Je dois vous l’avouer, je n’ai aucun honneur. Alors que je n’ai toujours pas lu le tome 3 de Lady Astronaute, j’ai honteusement demandé à l’éditeur un exemplaire de L’homme superflu à chroniquer. Pardonnez mes fautes, chères lectrices et chers lecteurs, j’expierai ce sacrilège en vous donnant mon ressenti sur cette lecture, car oui, si j’ai fait tout ça, mettant de côté ma fierté d’ours, c’est pour vous, et seulement pour vous.
Tesla Crane passe tranquillement sa lune de miel sur un vaisseau de croisière en direction de Mars, évidemment sous un faux nom puisqu’elle est à la fois très célèbre et très riche, combo gagnant pour se faire emmerder dès qu’elle met le pied dehors. Le petit souci c’est qu’un meurtre est commis sur ce même vaisseau, et que son mari est accusé de l’avoir commis. Armé d’un cocktail, d’un petit chien et de son avocate, Tesla va secouer un peu le système solaire pour innocenter son homme et trouver le coupable, parce que c’est apparemment pas la bande de bras cassés du service de sécurité qui va arriver à comprendre quelque chose à cette affaire.
Présenté comme un roman policier dans l’espace, L’homme superflu a tous les atours d’un Agatha Christie SF raffiné au premier abord, mais on se rendra vite compte que ce n’est pas tant dans la complexité du mystère ou dans la méticulosité de l’enquête que le roman va briller. Car l’enquête, si elle existe, n’est pas vraiment faite dans les règles de l’art. Le bouquin consiste plutôt à voir Tesla foutre le bordel jusqu’à ce que quelqu’un se décide enfin à faire son boulot sans être trop débile, L’homme superflu est finalement plus une comédie née d’une maîtrise totale du chaos absolu. Oui, Tesla est une millionnaire légèrement alcoolo sur un vaisseau de riches qui va utiliser ses privilèges pour bully des employés incompétents jusqu’à ce que quelqu’un fasse son boulot, et ça peut avoir un côté antipathique. Mais c’est aussi très rigolo, parce que oui, si t’as le pognon et la notoriété, au pied du mur ce seront tes armes pour te battre, et n’importe qui les utiliserait sans se priver dans ces circonstances.
Si ce côté rentre-dedans d’une jeune mariée super-riche-et-vénère est déjà assez jouissif en soi, c’est avec sa galerie de personnages secondaires que Mary Robinette Kowal va vraiment nous régaler. Dans son aventure, Tesla va être soutenue par son mari Shal (tu m’étonnes), mais aussi, et surtout, par Gimlet, le petit chien le plus choupi du système solaire. Ce dernier est un chien d’assistance, puisque notre protagoniste a subi un très grave accident et souffre en permanence, donc il fera tout pour protéger sa maîtresse, mais il lui sert aussi assez souvent à faire diversion de mignonitude.
L’autre atout de Tesla sera Fantine, son avocate aussi super vénère qui est restée sur Terre mais qui profère à longueur de temps des menaces aussi poétiques que monstrueusement efficaces. Tout ce petit groupe va nous offrir assez régulièrement des scènes extrêmement drôles avec un sens du tempo renversant, ces conversations complètement décalées entre Fantine et Tesla sont une petite gymnastique mentale à suivre puisque les messages mettront 5 à 10 minutes à aller de l’une à l’autre, mais elles nous servent des moments super drôle où Fantine assistera à un truc avec 10 minutes de retard et se mettra à insulter tout le monde. Franchement je pourrai passer des heures à lire juste des monologues de Fantine qui insulte et menace toute la galaxie tellement c’est rigolo, offrez-nous un spin-off avec Fantine, je le précommande dans la seconde.
