La grande nouveauté fantasy Bragelonnienne de ce début d’année est Mage de guerre, premier roman de Stephen Aryan et début d’une nouvelle saga : L’âge des ténèbres. Le résumé présenté par l’éditeur est à première vue archi-classique : « une armée de méchants, des gentils désespérés, de la bagarre ! », mais comme j’ai un petit côté bourrin régressif, j’ai pas eu peur, j’y suis allé.
Ça part donc de manière très banale : à l’ouest, l’empereur fou Taïkon étend ses conquêtes dans toutes les directions et se rapproche de Seveldrom avec son immense armée. Le roi Matthias prépare sa défense et ça va chauffer. Nous suivrons principalement trois personnages dans ce conflit, tous du côté des défenseurs : Balfruss, un des derniers mages de guerre qui va défendre son pays, Vargus, un vétéran se retrouvant en première ligne avec ses potes bidasses, et enfin Talandra, princesse mais surtout espionne en chef qui nous fera voir l’aspect plus politique du conflit.
L’influence majeure de Stephen Aryan est clairement David Gemmell, pour une fois le parallèle n’est pas si capillotracté… C’est d’ailleurs assez marrant parce que j’ai lu Mage de Guerre en même temps que j’écoutais Légende en format audio (enfin, pas strictement en même temps, j’ai un seul cerveau, mais à la même période quoi). Le parallèle entre le début du récit et le premier roman de Gemmell est évident, surtout du point de vue de Vargus : une armée en sous-nombre qui défend une passe, un vétéran impressionnant qui va galvaniser les troupes de première ligne, un point de vue proche de la piétaille qui s’intéresse à leur moral et leurs peurs.
Côté Balfruss, ça fera sourire les fans de Dragon Age : Dans l’âge des ténèbres, certaines personnes se montrent sensibles à la magie. Pour les empêcher de se mettre en danger et de causer des catastrophes par accident, ils sont « recrutés » et envoyés à la Tour Rouge pour apprendre à maitriser leurs pouvoirs (tout comme la tour du cercle des mages de la saga de Bioware). Pourtant, cette pratique se perd et la tour est vide aujourd’hui, seulement six mages répondent à l’appel pour défendre Seveldrom face au Nécromancien et à ses acolytes. C’est Balfruss et ses camarades qui vont devoir encaisser toute la puissance magique de l’ennemi.
Le côté déjà-vu de la mise en place peut surprendre, voire carrément gonfler certains lecteurs qui recherchent l’originalité à tous prix, mais c’est assez bien mené pour captiver dès le début. D’autant plus que, au fur et à mesure, Aryan parvient à construire sous notre nez un univers bien plus riche que ne le laisse entrevoir la première impression. On se dit même que c’est un tour de prestidigitation bien élaboré, où l’auteur agite une fantasy militaire bourrine mais solide dans sa main gauche pour ne pas qu’on remarque qu’il développe à droite son univers et le vrai cœur de son histoire. Il va faire glisser le roman petit à petit vers autre chose, une espèce de contre-pied à tous ceux qui l’attendaient seulement sur le terrain guerrier. Le livre assume ses influences et en joue, promène le lecteur dans ses propres références avant de découvrir par petites couches le vrai Stephen Aryan.
En retrait dans la première moitié du roman, les mages gagnent en importance et seront évidemment la clé de cette guerre. Le groupe formé par Éloïse, Darius, Ecko, Thule, Finn et Balfruss arrive à installer sa dynamique avec ses propres problématiques. Chacun est bien défini, chaque personnalité arrive à vivre dans l’histoire et ils ont un énorme charisme. Les déchainements de pouvoir des mages sont très bien retranscrits, l’impression de puissance ressort parfaitement, et putain… Finn… la classe ! Le seul petit défaut est l’aspect un peu simple de certains duels qui tournent vite en Dragon Ball Z « ma boule de feu est plus grosse que la tienne », on aurait apprécié un peu plus de tactique et de profondeur au système de magie, qu’on aperçoit pourtant sur d’autres passages (le combat d’Ecko est excellent de ce point de vue là).
