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Widjigo, Tuerie mystérieuse

Ce mois de Septembre 2021 était chargé pour Albin Michel Imaginaire. Après La nuit du faune, fort apprécié par les gens qui lisent de la SF qui fait mal à la tête, voilà que ce joli mercredi 29 voit débarquer en même temps la suite des Maîtres enlumineurs de Robert Jackson Bennett, et un nouveau roman d’Estelle Faye, Widjigo. C’est sur ce dernier qu’on se penche aujourd’hui, mais pas trop près, il mord.

1793, Jean Verdier est envoyé sur la côte bretonne pour capturer Justinien de Salers, un vieux noble qui se planque dans un donjon au bord de l’océan. Comme c’est la Bretagne, y’a un temps pourri donc Jean et ses hommes n’ont pas d’autre choix que de s’abriter avec le monsieur, l’occasion pour Justinien de raconter à Jean l’histoire qui l’a marqué, une expédition sur l’île de Terre-Neuve qui a tourné au carnage, un groupe d’explorateurs malgré eux, des morts mystérieuses et des vivants méfiants.

Le cadre particulier de ce roman m’a déjà permis de me cultiver un peu sur Terre-Neuve et l’histoire de sa colonisation, et c’est chouette, y’a des bretons et des morues. J’aime bien quand un bouquin me branche sur un contexte historique que je connais pas. Estelle Faye met en parallèle deux époques, la première est le « présent » de Jean Verdier en France, où la première République fait le ménage après l’abolition de la monarchie et cherche les derniers nobles et royalistes. La seconde époque est le récit de Justinien de Salers, 40 ans auparavant sur un autre continent. On va faire quelques aller-retours entre ces deux temps, mais le gros du bouquin va raconter ce passé traumatique, se servant du « présent » pour quelques jeux de perspectives.

Cette expédition racontée par Justinien est une mission où le jeune noble en perdition, imbibé d’alcool la moitié du temps, est embauché avec d’autres pour retrouver un cartographe disparu. Après le naufrage de leur navire, ils se retrouvent avec quelques inconnus survivants à crapahuter sur les plages et dans la forêt de Terre-Neuve. Ça devient un peu compliqué quand des survivants sont retrouvés moins vivants au petit matin. Nous voilà donc avec un petit groupe d’inconnus qui essayent de survivre dans une espèce de Koh-Lanta en plus humide, des dangers partout, un meurtrier qui pourrait être n’importe qui, des soupçons, des amitiés, et une atmosphère de « on sait pas trop si c’est surnaturel ou pas, mais en tous cas c’est flippant ».

Par bien des aspects, Widjigo donne un feeling de « Agatha Christie a écrit un bouquin d’horreur », on a un groupe d’individus avec leurs secrets, des meurtres inexpliqués, un jeu de relations entre les personnages. Prenez un petit Whodunit classique énigmatique à la tension parfaitement maitrisée, et foutez tout ça dans un cadre horrifique forestier Blair Witch-ien, ajoutez une pincée de temps pourri et de survival, ta-daaaaa, vous avez une petite merveille contenue dans 250 pages implacables. L’atmosphère du bouquin est exceptionnelle, l’écriture nous plonge dans cette terre presque inconnue, avec des personnages qui doivent la traverser, avec la faim et la peur pour seuls compagnons fiables, ou presque. Le cadre et l’époque sont marquants, et m’ont fait un petit flashback vers l’ambiance de GreedFall pour les joueurs de RPG.

La mécanique fonctionne aussi grâce à cette galerie de personnages dont les relations complexes et mystérieuses se révèlent au fur et à mesure. Chacun a ses petits secrets, sa personnalité, des petits groupes se forment, s’opposent, mais tous veulent survivre. Ils sont aussi le reflet d’une époque de colonisation, entre la mystérieuse voyageuse métisse avec son tricorne, le pasteur extrémiste, le noble en perdition et bien d’autres, le passé de chacun va jouer dans cette quête de vérité. Les révélations finales, le pourquoi du comment, se révèleront complexes avec une portée suffisante pour donner un éclairage nouveau à l’ensemble du récit. Cet ensemble de points finement travaillés rendent le tout très satisfaisant, ni trop léger ni trop vain. On a apprécié le voyage, et on apprécie autant la « destination ».

Widjigo est donc une excellente lecture qui mélange mystère et horreur, un huis-clos en plein air, un Agatha Christie dans les ténèbres. C’est efficace et percutant, dans une ambiance extraordinaire. Foncez. Mais faites attention où vous mettez les pieds.

Roman reçu en Service Presse de la part de l’éditeur Albin Michel Imaginaire, merci à eux.

Lire aussi l’avis de : Yuyine, Sometimes a book, Dup (Book en stock), Célinedanaë (Au pays des cave trolls), FeydRautha (L’épaule d’Orion), Stéphanie Chaptal (De l’autre côté des livres), Fantasy à la carte,

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Cet article a 8 commentaires

  1. Sabine C.

    « y’a des bretons et des morues » LOL… Tu me vends du rêve là ! 😀 Très belle chronique qui donne bien envie.

  2. Shaya

    Encore un convaincu on dirait 😀 Je reviendrai après avoir acheté et lu ce roman ^^