Avant de devenir la mascotte des interviews « La société elle a que des problèmes/Les rézosocio c’est caca », Alain Damasio avait créé une œuvre immense qui a marqué bon nombre de lecteurs : La horde du contrevent. Il y a deux ans (déjà), Eric Henninot a surpris tout le monde en adaptant cette histoire magistrale dans une BD exceptionnelle, et le voilà donc qui revient pour un tome 2 !
On avait laissé notre 34e horde amputée d’un de ses membres clés. Ils continuent pourtant le contre, poussés par un infatigable Golgoth, jusqu’à ce qu’ils croisent le chemin du Physalis, un vaisseau fréole qui pourrait leur offrir une pause bienvenue dans leur périple. Mais les tensions internes au groupe restent tenaces, et le doute s’installe dans l’esprit de Sov qui se méfie des nouveaux arrivants. Quel est le but véritable de ces nomades volants ? Quelque chose ne colle pas.
Encore une fois, j’ai été scotché par la qualité de cette bande dessinée. En tant qu’adaptation, Eric Henninot continue de faire ses aménagements et de se réapproprier l’histoire de Damasio pour en livrer un tout cohérent parfaitement calibré pour son format (et abordable pour qui ne connait pas le roman). Mais il garde l’essentiel, l’esprit, l’ambiance. Et visuellement on en prend plein la gueule, on découvre toujours avec plaisir ces grandes étendues que le vent à modelées, désertique tout d’abord puis le chemin nous dévoile des zones plus « vivantes », où la nature subsiste, se tord et s’adapte. La colorisation de Gaétan Georges est toujours nickel, tout en sobriété et llégèreté. J’ai toujours quelques petits soucis de lisibilité graphique entre les personnages mais ça s’estompe au fur et à mesure. Mon seul gros couac de lecture a été juste après le « jeu des torches » où j’ai eu un vrai problème de lisibilité de l’action pour suivre ce qui se passait.
Mais ce n’est rien comparé à la puissance du récit qui, tout d’abord, fait la part belle à Erg, le protecteur nous offre plusieurs scènes grandioses où ses talents se dévoilent. Plus globalement, j’ai constaté une gestion du rythme exemplaire, l’auteur arrive à faire monter la tension tout en prenant son temps. Les menaces s’esquissent, s’annoncent, s’effacent puis nous explosent à la gueule. On nous prépare aussi tout doucement à affronter la flaque de Lapsane avec les hordiers, on fait monter la mayonnaise, pousse le tensiomètre à fond les ballons, tout ça prend de l’ampleur, décolle vers l’épique. Les disputes au sein du groupe forgent les personnalités, chacun a ses raisons qui collent à son tempérament, et la diplomatie innée du Golgoth va pas arranger tout ça.
Ce tome 2 arrive aussi à nous dresser un petit worldbuilding des familles grâce à la petite touche de politique qui s’invite dans l’histoire. On apprend que trois factions vivent en équilibre, mais que toutes n’ont pas forcément envie que la quête de l’extrême-amont aboutisse. Cette tradition un peu absurde est remise en question, pourquoi faire ça à pied ? A quoi bon passer votre vie à souffrir ? Prenez un billet d’avion, ça sera quand même plus reposant, vous aurez p’t-être même du champagne.
Je lis très peu de BD aujourd’hui, mais La horde du contrevent a rejoint le club très restreint des séries que je suis, aux cotés de Servitude, Jazz Maynard et Les vieux fourneaux. C’est bon, très bon. Vivement le tome 3.
BD reçue à l’occasion d’une opération Masse Critique sur le site Babelio.com, merci à eux et à l’éditeur Delcourt.
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Ah ouais, au niveau de « Jazz Maynard » et « Les vieux fourneaux » vraiment, rien que ça ? Il faudra que je me lance alors, puisque ça n’a pas l’air d’une réussite éphémère. En espérant que ça se poursuive aussi bien.
Je n’en suis pas encore à le placer si haut quand même, on va voir sur la durée.