On avait laissé le subtil Jack Reacher rangé dans une jolie maison, aux côtés de son amour de jeunesse Jodie. C’est exactement là qu’on le retrouve dans le quatrième tome de la série de Lee Child, sauf que Reacher attire toujours les emmerdes, et là c’est le FBI qui va venir toquer à sa porte.
Il se croyait tranquille notre ex-militaire vagabond, mais les fédéraux ont l’air d’avoir un dossier sur lui et de gros soupçons. Des femmes ont été assassinées, elles ont toutes connu Jack, et ce dernier a un profil vraiment louche de leur point de vue. C’est plié, on l’embarque. Sauf que Reacher n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds par des rigolos en costards et il va ruer dans les brancards. Évidemment il va finir par se charger de cette enquête lui-même parce que le FBI, haha, c’te blague. Et notre héros est donc lancé sur une affaire de tueur en série, le truc bien à la mode y’a 20 ans à sa sortie. On retrouve en VF un titre tout pourri dont l’éditeur Ramsay avait le secret manifestement : Un visiteur pour Ophélie, c’est tellement kitsch qu’on croirait à une sortie des années 70. Allez, plus qu’un roman et on va passer sur la période fleuve noir où ça va quand même un peu mieux de ce côté-là… En attendant je suis toujours sur les audiobook VO lus par Jonhathan McClain pour continuer la série dans l’ordre.
A force, les histoires de FBI et de serial-killers, ça commence à me lasser franchement. Je sais pas si ça se fait encore aujourd’hui mais on va pardonner à Lee Child vu que ça a presque vingt ans. Et ça tombe bien parce que les qualités du roman se trouvent ailleurs. On s’amuse beaucoup à voir Reacher faire tourner le FBI en bourrique et faire sa forte tête pour pas leur donner ce qu’ils veulent, c’est du bon vieux bourrin rigolo comme on aime. Le début du roman est du classique Lee Child, on rentre dans le lard des méchants, on fait le malin, on joue les justiciers avec son propre code personnel. La scène du restaurant italien nous plonge directement dans ce qui fait la force de la série. Malheureusement la suite prend des chemins inédits, et pas forcément aussi convaincants.
Les trois premiers tomes de la série étaient principalement dans l’action, l’histoire se déroule et Jack la traverse comme un taureau en pleine course, qui pète des genoux et « lit » les gens avec perspicacité. Ici on a une dynamique bloquée, la moitié du bouquin est « y’a un tueur en série et on sait plus quoi faire ». Mais le cœur de l’histoire, l’enquête, le tueur en série, est raté. On a des victimes retrouvées sans aucune cause visible de décès, les meurtres parfaits, aucune preuve. Le problème c’est que l’explication est extrêmement décevante, la solution du mystère si mystérieux est un peu dure à avaler. L’auteur s’amuse même à donner quelques chapitres du point de vue du tueur mais ces derniers donnent la solution avant que les enquêteurs (qui passent bien pour des couillons pendant tout le livre) ne comprennent, et avant que le lecteur ait assez d’éléments pour avoir fait le tour de la question. Et quand Reacher comprend qu’ils font fausse route et pointe vers la bonne direction, son raisonnement est complètement absurde. Évidemment il a raison, mais c’est tellement tiré par les cheveux qu’en tant que lecteur on se dit « mais comment il a pu arriver à cette conclusion ? ».
Pourtant le contexte est intéressant, l’auteur fait évoluer la narration au milieu des problématiques de harcèlement sexuel dans l’armée à travers ses victimes, et il aborde même le sexisme banal dans le FBI avec l’histoire de Harper qui vise juste. Il y a des dynamiques de personnages très intéressantes dans cette histoire, on trouve des trucs sympas auxquels s’accrocher en tant que lecteur. La seule déception de ce côté-là c’est l’évolution de la relation entre Jack et Jodie qui est expédiée de manière un peu grossière, alors qu’on nous la présente toujours comme l’amour de sa vie. On sent vraiment que cette relation était un boulet au pied de Lee Child et qu’il voulait s’en débarrasser directement, alors que voir Jack évoluer dans ce monde inhabituel pour lui était très nouveau pour le lecteur.
Avec Un visiteur pour Ophélie, Lee Child s’essaye à la vraie enquête criminelle alors qu’il se situait plutôt dans l’action jusqu’à maintenant, mais il n’en maitrise pas assez les ficelles pour convaincre. Il touche à des sujets intéressants et a toujours des personnages convaincants avec une bonne dynamique, mais le côté purement « enquête criminelle » n’est pas au niveau, faisant de Running blind le Jack Reacher le plus décevant jusqu’ici.
La lassitude, c’est la raison principale qui a fait que j’ai ralenti les thriller de ce style.
Pareil, mais c’est une première pour Jack Reacher, qui tape habituellement dans le bouquin d’action bourrin qui détend