Pangée est un continent immense, seule terre au milieu d’un océan unique, regroupant les différentes nations de Ghiom. Tous les 25 ans ces peuples participent ensemble à une chasse légendaire, ils partent tuer une créature marine géante, l’Odalim, à bord d’une flotte de nefs gigantesques construites pour l’occasion. La réussite de la chasse conditionne l’avenir de Pangée pour le cycle à venir, un échec est catastrophique.
Les nefs de Pangée est un roman écrit pas Christian Chavassieux et paru chez Mnémos dans une édition superbe, à tel point que je l’ai acheté en papier et pas en numérique comme à mon habitude parce que bordel cette couverture, elle pète la rétine. Elle utilise une peinture de John Martin datant de 1840 qui décrit la destruction de la ville de Tyr prophétisée par Ézéchiel dans l’ancien testament (c’est dans la Bible, un vieux bouquin fantasy gore et violent). L’utilisation de cette image apocalyptique attire l’œil sur l’objet massif, et le démarque de ses petits copains sur les rayonnages du libraire. Oui, massif, parce que le bouquin est épais, avec son beau papier et ses 450 pages bien tassées.
Massif aussi par son contenu, j’ai mis un bon moment à rentrer dans l’histoire parce que c’est pas vraiment du léger-léger que nous livre ici l’auteur. Au début, nous assistons au retour de la neuvième chasse qui rentre bredouille et décimée, les rares nefs rescapées apportent la honte et le malheur sur Pangée. Mais pas le temps de s’apitoyer, car il faut déjà penser aux préparatifs de la suivante, la dixième, la plus importante qui aura lieu dans 25 ans. La prochaine chasse sera la plus vaste de toutes, on prévoit 300 navires dans la flotte, des milliers de volontaires à former et surtout il faut trouver le prochain commandant à l’aide des oracles.
Le roman nous racontera dans un premier temps les préparatifs de la chasse, 25 ans de recherche, de formation et de coopération entre les peuples. Une bonne centaine de pages qui serviront aussi au lecteur à se familiariser avec la culture que nous présente Christian Chavassieux, parce que quand il invente un nouveau monde il y va pas avec le dos de la cuillère le bougre. Géographie, coutumes, biologie, langages, grammaire, l’auteur crée un univers atypique avec ses codes propres et il m’a fallu un moment avant de comprendre ces mots tout bizarres grâce à leur contexte, avant de m’y retrouver dans tous les peuples et toutes les régions…
Et puis au bout des cent premières pages on finit complètement immergé dans tout ça. Ça tombe bien, c’est pile le moment du départ, la flotte est constituée, nous avons fait la connaissance des membres importants de l’équipage pendant leur formation et on commence à y être attaché. Alors larguez les amarres, souquez les artémuzes, on va péter la gueule au gros monstre. A partir de là, on alterne entre l’histoire de la flotte à proprement parler et ce qui se passe sur la terre ferme après son départ. Le livre jongle très adroitement entre l’aventure maritime épique et les intrigues politiques, les tensions sur mer comme sur terre vont mettre la cohésion de la chasse à rude épreuve et bouleverser à jamais les habitants du continent unique.
Une des particularités de ce roman est son échelle, au niveau du temps comme de la géographie. Il se déroule sur des dizaines d’années et s’étend sur des milliers de kilomètres et pourtant on ne sent jamais que l’intrigue s’éparpille, tout est cohérent, tout se tient et on ne perd jamais le fil. Cette ampleur vertigineuse m’a fait penser à Acacia, et comme la trilogie de Durham, Les nefs de Pangée sait guider le lecteur dans son vaste monde et sa structure narrative. Les nombreux personnages sont très bien définis, chacun à son rôle et son évolution. On suit leurs aventures avec plaisir grâce à une écriture maitrisée et agréable qui sait gérer les passages d’exposition et les batailles épiques avec la même qualité.
Mais quelque part au milieu de tout ça, le roman arrive à dépasser le stade du bon roman d’aventure, il pose une fresque immense qui nous parle d’exploration, de superstition, de peur de l’inconnu, d’évolution. Nous allons assister à une mutation profonde de cette civilisation qu’on observe et, cerise sur le gâteau, l’auteur se permet un changement de perspective hallucinant au beau milieu du roman, qui remet en cause le sens même du livre et notre perception de son univers. Ce n’est pas la seule surprise du roman mais elle met en évidence sa construction en plusieurs couches successives qui nous amène de plus en plus loin dans ce que propose Christian Chavassieux.
Les nefs de Pangée est un roman dense et passionnant, immense par son ampleur et sa profondeur. Malgré un début qui demandera un effort pour rentrer pleinement dans son univers, le livre captive et transporte le lecteur. On voyage loin, très loin à bord des navires de la dixième chasse, c’est une grande aventure à lire absolument.
Lire les avis de : Gilthanas (Elbakin), Lorhkan, Gromovar (Quoi de neuf sur ma pile), Blackwolf (Blog O Livre), Lune (un papillon dans la lune), Samuel Ziterman (Lecture 42),
Ma prochaine lecture ! Ça donne envie 😀
Bonne lecture, j’attends ton avis 🙂
Oh oui ca donne envie !! Je viens justement de le cocher, il est proposé dans la masse critique d’aujourd’hui! Je te rejoins sur la couverture: elle est magnifique ! Tout comme toi je suis capable de lire un livre sur tablette et de me le racheter en papier juste pour le plaisir de posséder l’objet 🙂
Quand c’est un beau livre ça donne envie de l’avoir oui.
J’ai vu qu’il était dans la masse critique mais je regrette pas de l’avoir payé quand même, moi j’ai surtout coché feuillets de cuivre de clavel et l’enchâssement 🙂
Un très très bon livre, peut-être en-dessous de mes attentes. C’est probablement son seul défaut. Et aussi un manque de rythme à un moment donné. Cependant, comme tout change tout le temps, le récit offre une histoire dont on ne peut jamais se dire : « je m’y attendais ». Il offre des réflexions intéressantes aussi. Tout cela en fait un très très bon roman.
J’arrive encore après la bataille. Mais bon sang, quel roman puissant en effet! – Chavassieux rejoint instantanément ma triade Damasio-Jaworski-Niogret.
Complètement d’accord sur l’ampleur de l’oeuvre, il révèle un appétit sans limite, et pas seulement du côté de l’épique; c’est vrai que ça aurait pu être indigeste à force de richesse, mais tout est très agilement agencé. Même chose au niveau du ton: même si la gravité et le drame sont de mise, j’ai adoré les notes d’humour discrètes.