J’me suis lancé dans Les oubliés de l’amas sans savoir grand chose du bouquin, à part que c’est de la SF, que c’est écrit par Floriane Soulas (dont je voulais découvrir l’œuvre depuis un moment) et que j’ai vu beaucoup de gens bons le recommander. Mais vous savez, moi la science-fiction, bon voilà quoi, donc j’avais pas de grosses attentes. Et pourtant…

Kat est recycleuse sur l’Amas, un tas de vaisseaux de récup’ et de débris agglomérées en orbite de Jupiter qui sert de décharge pour tout le système solaire. Donc quand une épave débarque sur l’amas, Kat et ses collègues le désossent pour en récupérer ce qui peut l’être, et de temps en temps c’est Jupiter qui leur recrache du matos. En effet aucune expédition n’a pu explorer la planète et en ressortir, mais beaucoup ont essayé, et on voit revenir de temps en temps ce qu’il en reste, rejeté par l’atmosphère. Mais Kat n’est pas venue dans ces bidonvilles de l’espace pour récolter des boulons, elle était une scientifique de point qui a tout largué pour retrouver son frère jumeau disparu. Pavel est un pilote passionné par Jupiter, elle a suivi sa trace jusque sur l’Amas et cherche à approcher le circuit des courses de vaisseaux qui se disputent dans le coin.

Les oubliés de l’amas est souvent présenté comme une science-fiction « accessible » mais mon amour légendaire de la SF qualifierait plutôt ça de science-fiction « pas chiante » et ça m’arrive pas tous les jours ! En effet, mon expérience (très limitée et très subjective) du genre m’a souvent fait croiser des romans qui étalent des pages et des pages d’explications et de détails sur leurs concepts, leur société, leur réflexion et les trois notions scientifiques qu’ils tartinent en long en large et en travers pour subjuguer le lecteur. En gros, ça se regarde pas mal le nombril et je trouve ça chiant. C’est pour ça que je lis beaucoup moins de ce genre même si ce point de vue est évidemment plein d’angles morts et de biais très critiquables, que les plus férus de SF parmi vous me sortiront plein de contre-exemples à ça, et que Becky Chambers. Mais c’est là où j’en suis encore, et voilà que débarque Les oubliés de l’amas, un space-op rythmé, avec de super personnages, et de l’aventure !

Est-ce que le côté science-fictif est anecdotique pour autant ? Trop « léger » pour les esprits pointus de nos amis amateurs et amatrices de merveilles scientifiques ? Oh non, mesdames et messieurs, car Floriane Soulas nous amène la juste dose d’émerveillement spatial, vous savez, ce fameux truc dont parlent tous les fans de SF et que j’ai jamais ressenti de ma vie. Le sense of wonder. Le fameux. Mais là on a de la science, de la vraie, on a une chercheuse qui cherche, on a des relevés, des erreurs, des avancées lentes et collégiales, des coups de folie. On a des concepts exposés succinctement mais très clairement pour nous faire découvrir Jupiter, ses spécificités, son atmosphère, ses pièges et ses merveilles. Et tout ça sert la narration, ce sont des défis pour ses personnages, des obstacles pour une histoire qui réveille un sens de l’aventure et de l’exploration avec du rythme et du cœur.

Et c’est pour ça que j’ai énormément aimé ce bouquin, parce que tout ça est parfaitement dosé pour mon goût, et que c’est une science crédible qui sert un récit (et pas l’inverse). Au fond Les oubliés de l’amas est un super roman d’aventure et d’exploration qui évoque une chasse au trésor, une enquête qui va d’indice en indice pour percer le secret d’un « triangle des Bermudes » de l’espace. Kat et ses compagnons suivent les traces de grands explorateurs du passé légendaires et de leurs vaisseaux encore plus légendaires, ça convoque chez les lecteurices toute cette culture d’aventure maritime et de chasse aux trésors, de navires disparus et d’épaves hantées, de vieilles cartes et d’énigmes du passé. Cette aventure est longue (plus de 600 pages) et passe par plusieurs phases, plusieurs ambiances et clins d’œil à des sous-genres différents, on va jusqu’à toucher l’horreur sur certaines séquences. En sortant de tout ça j’avais cette impression d’avoir vécu quelque-chose, une épopée avec des enjeux, des obstacles et beaucoup d’aventure.

Mais que serait une grande aventure sans de grands personnages ? L’autrice part de son héroïne Kat, déjà très attachante et crédible avec ses motivations, son passé et son caractère. On explore son chemin personnel et son état d’esprit, celui d’une femme qui a tout perdu et veut retrouver la seule chose qui lui reste : son frère. Et petit à petit on va broder tout autour une galerie de compagnons, d’alliés, de rivaux qui vont constituer un réseau de relations qui fonctionnent extrêmement bien. Évidemment, Jaspe la meilleure mécano de l’univers qui impose sa présence et son caractère bien trempé sur ces pages, sa relation avec Kat va être motrice tout le long du bouquin. Elle est un mystère et une alliée précieuse. Mais il ne faut pas oublier Rouge, Sonja, Oble, Sori, Corso, Albane, qui vont former cette société de l’amas qui vit en vase clos, un petit monde dans lequel j’ai pris beaucoup de plaisir à m’immerger, que j’ai pris plaisir à voir vivre et interagir. Et oui, beaucoup de femmes, ça c’est chouette, et quand le scientifique est pas un vieux arrogant et asocial qui fait de la merde, on peut se réjouir.

J’ai adoré Les oubliés de l’amas, ce roman d’aventure SF a réveillé mon sense of wonder à moi, celui que je ne pensais même pas avoir. De la science, de l’exploration, de l’aventure, des personnages, du rythme, j’ai dévoré ce pavé. Il va falloir que je me penche sur la bibliographie de Floriane Soulas maintenant, même si d’après ce que j’ai vu ses romans sont tous très différents les uns des autres, j’y retrouverai sûrement quelque chose que j’ai aimé ici.

Lire aussi les avis de : Laird Fumble (Le syndrome Quickson), Yuyine, Madame Point Virgule, Dup (book en stock), Sometimes a book,

Couverture : Germain Barthélémy
Éditeur : Scrinéo (Bientôt disponible en poche chez Pocket)
Nombre de pages : 629
Date de sortie : 21 Octobre 2021
Prix : 21€ (broché) / 9,99€ (numérique)