Il y a quelques mois, j’avais lu la novella Jennifer a disparu de Laurent Genefort parue chez Walrus, où l’auteur s’imaginait Détective privé pour extra-terrestres après le premier contact. Ça donnait un gros délire hyper-référencé qui faisait office de sucrerie littéraire. Mais v’là t’y pas que Hélios nous en sort une fournée entière dans Crimes, Aliens et Châtiments, apparemment c’est contagieux.
Nous avons un recueil de trois histoires du même acabit avec en ouverture le susnommé Jennifer a disparu (je re-rentrerai pas dans les détails de cette histoire, j’en ai déjà parlé) mais sachez que les deux suivantes partent du même postulat farfelu : Les auteurs de SF se retrouvent bien désœuvrés après le débarquement de vrais aliens véritables en vrai, du coup plus personne ne lit leurs histoires vu qu’ils la vivent au quotidien. Forcés de se recycler, les écrivains en question se convertissent en détectives spécialisés E.T. et c’est la gloire. Ou presque. A la suite de Laurent Genefort, c’est Pierre Bordage et Laurent Whale qui s’essayent à l’exercice avec respectivement Où es-tu mon Choo ? et L’affaire du FBG.
L’histoire de Pierre Bordage commence comme Jennifer a disparu, avec le classique client qui débarque chez le détective pour lui demander de retrouver quelqu’un. Ici, le disparu est Choo, un Jabba (oui, comme dans Star Wars, d’où le nom, ça donne une idée rapide de la tête du truc). La cliente avoue que Choo est son amant, ce qui est interdit par les nouvelles lois terriennes, donc elle ne peut pas faire appel à la police. Mais le détective P.G. de Garbo ne s’arrête pas à ces considérations et va partir en quête de l’imposant alien, sur les traces de ravisseurs extrémistes. Il croisera une tripotée d’extra-terrestres bizarroïdes et d’humains timbrés dans cette aventure où ses talents lui sauveront plusieurs fois la… Ah non, j’ai rien dit. Où es-tu mon Choo ? est peut-être l’histoire la moins « délirante » du trio mais c’est celle que j’ai préférée. Sous les vannes et les références, Pierre Bordage arrive à aborder quelques thématiques un peu plus en profondeur que ses collègues mais il garde évidemment le côté loufoque de l’exercice imposé. L’équilibre est ici beaucoup plus subtil, on rigole bien mais on parle quand même société, extrémisme et tolérance. L’aventure se tient et j’ai beaucoup apprécié les interactions avec les aliens, surtout avec Juu et Lii qui sont très marrants.
Au contraire, dans L’affaire du FBG, Laurent Whale pousse le curseur du délire à fond. Son détective monsieur Laurent W. reçoit une demande pour retrouver le Flugmitz Bliatouchni Galamounat (FBG), un artefact qui peut mettre en danger l’équilibre de l’univers. En acceptant cette enquête il va mettre les pieds dans un complot bien plus complexe, mais vu l’état de ses finances et sa proprio qui lui court après pour lui réclamer son loyer, il a pas vraiment le choix. Cette histoire-là est plus proche de Jennifer a disparu dans le côté « délire non-stop », et même si on prend toujours plaisir à suivre l’enquête d’un loser magnifique au milieu d’aliens étonnants, l’auteur pousse peut-être le quota de vannes au-delà du raisonnable. Chaque paragraphe a son lot de métaphores, références ou comparaisons loufoques mais ça frise l’overdose. C’était peut-être dans le cahier des charges mais il y est allé fort le bougre.
Après la lecture du recueil, on voit bien que les auteurs se sont imposé un exercice avec des critères communs, et ont ensuite lâché leur petit cerveau au galop. L’ambiance roman noir à l’ancienne, un archétype de détective loser sans le sou, une galerie d’aliens étonnants, de la vanne, de l’absurde… On retrouve ça dans les trois récits, ce qui confère au bouquin une cohérence dans la thématique, mais chacun a quand même ses spécificités et sa personnalité. Mais surtout, on s’amuse toujours bien en se prenant pas trop au sérieux.
C’est un petit bouquin rafraichissant et divertissant que nous avons là. Ces trois histoires abordent un univers de SF délirant en reprenant les codes du polar « Hard-Boiled » pour balancer de la vanne au kilo, c’est une lecture fun, on sent que les auteurs se sont bien marrés. Si ma préférence va au texte de Bordage, les trois se lisent avec beaucoup de plaisir. Je conseillerai tout de même d’en répartir la lecture, leur postulat commun peut être redondant et « fatiguer » si on enchaine les trois.
Bouquin reçu en Service Presse de la part de l’éditeur, merci à eux
Au premier abord ça ne m’attire pas plus que ça, mais le texte de Pierre Bordage est tentant. A voir, à l’occasion. Merci pour ton retour.
Merci à toi
ça serait cool qu’ils sortent les histoires une par une, genre en numérique
A voir. J’avoue que je l’ai un peu écarté au départ, j’avais un peu peur de la private joke mais ça a l’air accessible (bien que délirant ^^).
J’ai beaucoup aimé les 2 premières nouvelles, mais j’ai eu plus de mal avec la dernière, notamment à cause du style, trop lourd pour moi.
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