Les ténèbres hurlantes est le second tome de la saga Le dévoreur de soleil par Christopher Ruocchio
Parce que les one-shot de 400 pages c’est trop facile, je me suis lancé dernièrement dans deux sagas d’énormes briques made in Bragelonne, Le dévoreur de soleil et Le chœur des dragons, et on va essayer d’avancer les deux à un rythme un peu plus soutenu que « un tome tous les ans où t’as oublié les trois quart de l’intrigue entre temps ». Voilà, mesdames et messieurs, deux mois après ma chronique de L’empire du silence, mon avis sur la suite, Les ténèbres hurlantes.
Voilà cinquante ans que Hadrian est à la recherche de la mythique Vorgossos, dans l’espoir d’établir un contact diplomatique inédit avec les cielcins. Avec ses compagnons, il a créé une fausse compagnie de mercenaires pour farfouiller les galaxies et pousser ses recherches aux limites de l’empire, et voilà qu’iels s’aventurent au-delà de ces limites, dans l’espace extrasolarien. Bien loin des règles morales établies par la Fondation et la noblesse dans laquelle il a grandit, Hadrian va découvrir un monde (enfin, des mondes) où les limites entre humain et machines sont indéfinissables, où l’esprit et le corps sont des concepts très flous. C’est dans cette civilisation à part dont il n’a pas toutes les clés qu’il devra poursuivre sa mission et trouver un moyen de contacter l’ennemi de l’humanité.
Déjà, quand on attaque ce second tome on peut être un peu déboussolé, parce qu’on a manifestement raté des trucs. Hadrian est dans une compagnie de mercenaires, avec un entourage qu’on connaît seulement en partie. Il a apparemment livré plein de batailles, rencontré des gens, et transporte dans ses bagages un prêtre cielcin qui pourrait être la clé de futures négociations avec la race extraterrestre. Le narrateur nous parle d’évènements auxquels on a pas assisté, de personnages qu’on rencontre à peine, tout ça comme si était avec lui tout le long alors que pas du tout… En fait c’est normal, faut pas s’inquiéter, et même j’ai trouvé ça super-cool, ça donne encore une fois une impression d’échelle, de mystère, à cette saga monumentale.
Là où le premier tome nous faisait suivre plusieurs périodes très différentes dans la vie de Hadrian Marlowe, cette suite reste beaucoup plus concentrée sur une intrigue unique, on va explorer le monde extrasolarien et ça change carrément d’ambiance par rapport à tout ce qu’on a vu précédemment. On sent Hadrian un peu paumé, à la fois fasciné et révulsé par ce qu’il va découvrir, un monde où les modifications corporelles n’ont pas de limites (sinon le prix) contrairement à ce qu’impose la moralité dans le milieu d’où il vient. On va croiser des personnages aux modifications complètement barrées, et visuellement je me suis assez souvent représenté toute cette ambiance avec des images du manga Gunnm de Yukito Kishiro et ses cyborgs timbrés (haha, tu savais pas que j’avais eu une grosse période manga et animés dans ma folle jeunesse, hein ?).
Côté rythme, on démarre sur un gros badaboum sur les cent premières pages mais ensuite j’ai ressenti un creux jusqu’au milieu du roman (ou alors c’est une question de mauvais timing de lecture, la subjectivité, tout ça, tu vois). Fort heureusement, ça reprend ensuite un peu de poil de la bête dans la seconde moitié pour finir avec 200 pages monstrueuses d’action et de suspense, le tout porté pas le sens de la tragédie grandiloquente franchement jouissif que porte la saga encore une fois dans ce second tome. Les efforts de notre protagoniste pour établir une paix durable avec ces créatures se heurtent à un désespoir grandissant et à une chaîne de commande militaire « un peu rigide ». On va avoir un côté plus militaire dans ce tome, mais aussi ce côté cyberpunk, et on alterne entre les deux selon les moments, et ça donne un équilibre à l’ensemble pour un petit pavé de space-opera tout à fait passionnant.
On est toujours porté par la voix de ce personnage principal qui est aussi narrateur, on le comprend, on comprend ses intentions, ses erreurs, ses doutes, ses forces et ses faiblesses. J’ai pas eu un seul moment de décrochage où je comprenais pas Hadrian, il est bien développé, cohérent, complexe et intéressant. Ce héros est une des grandes réussite de Christopher Ruocchio. J’ai beaucoup aimé l’ambiance de « mission de la dernière chance » qui enveloppe Les ténèbres hurlantes, et j’ai aimé le fait que le héros n’est plus une bille solitaire trimballée par un destin aléatoire, il est plus stable, plus actif, mais aussi bien entouré par une galerie de personnages secondaires qui vont apporter une assise et des relations fortes dans cette histoire. Oh oui y’a du drama dans tout ça, la relation avec Jinan, les coups du sorts et les morts, la fidélité des uns et les trahisons des autres. Tout ce groupe a réussi a m’ancrer un peu plus dans l’histoire, là où le premier tome voyait un Hadrian un peu plus isolé qui passait d’une période à l’autre de sa vie en laissant tout (et tout le monde) derrière à chaque fois.
Les ténèbres hurlantes, second tome du Dévoreur de soleil, est ainsi une nouvelle réussite malgré quelques longueurs. Il change radicalement du tome précédent mais garde une grande maîtrise de son univers et de son personnage principal pour nous proposer une aventure de science-fiction passionnante à une échelle impressionnante. On continuera ça dans le tome 3, très bientôt !
Lire aussi l’avis de : Herbefol (L’affaire Herbefol), Lianne (De livres en livres), Apophis (Le culte d’Apophis),
Couverture : Kieran Yanner
Traduction : Nenad Savic
Éditeur : Bragelonne
Nombre de pages : 792
Date de sortie : 11 Mars 2020
Prix : 25 (broché) / 9,90€ (poche) / 5,99€ (numérique)
J’ai eu la même intention, mais je n’ai suivi que Choeurs des dragons pour le moment grâce aux parutions poches mensuelles de l’éditeur.
J’aimerais faire de même avec le Dévoreur de soleil mais je voudrais avoir tous les tomes ou pas loin pour et je crois que ce n’est pas encore le cas. Mais le fait que le tome 1 soit différent finalement me rassure vu la coupure que je vais avoir
Le tome 6 doit paraître en 2024 en VO et le 7 (le dernier) on sait pas
Ça donnerait presque envie de passer à la vo si les tomes n’étaient pas si copieux. Merci pour les infos en tout cas !