Un groupe de vaillants aventuriers qui partent loin de chez eux pour fuir un cataclysme, un grand voyage, des dangers sur le chemin, de la baston, de l’amitié, des frissons… Voici tous les éléments d’une grande saga d’aventure qui se bousculent dans Watership Down, à une subtilité près : Nos héros sont des petits lapins.
Le roman de Richard Adams est un classique paru en 1972 et vendu à plus de 50 millions d’exemplaires (ouais, quand même), beaucoup de nos contemporains l’ont lu mais en France ? Bof, paru chez Flammarion en 1976 puis chez J’ai lu en 1986, c’est pas tellement la folie. Agacé par cette injustice flagrante, Monsieur Toussaint Louverture (maison d’édition qui nous avait déjà ramené un fort beau La maison dans laquelle) s’est retroussé les manches, a retraduit le bousin et l’a paré d’une fort jolie couverture sur une superbe illustration de Mélanie Amaral. Paf, voilà le beau pavé.
Comme je le disais en introduction, ce roman raconte les aventures d’un groupe de lapins qui fuient leur garenne sous l’impulsion du petit Fyveer, le jeune lagomorphe a des prémonitions et arrive à convaincre plusieurs de ses congénères qu’une catastrophe va s’abattre sur leur foyer. Mené par Hazel, la petite bande s’aventure donc plus loin du confort de leur terrier qu’ils n’ont jamais osé. Ils vont partir en quête d’une nouvelle terre promise sur les collines de Watership Down, et en chemin ils croiseront bien des dangers.
Ce n’est pas parce qu’on suit un groupe de lapins que le livre est forcément une histoire gentillette pour les enfants. Les aventures de Hazel, Fyveer, Bigwig et les autres sont souvent violentes et cruelles. Richard Adams n’a pas pris de gants pour monter une odyssée pleine de rebondissements et de dangers, ses héros s’en prennent plein la gueule. D’un point de vue purement « aventure », on ne s’ennuie jamais, le livre est rythmé, les personnages sont attachants et ça se lit vraiment tout seul. Y’a de grosses bastons, des méchants bien cruels et des situations désespérées pour tenir le lecteur en haleine, y’a de l’amitié et de l’héroïsme, c’est un pur divertissement vraiment bien mené.
Par-dessus ça, on apprendra à connaitre le fonctionnement des communautés de lapins, c’est marrant parce que l’auteur nous place toujours de leur point de vue en expliquant de temps en temps ce qui les différencie de nous, humains. Et on sent qu’il connait bien l’animal le bougre, on retrouve les comportements instinctifs, voire complètement impulsifs au-delà de toute raison, des bestioles à grandes oreilles. Quiconque aura vécu avec un lapin à un moment donné reconnaitra les crises de paniques au moindre coup de vent suspect, la tendance à s’éparpiller tout le temps, l’obsession pour les « issues de secours », les mœurs alimentaires, etc…
Mais Adams s’amuse également à nous expliquer ce fonctionnement de l’intérieur, à y associer un langage propre et même une mythologie inventée (ou pas, hein, qui sait ?) qui explique l’origine du monde de leur point de vue. Il va nous la raconter petit à petit à travers les récits de Dandelion, le « barde » de la troupe. Toute cette surcouche de background est très marrante à reconstituer, en plus d’être très bien mise en place et réfléchie. Puis il y a aussi un vrai amour de la nature qui se dégage du roman, l’auteur décrit fort joliment (et avec les détails ) les moments de calmes, les plantes et les panoramas qu’on va croiser, les ambiances aux différents moments de la journée.
Toute cette construction nous donne vraiment l’impression de vivre au milieu de ces animaux, de les comprendre, et c’est passionnant. Et en nous plaçant du point de vue des lapins, on nous permet aussi de zyeuter le comportement des hommes, notre comportement, de leur point de vue. Et là, le livre est sans concession aussi, les humains sont un des plus grands dangers alentour. Ces grands bipèdes avec leurs bâtons blancs qui fument sur la tronche et leurs fusils, leurs cages et leurs pièges, on va assister à des tragédies poignantes dont nous sommes les « coupables ». De ce point de vue-là aussi Watership Down n’y va pas avec le dos de la cuillère, la destruction de la nature par les activités de l’homme est mis en lumière et du point de vue où il nous place, c’est consternant.
Pourtant, l’homme n’est pas le seul danger. il y a bien sûr les prédateurs naturels des lapins, les dangers de la nature comme les cours d’eau qui donneront quelques épisodes mouvementés. Mais la bande à Hazel croisera aussi plusieurs autres communautés de lapins avec chacune des fonctionnements différents. Je n’en révèlerai pas plus mais on sent que l’auteur à mis en parallèle des modèles de sociétés humaines pour les mettre en lumière et faire évoluer nos héros vers une société idéale utopique, après avoir vu l’organisation de telle ou telle garenne plus ou moins révoltante. On explore ainsi des thématiques sociales pour donner encore plus de profondeur à la lecture, en nous parlant de liberté, de sécurité, de hiérarchie sociale, de pauvreté. Quelque part ça fait penser à The Walking Dead avec des lapins, mais Arthur Adams arrive à toujours garder les spécificités des communautés de ces p’tites bêtes. Contrairement à beaucoup d’histoires mettant en scène des animaux, on ne tombe jamais dans l’anthropomorphisme à outrance et c’est un des grands mérites de l’œuvre (parmi des dizaines d’autres…).
C’est donc une grande épopée que nous avons là, avec ses péripéties et ses dangers, mais qui a du fond, du cœur et de la maîtrise, comme on n’en voit que trop rarement. Watership Down mêle divertissement pur et réflexions politiques ou philosophiques (sans excès, juste ce qu’il faut) pour proposer un roman riche et intemporel. Un grand merci à Monsieur Toussaint Louverture de remettre l’œuvre sur le devant de la scène chez nous, je serai sûrement passé à côté sans ça.
Lire aussi l’avis de : Lorhkan (Lorhkan et les mauvais genres), Bookfalo Kill (Cannibales lecteurs),
Vous pouvez acheter le roman sur le site de l’éditeur (ou dans une librairie hein, ça marche aussi).
J’ai déjà lu un avis tout autant positif sur ce bouquin. Initialment, j’avoue que je t’étais pas intéressée, même si la couverture joue bien sur le jeu de multiples facettes, divers points de vue avec ses lapins.
Du coup, tu enfonces le clou et je dois lire ce bon roman!
Oui, tu le dois.
noté zouuu sur ma wish-list!
Oui il mérite vraiment d’être (re)découvert ce roman. A lire, chaque lecteur peut y trouver de quoi prendre du plaisir.
Toutafé, on est du même avis
Ah, dommage que le nouveau traducteur n’ait pas repris le choix dt traducteur precedent en traduisant les noms des protagonistes, (qui sont, sauf une ou deux exceptions, des noms de plantes et fleurs qui font les delices des lapins.
Mais sinon, jetez vous sans hésiter sur ce livre d’aventure, ce n’est pas du tout mievre « guimauve » bisournours ! C’est le recit d’un groupe qui se bat pour sa survit.