Imaginez que vous n’avez plus à dormir, que votre corps s’en passe très bien. Imaginez toutes ces heures gagnées pour vous attaquer à cette pile de bouquins qui ne cesse de gonfler, pour regarder les 45 séries que vous avez en retard ou encore pour refaire Dragon Age une 5ème fois. Quoi ? Travailler ? Et puis quoi encore…
Je vous parle de ça car c’est justement le pitch de départ de L’une rêve, l’autre pas de Nancy Kress paru chez actuSF et qui revient dans leur collection Hélios (les popoches des indés de l’imaginaire). Oui, la même Nancy Kress que Le nexus du Dr Erdmann, et ça c’est un très bon point. Mais revenons au présent ouvrage : Nous ferons ici la connaissance de Roger Camden, un homme riche et puissant, assez riche et puissant pour bénéficier d’un traitement génétique très récent permettant à ces chers docteurs de « programmer » les gènes de sa future fille qui est en cours de fabrication dans le bidon de madame. Son choix est de virer tout besoin de sommeil de l’enfant, lui permettant de bénéficier de toutes ces heures perdues pour devenir encore plus brillante.
Plus tard, on s’aperçoit que madame Camden attend en fait deux filles, dont l’une n’aura donc pas bénéficié du traitement. Et c’est en partant de là que Nancy Kress va nous guider dans ce court récit (grosso modo 150 pages) à travers l’enfance et la vie de jeune adulte de Leisha Camden, jeune prodige « Non-dormeuse » à qui tout réussit. Le roman va explorer les conséquences de telles modifications dans la vie de ces presque X-Men, dans leur rapport avec les dormeurs. Leisha n’est pas la seule à avoir subi ces changements, ils sont toute une bande et devront vivre avec leur différence, plus ou moins acceptée selon les cas.
L’auteur arrive brillamment à nous donner une image réaliste et crédible de l’impact d’une telle technologie sur le monde, en soulevant pas mal de questions, que ce soit dans la vie personnelle de Leisha ou dans la société en général. En effet, 8 heures de plus par jour pour étudier, s’entrainer au sport, travailler ou simplement s’instruire, ça crée fatalement un avantage et les dormeurs ne voient pas tous ça d’un bon œil. On voit aussi des détails auxquels on ne pense pas forcément dans la vie de tous les jours : Par exemple, demandez à n’importe quel parent s’ils aimeraient avoir un bébé qui ne dort jamais, ils iront chercher une corde pour se pendre dans les 3 minutes.
A travers la vie de Leisha, ses relations avec ses parents, sa sœur et ses amis, on croisera toutes ces problématiques en passant de la sphère familiale au milieu scolaire puis dans les médias et la vie en général. La fille Camden est très attachante et tout ce qui lui arrive apparait au lecteur comme logique et fort bien vu de la part de Nancy Kress. On a un récit prenant et vraiment intelligent qui explore l’intolérance et la jalousie, les difficultés que pourraient croiser de tels prodiges dans notre monde pas toujours tendre avec les personnes différentes. Mon parallèle avec les X-Men n’était pas juste pour la vanne, on retrouve un peu le même sentiment mêlé de crainte et d’admiration de la part du reste de la population pour ces « freaks » qui sont plus évolués et donc « meilleurs ». Comme pour les mutants marveliens, toutes ces tensions vont finir par partir en vrille bien comme il faut.
Y’a un petit détail qui m’a semblé un peu plus flou, c’est tout ce qui concernait les discussion des personnages sur le Yagaiisme, une espèce de doctrine philosophique qui voit le monde comme une série de contrats entre individus. Y’a matière à creuser mais j’ai trouvé que c’était le truc en trop, trop vite abordé pour vraiment être bien développé et pas forcément utile à la trame globale. Pour autant, ça ne gêne pas vraiment la lecture et ne nuit pas à la qualité globale de ce court roman qui reste une fort jolie découverte, pleine d’intelligence et de sensibilité.
L’une rêve, l’autre pas a ensuite été remouliné sous la forme d’un roman plus long, Beggars in Spain, ainsi que deux suites qui forment la trilogie Sleepless. Le potentiel du sujet en plus étendu est très intéressant mais la série n’est toujours pas traduite chez nous, on se dit que forcément, ça serait une idée sympa de la part d’ActuSF.
Bouquin reçu en SP de la part de l’éditeur, merci à eux
Lire aussi l’avis de : Cornwall (La prophétie des ânes), Célindanaé (Au pays des cave trolls), Erwann Perchoc (Bifrost),
Vous pouvez acheter le livre sur le site d’ActuSF ou en numérique avec le pitit bouton 7switch : Acheter
Pourquoi pas, surtout que le rythme semble prenant et à 4€…
Oui, en numérique ils font des prix vraiment intéressants chez les indés, sans parler de leurs promos régulières, c’est limite cadeau
Cool que tu aies aimé, j’ai adoré ce petit roman, je ne savais pas que ça avait été retravaillé en roman, effectivement une trad serait chouette !
C’est la critique de Bifrost qui m’a soufflé l’info 🙂
Il a l’air sympa ce roman et offre une bonne base de réflexion. Je note! Merci bien!
Mais de rien 🙂