Pour la deuxième année consécutive, les gentils gens de l’association imaJn’ère m’ont proposé la lecture de l’anthologie qu’ils concoctent à l’occasion du salon de la science-fiction et du policier qu’ils organisent à Angers. Après un recueil réussi sur le western l’année passée, le cru 2016 est titré Antiqu’idées et se penche sur un tout autre domaine : L’antiquité.
Comme à son habitude, le livre traite son thème au sens très très large. Même si on aura droit aux bonnes vieilles références grecques attendues, dans son ensemble, les textes tirent à peu près dans tous les sens et arrivent à couvrir un spectre très large d’influences et de styles. Côté graphique, la couverture de TBOY est beaucoup plus convaincante que celle de l’an passé, la composition pète la classe et représente bien la thématique. L’intérieur est ponctué par des petites illustrations de Candice Roger, dans un style assez old-school à la Moebius. La seule illustration qui change est le serpent d’Élise Haroche qui est malheureusement bien mal sorti à l’impression. Au sommaire, on retrouve les auteurs de l’association qui se font plaisir comme chaque année ainsi que les gagnants de l’appel à textes lancé pour l’occasion. Et au milieu, quelques noms bien connus comme Lionel Davoust, Fabien Clavel ou Estelle Faye.
C’est d’ailleurs cette dernière qui ouvre le bal avec une excellente nouvelle fantastique dans laquelle le jeune Joachim est allé se perdre dans le sud de la France en plein été et devient obsédé par la recherche d’un sanctuaire antique. Ses amis essayent tant bien que mal de le ramener dans le groupe mais le soleil, le vin et d’obscures influences le retiennent. Je n’avais pas été complètement convaincu par Porcelaine mais je dois avouer que sur ce format, Estelle Faye arrive à poser son ambiance avec beaucoup de maitrise. Et puis une histoire se déroulant sous le soleil écrasant du sud quand on est soi-même en train de cuire à petit feu en Provence, ça facilite l’immersion… Quoiqu’il en soit, ce démarrage est plus que convaincant et promet du lourd.
Dans l’ensemble, et certainement comme dans tout recueil, on a du très bon et du « mouais bof » dans cette anthologie. Les deux textes suivants ne m’ont pas tellement convaincu et font retomber l’enthousiasme, le Rivages d’Eva Simonin reprend le principe de l’utilisateur coincé dans sa simulation de réalité virtuelle qui, malgré son twist final et sa qualité de narration, peine à immerger et à convaincre (surtout à convaincre un développeur de jeu vidéo allergique à la RV, ça joue très certainement dans mon avis…). Le suivant est le texte de Fabien Clavel, un poème un peu hermétique qui ne m’a pas parlé du tout, dans la forme comme dans le fond.
Après réflexion, il met en évidence ce qui me décevra à quelques reprises dans le livre : Les nouvelles qui se contentent de remouliner un mythe avec plus de name-dropping et de références culturelles que de nouveautés, qui mettent en scène des personnages ou des mythes classiques, soit en y mettant une couche SF, soit avec un petit twist attendu (ou les deux dans une même marmite). Dans cet ordre d’idée, on a Discorde, de Patrice Verry qui raconte un épisode où trois déesses demandent à Pâris de les départager, une relecture SF du jugement de Pâris. Carthage ! d’Arnaud Cuidet ressemble à la novélisation d’une baston de super-héros, défoulant mais sans plus. Le tombeau de Calypso de Brice Tarvel met en scène un Ulysse qui échoue encore une fois dans un lieu inconnu et brode une histoire avec Calypso, un récit assez plat sans Nono le petit robot. Ces trois textes sont assez ennuyeux et se contentent de reskinner des mythes, pas très intéressant de mon point de vue.
Passé ces quelques déceptions vite mises de côté et les quelques-unes dont je ne parle pas mais qui ne m’ont pas vraiment bouleversé, il reste le bon et le vraiment très bon qui sont heureusement en majorité sur l’ensemble du recueil. Ainsi, Le rêve du pont Milvius nous propose une uchronie dans une uchronie : Dans un monde où la culture musulmane est prédominante, un auteur se demande ce que serait devenu le monde si la religion de ces hurluberlus de chrétiens avait réussi à gagner une majorité de l’occident ? Bien vu et bien traité, Olivier Boile réussit son coup avec cette histoire renversante. Plus loin, Pierre-Marie Soncarrieu raconte la visite de Boadicée chez un druide multi-classé devin/sorcier qui pourrait l’éclairer sur son avenir héroïque. Le texte se lit avec beaucoup de plaisir et effleure l’histoire de la reine Boudicca qui s’opposa aux envahisseurs romains (romancée dans la série de Manda Scott La reine Celte, pour ceux que ça intéresse).
J’ai beaucoup apprécié le fait que plusieurs auteurs aient opté pour un traitement humoristique réussi, plusieurs nouvelles ont en commun un certain humour n’importe-quoi-esque. Elles font toutes partie de mes préférées, moi qui pourtant suis très difficile quand il s’agit d’humour. On retrouve ainsi Justin Hurle qui, comme dans Star Ouest, nous envoie sur une relecture absurde et délicieuse de son thème. Avec Ponce, Pilate, Ponce !, il nous explique les dix plaies d’Égypte d’une manière vraiment drôle et tout à fait plausible (si, si, enfin presque). Dans Quid Novi Medice ? Jean-Hugues Villacampa traite la chute de Vercingétorix avec un léger décalage fort bienvenu et sur un ton très plaisant, entre récit guerrier et vanne référencée. L’immortel et l’assassin de Jérôme Verschueren part comme une quête classique dans l’antiquité asiatique pour se transformer en référence géante à un monument culturel actuel, ça fonctionne vraiment bien, surtout grâce à un ton léger et des dialogues amusants (et une chèvre). Et enfin, dans la belle série décalée on a Romuald Herbreteau qui nous livre avec Une Histoire Tauride un texte un poil confus mais très amusant sur l’archéologie dans une réalité qui part en sucette, avec des morceaux de Conan et des chats tueurs. Je déteste les chats, ça aide aussi à l’immersion.
La petite cerise sur le gâteau, c’est le texte de Lionel Davoust qui termine le recueil en beauté. Présenté sous forme d’article universitaire, il reprend un des épisodes de l’Odyssée en tant qu’expérience scientifique visant à résoudre le problème de la faim dans le monde. Très sérieux et pas du tout en même temps, c’était parfait pour conclure cette belle anthologie dont les meilleurs morceaux sont décidément sous le signe de l’humour.
Lire aussi l’avis de : Apophis (le culte d’Apophis),
Rentrant de vacances et lire cette chronique… Tiens ! Whisky ! Merci bel ours.
A la tienne !
Je l’ai, je pense le lire cet été ! (Ulysse sans Nono franchement quelle idée)