Bad Wolf est un label indépendant créé il y a quelques mois par ses auteurs, et qui avait pour titres de lancement Le souper des maléfices, Les poisons de Katharz et Anasterry (chroniqué sur Le cri du troll par mes soins). Après la parution de leurs trois titres, le méchant loup s’est fait mangé par ActuSF qui a réédité les trois ouvrages en faisant du label une collection maison.
Sorcières Associées et le quatrième roman de cette collection, qui avait déjà été publié de manière indépendante avant d’être recyclé. Alex Evans nous y raconte les enquêtes de deux sorcières qui résolvent des mystères surnaturels dans un monde où la magie est revenue sans crier gare des siècles après sa disparition. Deux enquêtes simultanées vont leur tomber dessus, l’une concerne un vampire qu’on manipule, et l’autre une série d’accidents dans une usine où les ouvriers sont des zombies. A travers ces deux enquêtes, on va découvrir la ville de Jarta, ses quartiers, ses coutumes et ses habitants loufoques. On va surtout faire la connaissances de Padmé et Tanit, les deux sorcières du titres mais aussi les deux narratrices qui vont alterner les prises de parole à la première personne de chapitre en chapitre.
A la lecture du résumé, je m’attendais à un truc méga-loufoque à la Pratchett mais c’est finalement pas à ce point, tout en restant dans ce ton un peu décalé (ce qui me convient tout à fait). Il y a évidemment des détails amusants et des détournements des clichés du genre, mais on nous propose un très bon équilibre entre l’aventure et les clins d’œils rigolo. Nos deux héroïnes évoluent dans un univers steampunk fourmillant de détails marrants mais malheureusement pas très immersif, la faute à un world-building un peu catapulté. On nous balance constamment des noms de pays, de peuples, de quartiers, mais on ne nous en explique que rarement les caractéristiques, donc dans ma tête j’aurai très bien pu remplacer Nadinites et Parassis par Marseillais et Corses, c’est strictement pareil. Le background de guerre entre différentes nations, qui sert de base au passé de Tanit, est aussi vaillamment expédié. On effleure à peine cet univers, on lis des mots inconnus sur les technologies, les peuples, les quartiers, mais l’autrice ne nous en dira pas plus, c’est assez frustrant !
En fait, ce défaut se retrouve à tous les niveaux du roman, on a l’impression de survoler une histoire très dense dont on ne voit que des petits bouts de temps en temps. Ça a pas mal bloqué mon immersion pendant toute la lecture. Les personnages sont à peine présentés, à part les deux héroïnes on nous balance des noms mais rien de plus. Cette scène de réunion entre une sorcière et tous ses contacts du milieu m’a renversé, la discussion avec 4 ou 5 inconnus dont on ne sait rien, sans les décrire un minimum, alors que l’héroïne déconne avec eux, ça laisse le lecteur complètement en dehors du bousin. On a aussi les « stagiaires » du cabinet dont on n’apprendra quelque chose que dans la seconde moitié du livre, avant ça ce sont des noms qui surgissent de nulle part de temps en temps (« J’ai fait les photocopies », « Merci Machin »).
Les enquêtes entremêlées des deux héroïnes n’arrangent pas la chose. Elles sautent d’une affaire à l’autre sans crier gare, quand une troisième histoire ne pointe pas le bout de son nez. Comme les deux femmes n’ont pas vraiment d’énorme différence dans leur manière de s’exprimer, on doit faire l’effort de se souvenir de qui parle (merci les pictos en début de chapitre) et de quelle piste elle est en train de suivre. Ce découpage bizarre rend la logique des enquêtes difficile à suivre, la progression de l’énigme est d’un confus, je ne comprenais jamais quel indice avait bien pu amener l’enquête là où elle était. Rendre une enquête limpide pour un lecteur doit être un casse-tête monstrueux, c’est le défaut principal de Sorcières Associées, Alex Evans n’a pas su me faire suivre la logique de l’enquête de manière fluide. Ou alors je suis débile, c’est vous qui voyez.
Malgré ce côté un peu foutraque dans la construction, on a quand même de vraies qualités qui arrivent à émerger, les dialogues sont amusants et rythmés, le roman est ludique, c’est ce qui fait que malgré tout on ne s’ennuie pas et on passe un bon moment. Petit à petit on se familiarise avec l’univers, c’est long et laborieux mais une fois passé une grosse première moitié, on commence à s’y retrouver et à en comprendre les ramifications. Non parce que j’ai surtout parlé des défauts mais il faut pas croire que la lecture de Sorcières associées est une purge non plus. C’est foutoir mais c’est rigolo, ça se lit sans réel déplaisir, une lecture de détente sans prétention qui fait bien son office. Une fois terminé, la trame générale se révèle intéressante et maline dans son ensemble, on a ramé mais on y est arrivé.
Avec le temps aussi, on apprend à connaitre et à apprécier nos deux enquêtrices. Tamit est la bourrine de service, ancienne militaire dont le passé mouvementé nous sera distillé petit à petit. Elle est impulsive et aime bien aller à la castagne pour se défouler de temps en temps. A l’opposé, Padmé est la calme, mère d’une adolescente et préférant la discussion à l’action, elle prends de l’épaisseur après certaines scènes familiales qui, elles aussi, arrivent un peu tard mais sont bienvenues. Certains personnages secondaires arrivent à émerger un peu, au point qu’on aimerait en savoir un peu plus sur eux quand même !
En lisant Sorcières associées, on a l’impression d’avoir pris un roman dans un univers steampunk fun et d’avoir mélangé les chapitres au petit bonheur la chance, tout en virant la moitié des scènes d’exposition. Ça fait comme ces films qui auraient pu être excellents mais qui ont été défoncés au montage par un producteur qui s’envoie des billets verts en intraveineuse (coucou Disney). Mais finalement on s’en arrange et on commence à apprécier l’univers malgré tout. Et on se dit qu’une suite avec une enquête plus posée et une autrice sous cure de camomille, ça peut être vraiment très cool.
Bouquin reçu en SP de la part de l’éditeur, merci à eux
Aïe ! Il fait partie de mes prochaines lectures celui-ci… Merci pour ta critique, ça donne déjà une petite idée de ce que je vais y trouver 🙂
J’attends ta critique avec impatience, p’tetre que tu auras un tout autre ressenti, qui sait ? 🙂
Ooooh!
Avec un titre comme celui-ci je m’attendais à de l’humour décalé, de la gouaille et de l’action. Cela ne semble pas être totalement au rendez-vous.
Vais attendre un peu.
La verveine marche aussi.
Ah, si, l’humour, la gouaille et l’action y’en a, pas de soucis. C’est plus le background et les personnages approfondis qui m’ont manqué.
Je passe généralement mon tour en Fantasy (et en plus les sorcières, j’aime moins, va savoir pourquoi !) Je suis d’accord avec toi, on s’attend à un côté Pratchettien, s’il n’y est pas, ça peut être décevant :/
(La couv est top quoiqu’il en soit !)
dommage qu’il y ai autant de petits défaults car l’univers a l’air super sympa
C’est un fait, l’univers est prometteur, mieux mis en valeur ça peut être super
Allez, j’ajoute celui-ci à ma PAL ne serait-ce que par curiosité.
Le Souper des maléfices est vraiment (vraiment) très bon en revanche !