Par les hasards des internets et des réseaux sociaux, j’avais croisé des recommandations pour Lupus in fabula par Jérôme Akkouche, qui est sorti l’année dernière. Des mutants et des cyborgs dans une uchronie des années folles avec une couverture à l’ambiance marquante, réalisée par Juliette Amadis, moi je dis, ça se tente.
La première guerre mondiale a vu s’affronter les soldats cybernétiques français mis au point par Marie Curie et les mutants mi-humains mi-animaux créés par l’Allemagne. Après la défaite de son pays, Amadeus Wolf, créateur du mutagène allemand et lui-même à moitié loup, se réfugie à Paris sous un faux nom pour se faire oublier et ouvre un cabinet de psychanalyse. Bien évidemment, son passé le rattrape quand une mystérieuse patiente franchit les portes de son cabinet, il comprend vite que ni la France ni l’Allemagne ne l’ont oublié et ses connaissances scientifiques restent un enjeu majeur du rapport de force.
J’ai été impressionné par l’inventivité dont fait preuve Jérôme Akkouche pour faire vivre ce Paris des années 1920. On a ce rapport de force entre cyborgs et mutants qui deviennent après guerre des habitants presque comme les autres, qui se mélangent en essayant d’oublier les traumatismes du conflit, au milieu de ces années folles où les cabarets rythment les nuits et les gueules de bois. Il y a un travail remarquable sur l’ambiance, où on ajoute les éléments purement fictionnels qui vont se mêler à ce contexte historique, comme cette influence du vert sur la mode qui vient du radium et crée toute une tendance. On retrouve aussi pas mal de références aux contes puisque Wolf incarne un grand méchant loup autour duquel vont évoluer des personnages et des situations en clin d’œil aux classiques comme Le petit chaperon rouge ou Les trois petits cochons (ils sont marrants ces trois-là).
L’histoire nous plonge dans un imbroglio d’espionnage qui enchaîne les courses-poursuites et les confrontations. Wolf est la cible de plusieurs factions, le renseignement français, sa hiérarchie allemande qui commence à sentir le gros fascisme, et d’autres zigotos mutants d’un groupe militant. Tout ça nous fera découvrir le passé du protagoniste, les mystères de sa fuite et les liens qu’il a gardés. C’est malheureusement ici que j’ai trouvé la partie un peu décevante de ma lecture puisque toute cette intrigue est confuse et précipitée. Les acrobaties d’espionnage et manipulations politiques des uns et des autres sont assez difficiles à suivre, tout le monde tombe sur Wolf en même temps et bim, « gros bordel », tout va à cent à l’heure et on prend jamais le temps de poser les choses. Ajoutez quelques facilités dans la progression, Wolf a l’air d’errer au milieu de Paris et il tombe toujours pile sur la personne qu’il cherche, avant même qu’on ait compris ce qu’il était en train de faire.
C’est dommage parce que j’ai adoré le contexte et l’univers du bouquin. Il aborde avec beaucoup de finesse ce que pouvait être l’ambiance d’après-guerre où les gens se toisent en se demandant qui était dans quelle bataille, de quel bord et si notre voisin a pas tué des compatriotes. On se laisse porter par l’écriture et la reconstitution de cette uchronie, mais le cerveau fait quelques culbutes en essayant de suivre tout ça et raccrocher les wagons. Amadeus Wolf est pourtant un protagoniste très intéressant, scientifique qui a développé une arme qui sert également à sauver des vies, hanté par un drame qui revient lui chatouiller le museau, pas tout à fait un héros ni tout à fait un salaud, j’ai aimé suivre ce mutant qui se laisse parfois submerger par son côté bestial. D’ailleurs on va croiser pas mal de mutants marrants, puisque le principe est que le mutagène fait ressortir la bestiole qui correspond le plus à la personnalité du « patient ». Et ça donne donc quelques personnages hauts en couleur.
Lupus in fabula a donc été une lecture mitigée, avec des points forts vraiment formidables mais une intrigue qui allait trop vite, et partait trop dans tous les sens pour moi. Il n’en reste pas moins que Jérôme Akkouche est un auteur à surveiller, son prochain roman pourrait gommer des défauts et sublimer des qualités qui existent, y’a des promesses de ce côté-là.
Couverture : Juliette Amadis
Éditeur : Les éditions du chat noir
Nombre de pages : 291
Date de sortie : 31 Mai 2022
Prix : 19,90€ (broché) / 5,99€ (numérique)
Oh dommage, le pitch était intéressant.
Autant la lecture de ton exposition du contexte m’a donné envie, autant le déroulement de l’intrigue me refroidi.
C’est exactement l’impression à la lecture, j’ai bien retranscrit le truc alors 🙂
J’avais bien aimé ce roman, mais comme tu le soulignes, ça pars un peu dans tous les sens (en plus je l’avais lu alors que je gérais deux jeunes chatons pleins d’énergie, j’ai du m’accrocher pour suivre cette intrigue menée tambour battant !), mais le sous-texte est vraiment très intéressant. Et tous les clins d’oeil (contes, littérature, histoire, art…), c’était devenu un jeu de les repérer. Bref, peut-être pas un excellent roman, mais un bon roman tout de même, pour ma part !