Le ton est globalement sombre, violent, parfois gore, mais avec une lueur d’espoir et de positif en fond. Les hommes se retrouvent face à des forces très au-dessus de leurs compétences mais se démènent quand même dans des combats très sanglants : les soldats se vautrent, trébuchent, glissent dans une grosse flaque de sang ou se vident de leurs entrailles en plein milieu du champ de bataille. L’action et les joutes magiques sont bien retranscrites et très immersives, on n’en attendait pas moins d’un livre portant ce titre-là. Les religions et la magie prennent une plus grande importance au fil des pages. Sans trop en révéler sur la trame (la découvrir fait partie du plaisir), on va s’éloigner du champ de bataille régulièrement pour comprendre que les vrais enjeux sont ailleurs, et que certains personnages cachent bien leur jeu.
Par l’intermédiaire de Talandra, on va aussi voir tout un aspect politique qui donne de l’épaisseur au fond de l’histoire. La princesse va œuvrer dans l’ombre pour tenter d’affaiblir l’empire de Taïkon de l’intérieur. En effet, toutes les nations qui composent l’armée de l’empereur fou ne le font pas de bon cœur, un petit peu de désinformation et de sabotage suffiraient peut-être à fragiliser l’édifice. La reine d’Yerskania, un pays voisin, essaye de résister à l’influence de Taïkon mais ce dernier abat une répression implacable sur son peuple, les manœuvres politiques désespérés de cette reine pourront servir Seveldrom ou anéantir le pays, il va donc falloir s’en mêler.
Les personnages arrivent à mener le lecteur sur les différents aspects du conflit grâce à leurs caractères et leurs parcours respectifs très bien construits. Chacun est assez bien développé pour nous entrainer avec lui avec ses doutes et ses forces. Le tout est rythmé au poil, avec assez de révélations et de surprises pour ne jamais s’ennuyer, on tourne les pages et on en redemande constamment. Après des séries décevantes (Havrefer ou Blood Song) et des énormes coups de cœur (Les manteaux de gloire), je ne sais jamais vraiment à quoi m’attendre quand Bragelonne nous sort l’attirail « Nouveauté fantasy qui va tout péter ». Mais pour le coup, c’est un pari réussi en ce qui me concerne. Et si Mage de Guerre est le premier tome d’une série, il faut souligner que le livre se suffit à lui-même et présente une histoire complète, pas de frustration en fin de lecture donc. D’ailleurs l’éditeur a décidé de ne pas trop nous faire attendre puisque le tome 2, Blood Mage, devrait sortir en fin d’année et le troisième dans la foulée en 2017, la machine est lancée alors autant y aller à fond.
Mage de Guerre est un excellent spécimen de fantasy guerrière efficace et rythmée, le juste équilibre entre action, intrigue et personnages captivants. Stephen Aryan parvient à digérer ses influences, à jouer avec et à nous les renvoyer à la figure tout en donnant une identité propre à son univers. Une excellente surprise pour tous les amateurs du genre.
Lire aussi : Mon avis sur le tome 2
Lire aussi les avis de : Phooka (Book en stock), Apophis (le culte d’Apophis),
Décidément, je crois donc que je vais m’intéresser de près à ce roman. Je ne vous remercie pas ! 😀
Pas de rien 🙂
Je viens de le finir (et de lire votre critique, j’voulais pas me spoiler ^^).
Mais par contre je ne suis pas d’accord du tout (les goûts, les couleurs, toussa).
