Séquences mortelles est la 3e enquête du journaliste Jack McEvoy, au sein de l’univers de Michael Connelly, après Le poète et L’épouvantail.
J’ai pris du retard sur ma lecture du Connellyverse, mais faut dire que Michael Connelly écrit beaucoup. Comme d’habitude, trop de livres, trop peu de temps. J’ai donc 4 romans de l’auteur dans ma PAL, et dans l’ordre chronologique de sortie, le suivant était Fair Warning. Et surprise, c’est une enquête de Jack McEvoy ! Ca faisait bien longtemps qu’on avait pas lu un roman avec le journaliste.
Jack travaille maintenant pour Fair Warning, un site internet d’investigation au service du consommateur, l’UFC que choisir en mode Élise Lucet vénère, si vous voulez. Il enquête tranquillement sur des arnaques en tout genre mais un beau jour, deux inspecteurs viennent frapper à sa porte pour lui poser des questions sur une femme qu’il a rencontré un an auparavant dans un bar, un rendez-vous d’un soir qui n’a rien donné. Aujourd’hui, la dame a été assassinée et Jack est sur la liste des suspects, mais loin de se laisser intimider par les deux flics, il va commencer à fouiller de son côté.
Connelly revient aux affaires journalistiques, et comme à son habitude, reflète dans ses enquêtes l’époque précise où elles se déroulent. On retrouve dans Séquences mortelles des questionnements sur l’état du journalisme dans les années 2020, ce contre-pouvoir qui se fait bouffer un peu plus chaque jour, où les journalistes peuvent se faire coffrer parce qu’ils farfouillent un peu trop, où l’époque des grandes rédactions influentes n’est qu’un vague souvenir. On passe sur du média en ligne, évidemment, financé par ses lecteurs et lectrices et les ronds de jambes du patron pour décrocher l’amabilité de quelques bienfaiteurs privés. C’est amusant de tomber sur des chroniques anglophones où des messieurs sont outrés par « l’agenda politique » de l’écrivain qui « était mieux avant, quand il ne mettait pas de politique dans ses enquêtes » avec ses positions sur le journalisme ou apparemment sur Trump dans le bouquin suivant The law of innocence.
Notez que j’ai lu ce roman en VO mais il est déjà sorti en France, en grand format et en poche, je ne pourrai donc pas juger de la traduction. Ici l’auteur est toujours d’une efficacité redoutable pour nous accrocher à une enquête et nous faire suivre les raisonnements, les faisceaux de preuve et les révélations avec un naturel déconcertant. C’est un maître, à ce niveau-là, mais je regrette ici un protagoniste un peu effacé et pas très intéressant, prototype de l’enquêteur qui lâche rien, et qui fout en l’air sa vie perso devant l’obsession du boulot. Son petit manège romantique avec cette chère Rachel Wallling a provoqué quelques soupirs résignés chez moi, je dois l’avouer. Heureusement que les qualités du déroulement de l’intrigue nous tiennent tout le long, encore une fois on ne lâchera pas le bouquin jusqu’à la résolution de l’affaire ! D’ailleurs Connelly en profite pour revenir à une structure plus classique d’enquête unique, là où les derniers romans de Bosch et Ballard nous avaient habitué à mélanger avec brio plusieurs affaires.
Précisons également que ce roman nous fera plonger dans les dessous du marché de l’ADN, à une époque où les tests volontaires et pas chers se démocratisent, ce business c’est un peu le far-west législatif donc tout le monde fait ce qu’il veut. Jusqu’au drame. On plonge également dans le monde merveilleux des communautés « incels » en ligne, qui a parfois l’air d’une grossière caricature mais, à l’époque où on est, la caricature est souvent en dessous de la réalité pour beaucoup de choses donc j’ai pas eu trop de mal à croire à tout ça. Et finalement, un tueur incel qui roule en Tesla moi je trouve ça savoureux.
Séquences mortelles n’est pas le meilleur des Connelly, McEvoy fait pâle figure à côté des autres personnages de l’auteur, mais on garde tout de même l’efficacité redoutable de l’écrivain. C’est précis, percutant, ça parle de son époque et on engloutit cette enquête en un temps record. Un Connelly moyen reste globalement, comme d’habitude, à un très haut niveau.
Couverture : Blacksheep design
Traduction : Robert Pépin
Éditeur : Calmann-Lévy / Le livre de poche
Nombre de pages : 480
Date de sortie : 10 Mars 2021
Prix : 21,90€ (broché) / 9,40€ (poche) / 8,99 (numérique)