soient découverts, la presse s’y met, la hiérarchie est sous pression, Harry et Lucia doivent garder la tête froide. L’univers est maitrisé dans ses moindres détails. Les procédures, les rôles de chacun, les raisonnements et les fausses pistes, tout est crédible et se déroule avec une fluidité hallucinante, mais connaissant l’auteur on n’en est presque pas surpris. Connelly fait dans la mécanique parfaitement huilée, la précision et la psychologie. On est au cœur des rouages complexes de la justice que l’auteur connait parfaitement bien et arrive à retranscrire dans chacun de ses romans. C’est jamais racoleur, grossier ou tape-à-l’œil, on a l’élégance du polar qui ne prend pas son lectorat pour des débiles.
Mariachi Plaza est un très bon opus de la série, que tous les fans apprécieront très certainement. Et ceux qui n’ont jamais lu un Connelly devraient s’y mettre sans attendre, franchement, c’est une grosse lacune si on s’intéresse au genre. La série est à un tournant, avec ce héros en fin de carrière on se demande bien ce que nous réserve l’écrivain pour les prochains romans. The crossing est paru en VO fin 2015 et The Wrong Side of Goodbye vient de sortir, on les attend chez nous avec impatience, tout comme la saison 2 de la série télé.