Suite de Véridienne, Les terres de l’est est le second tome des Récits du Demi-Loup de Chloé Chevalier, édité chez les Moutons Électriques. Les jeunes demoiselles du premier tome sont maintenant adultes et commencent à prendre leurs responsabilités (ou pas), ça rigole plus, on passe aux choses sérieuses. Comme d’habitude, la critique du nouvel épisode d’une saga a des chances de spoiler le précédent, vous voilà prévenus.
A la suite des évènements du premier tome, Malvane se retrouve comme première héritière du trône tandis que Calvina retourne à Epona pour gérer le second trône squatté par Edelin. Et entre les deux, Aldemor et Cathelle sont en exil et préparent minutieusement leur vengeance, et ça va chier. Contrairement au livre précédent, c’est sur ces deux derniers que l’attention du lecteur va se focaliser, nous suivrons très souvent le point de vue de Cathelle et Aldemor et découvrirons leurs aventures dans leur royaume et bien au-delà.
Les correspondances de Lufthilde et Nersès se feront plus rares mais servent quand même à donner un aperçu de la situation politique instable du Demi-Loup ainsi que des comportement des deux princesses qui évoluent très différemment l’une de l’autre. Pourtant, c’est l’exil d’Aldemor et Cathelle qui reste au premier plan, leurs années difficiles puis leur plan fou qui se profile et qui les fera voyager pendant des mois et des années. Cette suite change complètement d’échelle, on part des murs et des couloirs du château de Véridienne pour explorer de lointaines terres et rencontrer des peuples exotiques. Le roman prend alors un aspect « aventure » beaucoup plus prononcé, on voit du pays tout en gardant une vision claire et précise de la situation et des enjeux politiques du Demi-Loup.
Cet équilibre entre politique et aventure exotique avec des héros aux destins mouvementés m’a beaucoup fait penser à la saga Acacia de David Anthony Durham. On découvre différentes cultures dans de nouveaux décors plein de dangers. L’aventure est passionnante à suivre, toujours grâce au soin apporté à la construction des personnages et à la manière dont le texte distille ses révélations et ses temps forts. La séparation des narrateurs efface un des défauts du premier roman : On a beaucoup moins de mal à les différencier lorsqu’ils prennent la « parole ». Ça rend la lecture plus fluide et donc plus agréable.
Toutefois, en se focalisant sur les péripéties d’Aldemor et Cathelle, Chloé Chevalier ne fait pas beaucoup évoluer la situation politique du royaume de Demi-Loup qui reste déchiré entre les comtes et les deux trônes, au bord de la guerre civile. L’épidémie ravage toujours les villages mais la situation reste sur le même bras de fer entre le roi et les nobles. Mais la « stagnation » de la situation ne m’a pas dérangé car l’histoire d’Aldemor et Cathelle qui prend le devant de la scène est vraiment passionnante. Petit à petit, Les terres de l’est fera la lumière sur ce qu’il s’est passé pendant les 15 années où le prince déchu est parti en guerre contre l’empire de l’est. Ces évènements nous ont déjà été vaguement évoqués dans Véridienne mais nous avons ici tous les détails qui avaient été occultés, ce qui nous permet de bien mieux comprendre ce personnage et son état d’esprit.
Entre le récit d’Aldemor au cœur de l’Empire et le voyage de Cathelle vers les Plaines Jaunes, le roman oscille entre aventure exotique et tragédie poignante, hissant Les terres de l’est un cran au-dessus de Véridienne et nous laissant espérer une suite au moins du même niveau pour poursuivre cette excellente saga.
Lire aussi l’avis de : Boudicca (Le bibliocosme), Nicolas Winter (Just a word),