L’univers est sympathique même si c’est vrai que c’est du classique (Okay, la partie de Vargus est quand même un peu originale, encore que…). Mais je ne me suis pas attaché du tout aux personnages (même pas Balfruss) et je n’ai pas réussi à entrer dedans…
En fait, je trouve que tout le bouquin va à 200 à l’heure, mais à tel point qu’on ne développe rien du tout. Alors, oui l’univers est riche mais j’ai vraiment l’impression qu’il l’est beaucoup trop pour être balancé comme ça dans un seul bouquin, y’a plein de situations dans lesquelles on nous envoie des infos comme si on connaissait le monde depuis des années, sauf que ben… C’est pas le cas. Bon, je ne vais pas développer beaucoup plus je risque trop de spoiler, mais même l’histoire : MEH…
En définitive je suis très déçu, pour moi c’est un bouquin d’introduction dans lequel on a essayé de faire rentrer une histoire beaucoup trop ambitieuse et qui tombe donc à plat. MAIS, j’aime pas Gemmel (et j’ai exactement le même ressenti que quand je m’y suis essayé) donc y’a sans doute une logique.
(PS : J’ai découvert votre site il y a une semaine et J’AIME ! Super boulot, super écriture et tout donc merci 😉 )
Ah si tu n’aimes pas le genre à la gemmell ça part pas très bien oui. Moi c’est complètement ma came 🙂
Merci pour les compliments en tous cas, n’hésite pas à repasser !
Fantastique chronique !! Je vais vite commander ce livre ! Merci.
Merci à toi, bonne lecture !
A force d’en lire des avis positifs (dont celui d’Apophis), il va falloir que je m’y intéresse de près.
Après avoir apprécié cette très bonne chronique, je me suis lancé dans « Mage de Guerre ». C’est le seul roman de Stephen Aryan que j’ai lu jusqu’à présent et mon opinion se base donc uniquement sur cette lecture. Bien évidemment, cette critique est le fruit de ma lecture personnelle et n’engage donc que mon opinion.
Je n’ai pas du tout aimé ce bouquin ! J’aime pourtant beaucoup la fantasy et j’ai dévoré tous les Gemmell et toute la saga « l’Epée de Vérité » de Terry Goodkind. Cependant, finir « Mage de Guerre » a été une vrai corvée…
En effet, au cours de sa lecture, on repère assez facilement que l’auteur s’est inspiré de David Gemmell (moi je trouve même des traces de Goodkind). Seulement, c’est trop flagrant : les lieux et les personnages sont calqués sur les romans de David Gemmell mais avec si peu de profondeur que je me suis vite lassé. Le roman va trop vite : les personnages sont simplifiés stéréotypés à souhait et ne présentent donc que peu d’intérêt, les lieux et les scenes d’action manquent de détails. J’aurais aimé découvrir en profondeur chacun des personnages du bouquin, mais malheureusement, ils se résument à des concentrés indigestes de caricatures holywoodiennes.
Bref, si l’on retrouve certes du Gemmell dans « Mage de Guerre », gardons nous de les comparer. Connavar, Bane et le cycle Rigante offrent par exemple une expérience bien plus forte que ce pâle roman de Stephen Aryan.
J’ai pas senti de goodkinderie, mais c’est peut-être parce que je n’ai lu que le premier tome de son épée de vérité…
Dommage que tu n’aies pas accroché, mais bon, on ne peut pas être tous d’accord sur tout !
Les personnages sont effectivement pas d’une profondeur infinie niveau caractère, trop détailler ou rentrer plus dans leurs psyché aurait certainement ralenti l’action, c’est un équilibre qui conviendra ou pas à chaque lecteur selon sa sensibilité. Là on est vraiment dans l’actionner. Mais ils ont quand même un quelque chose qui m’a accroché, une classe, un feeling, puis ils ont tous une espèce de vérité cachée qui justement les éloigne un peu du guerrier/mage lambda.
ça sent effectivement le gemmell, surtout au début, mais j’ai trouvé qu’il s’en éloignait assez sur la suite du bouquin pour que ça ne me dérange pas. De toutes façons, même si ça n’avait pas été le cas je pense que j’aurai apprécié, un bon bouquin reste un bon bouquin même s’il « ressemble » à un autre.
Merci pour ton commentaire en tous cas, un désaccord argumenté et exposé poliment, j’apprécie beaucoup 🙂