Le héraut de la tempête est le premier tome d’une nouvelle série éditée chez Bragelonne, Havrefer. Il raconte à travers une galerie de personnages variés le destin de la ville éponyme, une cité portuaire immense, carrefour culturel rongé par la pègre et la corruption.
Ce qui a attisé ma curiosité dans la présentation du bouquin, c’est précisément cette phrase : « lorsqu’on lui demande de résumer en quelques mots son œuvre, Ford présente Havrefer comme la rencontre de Légende et Sur écoute (The Wire) ». En voilà un parallèle acrobatique et intriguant ! Pour légende, j’ai pas trop vu de lien à part le personnage de « grosse baraque blasée soldat sur le retour », mais pour The Wire oui, on retrouve effectivement des similitudes, malheureusement la comparaison n’est pas vraiment à l’avantage de Richard Ford et loin s’en faut.
En effet, il se trouve que le livre explore les méandres de la pègre d’une grande cité, et peut se rapprocher de films ou séries décrivant les dessous de milieu mafieux. La Guilde règne sur la cité, rien ne se fait sans son accord même chez les voleurs et assassins et on va suivre plusieurs histoires parallèles dans ce cadre-là. Il est clairement une transposition fantasy de pas mal d’univers propres au polar et au films de gansgters, un poil de Scorcese, un soupçon de serial-killer, et oui, un bon gros bloc de The Wire car on va suivre une galerie de protagonistes des deux côtés de la loi, que ce soit les voleurs, les assassins, les gardes de la cité (les manteaux verts) ou même la royauté.
Les différents points de vue s’alternent, on va suivre plusieurs trames simultanées qui ne vont se croiser que de temps en temps. Malheureusement je n’ai accroché à aucune des multiples aventures que nous suivons, la faute à des personnages vraiment archétypaux qui n’arrivent jamais vraiment à se transformer en vraie personnalité. On va croiser la petite orpheline qui vit dans la rue et va essayer de faire ses armes dans la pègre, la princesse qui ne veut pas de cet odieux mariage arrangé que les méchants adultes veulent lui imposer, la guerrière pleine de grands principes qui va infiltrer la guilde pour remonter jusqu’à sa tête et la démanteler, l’assassin qui va se rendre compte qu’assassiner c’est pas très bien, etc…
J’ai franchement trouvé que tous ces héros n’arrivaient jamais à se détacher du cliché duquel ils avaient été gentiment démoulé par monsieur Ford, ils n’ont pas pris corps dans mon imagination et par-dessus tout, ils ne servent pas à grand chose. L’histoire globale du bouquin se déroule sous leurs yeux mais ils se contentent d’y assister, j’ai eu l’impression constante qu’ils ne sont que spectateur, autant que nous, et n’influent jamais vraiment sur le cours des évènements. Prenons Waylian Grimm par exemple, cet élève de l’école des mages qui va suivre sa prof tandis qu’elle enquête sur des meurtre horribles perpétrés par un mage noir, il va se contenter de suivre cette dernière et de vomir à chaque scène de crime bien gore découverte (il ne manque que david caruso et ses lunettes) pour finir en trouvant le meurtrier par hasard.
Je suis peut-être légèrement de mauvaise foi, c’est pas totalement vrai parce que chacun finit par avoir son action déterminante à un moment ou à un autre, mais c’est tellement éparpillé (et parfois complètement involontaire) que ça reste anecdotique. De plus, le rythme assez plat n’aide pas vraiment, la structure très découpée du livre coupe chaque action qui pourrait faire monter la tension générale, et comme on a pas mal de personnages, parfois on en perd un de vue et on ne le revoit plus avant un bon moment. On finit par avoir une aventure qui se lit bien mais n’a aucun gros moment fort, c’est plat, ça ronronne gentiment de bout en bout…
Non, j’ai l’air de descendre le bouquin comme ça, mais il se lit assez bien, le style est simple et fluide, contient quelques touches d’humour par-ci par-là, ça reste une lecture agréable mais elle ne marque jamais, ne laissera aucune trace de son passage. Cette exploration de la pègre dans une cité médiévale partait d’une idée très intéressante mais il aurait fallu vraiment faire plus que transposer un univers et regarder des mafieux se taper dessus, j’aurais aimé avoir de vrais personnages forts, une vraie personnalité dans l’univers, mais tout ça reste malheureusement très convenu et ne décolle jamais vraiment.
Lire aussi l’avis de : Gillossen (elbakin.net), Nicolas Soffray (Yozone), Herbefol
je n’ai pas lu ce livre encore, j’attende qu’il sorte en bibliothèque… as-tu lu Princes de la pègre de Douglas Hullick? ou les Salauds Gentilshommes de Scott Lynch? Est-ce comparable?
Je ne connais pas douglas hullick, mais j’ai lu les scott lynch oui (j’en parle ici : https://ours-inculte.fr/la-republique-des-voleurs/ )
On peut effectivement rapprocher ça du premier des salauds gentilshommes par certains côtés, mais en pas très réussi…