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Le Nexus du Docteur Erdmann, mal au cerveau

 Après un démarrage réussi avec Dragon de Thomas Day (critiqué ici), les éditions du Bélial’ enchainent avec un deuxième roman court de sa collection « Une heure lumière » : Le Nexus du Docteur Erdmann de Nancy Kress. Enfin, quand je dis qu’ils enchainent, c’est pas vraiment le cas puisque les deux sont sortis en même temps, mais sur la tranche y’a écrit que c’est lui le deuxième alors j’ai fait dans l’ordre.

Henry Erdmann est donc un docteur, mais pas docteur qui vous fait tousser et vous met un doigt dans le cul, non, plutôt dans le genre « 4 thèses et 60 ans de recherche en physique nucléaire ». Il a beau avoir 90 balais et marcher avec un déambulateur, son cerveau est toujours au top. Pour combattre l’ennui de sa maison de retraite, il donne des cours de physique à la fac accompagné de son aide-soignante. Bon, c’est pas pareil que bosser sur le programme d’armement nucléaire américain mais ça entretient pas mal malgré la médiocrité de ses jeunes étudiants. Et c’est justement en revenant d’un de ces cours que Henry subit sa première « attaque », une sensation qui l’a submergé, qui l’a laissé quasi-inconscient avec l’impression de pas être tout seul dans sa tête. En rentrant à l’hospice, il réalise qu’il n’est pas le seul à avoir ressenti ça, une bonne partie des retraités aussi, et ce n’est que le début. Henry va donc mener sa petite enquête au milieu des octogénaires, cherchant une raison scientifique à ce qui semble être tout sauf naturel.

Ce petit livre de 150 pages est donc un mystère fantastique en milieu gériatrique, qui rappellera par certains côtés Insomnie aux fans du King (ou Bubba ho-tep aux cinéphiles adeptes du n’importe quoi). Le gros point fort de la novella de Nancy Kress est la construction des personnages, Henry est très attachant malgré (ou grâce à) son côté vieux râleur élitiste, et tous les autres petits vieux de Saint Sebastian forment un groupe hétérogène d’archétypes de retraités : De la commère de service à la bigote incurable, en passant par la hippie new age Hare Krishna ou encore l’ancienne star de ballet aigrie. Y’a une dynamique vraiment touchante dans les interactions de tout ce beau monde. La sous-intrigue de Carrie, l’aide-soignante, apporte une touche d’humanité supplémentaire à ce patchwork de personnages hauts en couleurs.

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Encore une fois dans cette collection, on est à la frontière de plusieurs genres, du fantastique mais pas trop, du thriller mais pas trop, de la SF mais encore moins. C’est le point fort du format, qui permet de surfer entre les catégories et d’expérimenter des choses. La construction du suspense est subtile et progressive, on prend un peu son temps pour arriver sur une fin qui laissera le lecteur avec autant de questions et de théories qu’au début, si ce n’est plus. Le thème de la vieillesse est traité avec beaucoup d’humour et de légèreté, le petit monde de Saint Sebastian est crédible, on s’amuse beaucoup à suivre les dialogues et à découvrir les petits secrets de chacun.

C’est sur la fin que Le Nexus m’a un peu déçu : Si on prend beaucoup de plaisir à suivre les mésaventures de nos p’tits vieux, le dénouement apparait confus. On a droit à une scène magique où Jake, le neurologue qui étudie les résidents pour ses recherches, nous sort un merveilleux « mmmm, j’ai une théorie, je pense que blablabla… » en tombant pile poil juste, alors que rien, personne, nulle part n’avait orienté ses observations en ce sens. On commence à nous parler théorie, « principe de complexité émergente », super-conscience… Ça part dans des trucs très perchés, expédiés en quelques pages, que nos personnages comprennent on sait pas trop comment, et ils se mettent à se l’expliquer entre eux, ou plus simplement à essayer de l’expliquer au lecteur.

Je n’apprécie pas la SF qui fait du déballage pseudo-scientifique à outrance, quand ça part dans de la prise de tête méta (ça exclut pas mal d’auteurs du genre, oui…). L’histoire aurait été parfaite si on nous avait épargné ça, si Nancy Kress avait laissé les évènements se dérouler sans pour autant provoquer d’ « illumination » à ses personnages et les pousser à tout s’expliquer. Le propos est assez fort pour parler de lui-même, et laisser le lecteur l’interpréter tout seul sans lui catapulter plein de termes complexes dans sa face. Et je dis pas ça parce que je suis allergique à la science, bien au contraire, mais la science-fiction n’est jamais aussi belle que dans sa simplicité et/ou son mystère.

Finalement, je reste sur une bonne impression de ma lecture du Nexus du Docteur Erdmann, le récit est vraiment captivant dans son ensemble, ses personnages sont attachants et il se lit avec beaucoup de plaisir malgré cette fin boursouflée. C’est le côté non-SF du roman qui restera. Comme pour Dragon la couverture est sublime, et j’ai toujours hâte de découvrir les prochaines parutions de la collection « Une heure lumière » qui arrivent en février.

Lire aussi l’avis de : Nicolas Winter (Just a word),

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Cet article a 2 commentaires

  1. lorhkan

    Je voulais attendre et commander les quatre d’un coup, mais avec toutes ces critiques qui pleuvent un peu partout, je ne suis pas sûr de pouvoir attendre…
    Très intéressante collection en tout cas !