« Je peux sans aucun doute affirmer aujourd’hui que cet auteur a rempli un vide dans mon cœur qui avait été créé à la mort du sieur David Gemmell ». C’est précisément cette phrase seule, tirée du blog « La brève de comptoir », qui a réveillé ma curiosité à propos de Conn Iggulden. Avant ça, l’auteur n’était apparu nulle part sur mes radars (à part sur des blurbs VO des Manteaux de gloire mais ces machins-là ne veulent plus rien dire).
C’est un auteur de romans historiques qui s’amuse à retracer le parcours de certaines grandes figures du passé. Ainsi, sa première série Imperator retrace la vie de César mais seuls 2 tomes sont trouvables en Français, et encore c’est pas facile. Sa seconde grande saga (celle dont je vais parler ici) est un peu plus accessible : L’épopée de Gengis Khan est publiée chez les presses de la cité et en poche chez Pocket même si on ne sait toujours pas où sont passés les tomes 4 et 5 de la série qui parlent des héritiers du Khan. Vous l’aurez compris, l’auteur a pas de bol avec les éditions françaises, et si ces messieurs voulaient bien se bouger l’arrière-train ça serait très sympa, mais je sens que je vais devoir compter sur la VO pour le reste.
Gengis Khan donc ! Tout le monde sait à peu près qui est Gengis Khan, évidemment, c’est… euh… Bah… Un mongol avec des moustaches pointues ? Ah non en fait c’est très vague. Il est connu pour être un grand conquérant (ou un génocidaire total, selon le côté où on se place) et unificateur des tribus mongoles. Dans l’imaginaire collectif il ne reste pas grand chose de lui, on se représente en général un asiatique énervé sur un cheval. Les historiens ne gardent que très peu de traces de l’homme en lui-même à part quelques grandes lignes, mais qu’à cela ne tienne, Conn Iggulden va nous faire mijoter tout ça dans sa marmite et nous livrer la vie romancée du monsieur.
Le loup des plaines, premier tome de la série, nous raconte la construction du personnage de Temüdjin, sa naissance, son enfance dans la tribu des loups et les drames qui l’ont poussé à l’exil, à la famine et à la vengeance. Parce que les mongols en ce temps-là, c’était pas des rigolos, les clans vivaient plus ou moins selon la loi du plus fort. Quand on avait faim ou qu’on s’ennuyait un peu, on allait piller les clans voisins, tuer quelques bergers pour piquer des bêtes et de l’équipement… Temüdjin est né dans ce contexte mais il n’est pas trop mal loti, c’est le second fils de Yesugei le Khan du clan des loups, un chef fort, sage et respecté.
Il vit une enfance plus ou moins heureuse avec ses quatre frères et ses parents, entouré des familles du clan, jusqu’au jour où Yesugei est assassiné. Les fils du Khan sont trop jeunes pour défendre leurs intérêts, ils sont abandonnés avec leur mère et leur sœur qui vient de naitre dans les steppes glaciales, sans équipement et sans nourriture, par le premier féal de leur père qui a pris le pouvoir par la force. C’est le début de la lutte de Temüdjin, pour survivre et reconquérir son rang, et même un peu plus. La notion de famille et d’appartenance est une des thématiques importantes du roman, Temüdjin est un loup, mais il a besoin de ses frères et de sa mère pour se construire et pour survivre. Quand ils sont dans une merde noire, c’est entre frères qu’ils se serrent les coudes (enfin, à peu près) et qu’ils surmontent les épreuves.
L’auteur réussit parfaitement à nous présenter cette culture tribale, forcément très différente de la notre. Il nous immerge dans les camps mongols où on vit dans des yourtes, où on fait le feu avec de la crotte de mouton et on se réchauffe avec de l’alcool de lait de jument. On comprend leurs codes et leur manière de vivre et c’est quand on commence à en percevoir l’équilibre que tout bascule dans l’aventure épique pleine de violence et de souffrance. En partant des quelques faits avérés sur la vie du chef de guerre, Conn Iggulden brode une épopée sauvage et sanglante qui prend aux tripes.
On peut avoir l’image fausse qu’un roman historique sera comme nos cours d’histoire du lycée : une succession de dates et de faits barbants à peine liés entre eux, boursouflés de détails techniques sans intérêt… Mais l’épopée de Gengis Khan nous plonge au cœur du drame, nous attache à ses personnages. On croit en Temüdjin parce qu’on vit avec lui les trahisons et les épreuves cruelles qu’il traverse, on ressent son espoir de survie et son désir de vengeance grâce à la minutie et au talent de l’auteur qui prend son temps pour installer tout ça tranquillement mais nous piège dans son intrigue.
Il y a effectivement un peu de l’âme de Gemmell dans le roman (d’autant plus que ce dernier s’était bien inspiré des mongols pour décrire les peuples Nadir du monde de Drenaï), Iggulden a la même manière de rester collé très près de ses personnages, de nous attacher à leur humanité et leur caractère pour voir la fresque épique dont ils sont les acteurs par leur prisme. Le loup des plaines est le début de ce qui s’annonce comme une série passionnante, j’ai vraiment hâte de découvrir la suite ainsi que les autres séries de l’auteur.
Sinon, quelqu’un est chaud pour éditer Wars of the roses ? Non ? Personne ? Bordel…
Lire aussi l’avis de : Naboulet (Brève de comptoir)