Bon, je voudrais pas donner une image fausse du bouquin, on est pas non plus sur une comédie chaotique pure même si c’est cet aspect qui m’a marqué, il y a une construction science-fictionnelle légère mais solide avec un vaisseau aux différentes gravités selon les niveaux, où la force de Coriolis va jouer quelques tours aux personnages, par exemple. Et on évoque aussi des sujets plus sérieux avec une héroïne qui souffre de fortes douleurs chroniques et d’un bon vieux stress post-traumatique suite à un grave accident. C’est peut-être là-dessus que Tesla Crane gagne des points de sympathie parce que ce sont des sujets très bien traités par l’autrice. Le bouquin dépeint également un futur progressiste qui a amené dans le monde réel la présentation du pronom telle qu’on la voit sur les réseaux aujourd’hui, et c’est même fort impoli de ne pas présenter le pronom quand on présente quelqu’un. J’ai aussi beaucoup apprécié de voir évoluer ce couple qui fonctionne très bien, qui se fait confiance et forme une équipe, j’aime bien voir les couples solides et sains dans mes histoires, devrait y en avoir plus, non ?
C’est peut-être finalement l’enquête en elle-même que j’ai trouvé la moins intéressante, on a un meurtre et une succession de fausses pistes et de twists réglementaires, mais dans le chaos ambiant c’est parfois un peu confus. Le raisonnement, la progression logique, les révélations fracassantes où toutes les pièces du puzzle s’emboîtent avec élégance pour donner une image claire et étonnante d’un mystère élucidé, ce sont des choses que j’attendrais d’un murder mystery mais ici on est pas dans l’enquête méticuleuse. On sème le chaos et on laisse les choses se dévoiler un peu toutes seules. C’est solide, ça se tient bien, mais la progression de l’enquête ne m’a pas vraiment ébloui. Pourtant j’ai adoré ce bouquin, j’ai vraiment passé un super moment mais pas vraiment là où je l’attendais, finalement.
En VO, le roman est présenté comme « The thin man in space », je suis pas expert en vieux films et je sais pas si c’est une référence très connue chez nous, mais la page wikipedia de ce film de 1934 éclaire bien sur le fait que oui, c’est clairement une référence volontaire de l’autrice et une influence directe du roman. Ce côté décalé et inattendu est apparemment aussi une caractéristique du film donc tout ceci est certainement très intentionnel, et moi j’ai passé un super moment, alors on va pas bouder son plaisir.
Roman reçu en Service Presse de la part de l’éditeur Denoël, que je remercie.
Lire aussi l’avis de : Yuyine, Les lectures du Maki, Stéphanie Chaptal (Outrelivres),
Couverture : Jaime Jones
Traduction : Patrick Imbert
Éditeur : Denoël (Lunes d’encre)
Nombre de pages : 480
Date de sortie : 14 Février 2024
Prix : 24,90€ (broché) / 17,99€ (numérique)
C’est une de mes prochaines lectures : tu me donnes grande envie d’y aller dès maintenant ! Merci !
Tout vient à point à qui sait attendre pas trop longtemps
Je me suis un peu ennuyé sur ce roman beaucoup trop long, trop de superflu…
Encore une chronique positive ici 😉 Bon j’ai déjà le dernier tome de la trilogie dans ma PAL, donc, ce sera pour plus tard !
Ah tu fais dans l’ordre toi ? XD
J’essaie de privilégier ce que j’ai en PAL surtout xD
Bah écoute, c’est la première chronique que je lis sur ce bouquin qui me donne envie de le lire !
J’en suis ravi ! Je fais dans l’influençage SF maintenant, accrochez-vous !
Eh bien tu as bien fait de demander parce que qu’est-ce que ta chronique donne envie !
Il y a ce côté comédie en roue libre qui m’attire, mais également la maîtrise dont l’autrice fait part pour en arriver là, sans compter les questions plus sociales et intimes comme elle aime le faire. Ça a l’air d’être un super petit bonbon !
J’ai très envie de le lire, dommage quand même pour l’enquête j’aime mieux quand c’est bien ficelé.
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