Je suis devenu un habitué de la manœuvre : Je passe à côté d’un bouquin que tout le monde adore et je m’y mets que quand la suite sort, c’est l’art du décalage avec l’actu, ça se travaille. D’ailleurs Nabil Ouali tu perds rien pour attendre… Mais en attendant, penchons-nous plutôt sur Fabien Cerutti et son Bâtard de Kosigan.
L’ombre du pouvoir est le premier livre de cette saga dont le tome 2 vient de sortir, vous l’aurez compris. Il se présente sous la forme d’un journal tenu par le fameux Bâtard Pierre Cordwain de Kosigan, fils illégitime en exil d’une grande famille, chef d’une troupe de mercenaires, séducteur à la demande et comploteur maladif. Quand il se retrouve à participer à un tournoi organisé à Troyes en 1339, il n’y a pas de doute, il prépare quelque-chose. Lors de ce tournoi, français et bourguignons s’affronteront pour savoir qui pourra s’allier à la Champagne indépendante en prenant pour épouse la fille de la comtesse du coin. Derrière ces manœuvres politiques, Kosigan va placer ses pions et manœuvrer tous les camps en même temps pour parvenir à son but.
But qui, pour le lecteur, restera un mystère tout le long de l’histoire, et c’est un des premiers points forts du roman. Le suspense derrière les manigances du protagoniste tient le lecteur en haleine et ses coups fourrés seront d’autant plus percutant qu’on se demande jusqu’au bout où est-ce qu’il peut bien aller comme ça. Les chapitres de cette histoire sont mis en parallèle avec la correspondance d’un descendant de Pierre vivant à la fin du XIXe siècle. Malheureusement, ces chapitres, même s’ils sont très courts, peinent à captiver le lecteur autant que les aventures de son aïeul car il ne s’y passe vraiment pas grand chose jusqu’à la toute fin, qui elle-même ne répond pas à grand-chose concernant ce personnage.
Dit comme ça, on dirait un pur roman historique mais c’est sans compter sur tout le background fantasy qui vient décorer ce moyen-âge déjà très bien décrit et documenté. Fabien Cerutti profite de la précision de son univers pour y incorporer toute une surcouche purement fantasy : Les peuples d’elfes, nains, orcs et compagnie font partie de l’univers politique mais sont persécutés par l’église dans tous les coins. La magie est en voie d’extinction et les survivants de ces races doivent se convertir au christianisme ou fuir, sous peine d’être pourchassés par l’inquisition. Un peu comme la vraie Histoire quoi, mais avec un peu plus de féérie… Ou alors peut-être que ça s’est vraiment passé comme ça, qui sait ?
Pourtant, l’intervention de la fantasy dans l’histoire principale reste relativement discrète et bien amenée, un petit sortilège qui passe sous le manteau, un elfe dans un coin, et surtout un héros qui, de manière inexpliquée, guérit super-vite. Sa résistance et sa capacité de guérison lui permettent de se mettre en danger de manière particulièrement inconsidérée, c’est méga-bad-ass. Mais sire bâtard reste quand même un personnage mémorable, énigmatique, impertinent, intrépide, manipulateur, tricheur. Les seuls en qui il a confiance sont ses hommes qui suivent ses ordres dans l’ombre pendant qu’il se promène devant la foule et participe aux joutes.
Toute l’action se déroule seulement sur quelques jours autour de ce tournoi, la « presqu’unité » de lieu et de temps ajoute encore à la tension, l’heure tourne et le plan de Kosigan a une fenêtre de tir très restreinte. Le lecteur tourne fiévreusement les pages (ou appuie sur le pitit bouton de sa liseuse, dans mon cas, mais ça fait moins classe) pour savoir comment il va pouvoir s’en sortir parce qu’évidemment, les obstacles et imprévus seront nombreux, et dangereux, et souvent pointus. Le mélange action-intrigue est extrêmement bien dosé à mon goût, ni trop décérébré ni trop complexe, pile comme il faut, bravo monsieur Cerutti.
Comme cette aventure se déroule en grande partie lors du tournoi, les joutes et les combats au sol prennent une part importante de l’action. Les différentes disciplines sont expliquées en détail et les stratégies se mettent en place. Les tensions et les alliances entre les différents concurrents sont passionnantes à suivre et suffiraient presque à faire une excellente aventure à elles seules, alors imaginez bien que combinées à un background passionnant, à une intrigue de fond solide et au suspense réellement bien mené qui entoure le tout, ce bouquin est une vraie réussite. La petite déception concernant les passages sur le descendant de Pierre amène un petit syndrome « Assassin’s Creed » : on lâche complètement la méta-histoire pour rester collé à l’aventure moyenâgeuse qui se suffit quasiment à elle-même. J’espère que cet aspect trouvera son intérêt revalorisé dans la suite.
Livre de fantasy historique dans un moyen-âge fictif mais très crédible, Le Bâtard de Kosigan : L’ombre du pouvoir est un premier roman rythmé et riche. On est captivés par ce background et ce personnage énigmatique qui n’a pas fini de nous faire tourner en bourrique. Et paf, j’enchaine sur la suite. J’suis chaud.
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