Les bouquins qu’on nous donnait à lire au lycée étaient souvent une torture pour moi, les grands clââââssiques de la littérature m’ont fait détester le cours de français pendant à peu près toute ma scolarité (sans parler des « analyses » de ces textes). Puis un jour, on nous a fait lire l’Iliade d’Homère.
Au début j’ai eu un peu de mal à réaliser mais il fallait bien l’accepter, j’ai aimé cette épopée magnifique et j’en garde un souvenir très fort (même si j’ai aussi la gueule de Brad Pitt qui veut pas sortir de mon cerveau, c’est terrible). Donc quand j’ai mis la main sur cette revisite de la guerre de Troie par David Gemmell, je n’avais aucun doute, ça ne pouvait qu’être génial. Un de mes écrivains préférés qui s’attaque à un mythe aussi fondateur, je me demandais vraiment comment il allait s’approprier tout ça et le mettre à sa sauce. Le seigneur de l’arc d’argent est le premier tome de cette trilogie, et à la fin de ce livre il faut se rendre à l’évidence, Gemmell était fait pour l’univers homérique. Mais pas forcément là où on l’attendait.
Pour la première fois dans sa bibliographie (et malheureusement la dernière), l’écrivain anglais n’écrit pas de la fantasy, ni ne détourne des mythes dans ce but comme il l’avait fait sur Le lion de Macédoine. Troie est une fiction historique pure, sans magie, sans monde parallèle, sans pierre de pouvoir (du moins pour le moment). Le premier tome se place chronologiquement avant les évènements de l’Iliade et raconte les destins de plusieurs personnages qui gravitent autour de la ville troyenne, et vont se retrouver mêlés aux complots qui couvent à la cour du roi Priam : Nous avons tout d’abord Hélicon (Énée), mystérieux prince de Dardanie, marchand et guerrier au passé trouble. Puis nous rencontrerons Andromaque, prêtresse promise en mariage à Hector. Et autour d’eux, c’est une multitude de héros qui construiront cette fresque dense et épique. Nous croiserons notamment un drôle d’Ulysse, que j’ai adoré en conteur balourd et vieillissant.
Il est difficile de raconter l’histoire plus en détail tant elle est dense et regorge de trames parallèles. Mais le gros point fort, encore plus que dans les autres romans de David Gemmell, ce sont les protagonistes. L’écrivain nous propose une galerie de personnages tous très différents, il nous permet de les comprendre et de nous attacher à tous, quelle que soit leur nationalité ou leur allégeance. Mais on a surtout un roman qui parle d’héroïsme, trimballant tout l’héritage d’Homère derrière cette réflexion tout en gardant un côté très gemmellien à la chose : l’héroïsme peut venir de chaque homme ou femme, ami ou ennemi, guerrier accompli ou jeune princesse. C’est en voyant défiler cette succession d’actes de bravoure et de dialogues percutants qu’on voit l’hommage que propose l’auteur à Homère, on y retrouve la même mosaïque de portraits héroïques qui se passent le relais de chapitre en chapitre, tous plus enthousiasmants les uns que les autres.
Mais on a aussi cette mécanique implacable, ces circonstances qui s’enchainent de manière inéluctable et mènent à un drame. Pas de plan machiavélique du grand méchant sorcier, pas de vrai salaud assoiffé de sang, mais seulement des hommes qui font des choix, des rois qui défendent leur trône, des princes qui le convoitent, des femmes qu’on veut marier. Seulement une succession de choix humains plus ou moins adroits qui s’imbriquent et construisent cette histoire vraiment bien ficelée et fluide. Soulignons aussi que Gemmell gomme tout ce qui est « intervention divine » de sa saga, l’héroïsme est une affaire humaine et c’est là qu’on se rapproche plus de la fiction historique que de l’œuvre mythologique. Le roman est aussi relativement lent… Enfin c’est pas vraiment un défaut, on prend notre temps pour s’imprégner de l’univers, des intrigues et des personnages… Jusqu’à un final éblouissant.
Car c’est vraiment la dernière partie du roman qui va marquer les esprits, quand toutes ces trajectoires mènent à un lieu, un moment, et que tout explose dans la rage et le sang. C’est là que surgit le vrai héros de ce premier tome, qui défend des étrangers pour son honneur et son amour, dans une scène de bataille qui restera sûrement dans les mémoires pour de longues années. C’est à l’issue de cette dernière partie qu’on peut vraiment voir la qualité de la construction du roman, qui nous a promené à travers tout Troie pour saisir toutes ces ficelles qui trainaient, pour les suivre et les voir s’emmêler, pour éblouir le lecteur et lui donner envie de passer directement au second tome.
Le seigneur de l’arc d’argent est un grand roman, une épopée contée avec talent par David Gemmell dans ce qui semble être le début de son œuvre la plus aboutie, sa dernière, son apogée. N’hésitez surtout pas à vous jeter sur ce bouquin qui vient de sortir en poche chez Milady, c’est un incontournable.
Comment après une telle déclaration de flamme, puis-je passer à côté ?
Je prends!
C’est impensable ! Fonce ! 😀
Gemmell, c’est tout nouveau pour moi. Mais ta critique m’a bien donné envie. En plus, si ça sort en livre de poche… Pourquoi se priver?
Enfin Troie en poche ! Depuis le temps que je l’attendais, je crois que je vais craquer…
Oui, allez y craquez !
Je n’ai jamais pu attendre un Gemmel en poche (à part le lion de macédoine mais c’est parce que je m’y suis mis tard), et je me jetais sur les Bragelonne grand format dès le jour de leurs sorties.
Cette trilogie est probablement sa meilleure trilogie !