Bon, comme j’ai la flemme de faire une critique par tome, on va parler de l’ensemble de la trilogie, d’autant plus qu’elle est assez constante donc j’aurai un peu l’impression de me répéter à chaque fois. Et maintenant vous vous dites que ça serait sympa que je précise de quoi je parle exactement, au lieu de discuter avec moi-même, non ? Oui, pas bête… Et bien je parle de la trilogie de l’empire brisé de Mark Lawrence, composée du Prince écorché, du roi écorché et enfin de l’empereur écorché, tous parus chez Bragelonne entre 2012 et 2014.
La série suit les aventures de Jorg Ancrath, prince d’un des 100 royaumes de l’empire brisé reconverti en bandit de grand chemin après avoir assisté à la mort de son frère et de sa mère. Après cet évènement aussi traumatisant physiquement que mentalement, Jorg est en effet devenu froid, plein de rage et de rancœur contre tout le monde, son père en tête de liste, il va donc s’enfuir en libérant une bande de dangereux brigands et devenir l’un des leurs, et il a même pas 10 ans, ça promet… Jorg, accompagné de ses frères de route, s’est juré de devenir empereur et de réunir les 100 nations qui se déchirent depuis des décennies. Oui, rien que ça, il fait pas les choses à moitié.
La particularité de cette série est avant tout son héros, ou pour le coup son anti-héros, parce que Jorg est un enfoiré fini, calculateur, cruel et déterminé. Un peu fou aussi, parfois… Ou souvent… Tout le temps en fait, c’est un malade, point. Il n’hésite pas à tuer de sang froid des innocents, pauvres passants ou même ses camarades brigands s’ils se mettent en travers de son chemin car Jorg joue à un jeu de pouvoir qu’il n’a pas l’intention de perdre, il déplace ses pions et ne reculera devant rien pour atteindre son but. La série suit ce personnage pendant plusieurs années et on va le voir évoluer à travers la fin de son enfance, toute son adolescence et le début de sa vie d’adulte et malgré la cruauté de ses actes je suis quand même arrivé à m’attacher à ce personnage grâce à sa force, son obstination et sa psychologie qui évolue sans jamais se renier.
Son caractère du début est en effet très enfantin, on est clairement face à un gamin vraiment perturbé mais qui reste un gamin avant tout, et on va le suivre pendant qu’il va découvrir le monde, explorer les royaumes qu’il compte conquérir dans le sang et le feu, et il va grandir et s’épanouir là-dedans. Il y a quelque chose de très brut et violent à la lecture de ces livres, quand l’enfant se déchaine dans des tueries perdues d’avance mais en ressort vainqueur, plein de sang et le sourire au lèvres, on se demande si ça tient de la chance ou du génie, ou quelque part entre les deux. Jorg part donc conquérir le monde un cadavre après l’autre, il va raser des villes, affronter des armées entières, des nécromanciens, des fantômes, des créatures de feu, et il n’en fera toujours qu’à sa tête, se braquant dès que quelqu’un voudra le manipuler ou le pousser dans une direction. C’est un enfant, qu’on vous dit !
L’univers dans lequel il évolue est aussi vraiment intéressant, les 100 royaumes sont une relecture de l’Europe médiévale, la carte figurant en début de livre nous y renvoie directement et on reconnait clairement la géographie. On a des châteaux, des rois, des chevaliers, des pauvres paysans qui crèvent la dalle mais au fur et à mesure qu’on va voyager avec notre héros et ses compagnons, on va découvrir une dimension assez surprenante et bienvenue dont je ne livrerai rien ici mais sachez qu’on est face à un peu plus qu’un univers fantasy pur et dur, ce monde a un passé assez trouble et vraiment moche.
J’ai parlé jusqu’à présent que de Jorg mais les personnages secondaires sont aussi bien définis et ont un caractère bien trempés, Makin, Ric, Kent, toute la bande de voleurs, ainsi que tous ceux qui gravitent autour, sans oublier les dames qui ont pas mal de caractère, Katherine, Miéna ou encore Chella. La construction de tout ce petit monde se fait souvent grâce à des dialogues finement ciselés, tranchants, drôles et efficaces. L’humour (noir, forcément) est une composante forte de la série, l’auteur joue à merveille avec l’ironie, l’audace, le rentre-dedans coloré et nous arrache des sourires assez régulièrement malgré la cruauté de son monde.
Le seul défaut que j’ai vraiment trouvé à l’empire brisé est sa construction, surtout dans les deux derniers tomes. Je me perdais assez souvent parce que Mark Lawrence nous raconte chaque fois deux époques différentes en les alternant par un système de flashbacks mais ça reste très confus, il s’amuse à couper au milieu de l’action pour changer d’époque et on se retrouve au cœur de la trame qu’on avait laissé plus tôt mais ça demande une gymnastique pas évidente pour retrouver ses petits à chaque transition, il faut constamment se creuser la tête pour se rappeler où on en est et pourquoi on va là-bas. Les coupures sont brutales, souvent inattendues et parfois frustrantes, d’autres auteurs font ça beaucoup mieux.
Malgré ce défaut, je conseille la lecture de cette série aux amateurs de fantasy sombre et sanglante, son univers original et la force de ses personnages sont vraiment enthousiasmants même si les maladresses de construction pourront gâcher un peu la fête. Pour info, on trouvait l’intégrale en numérique à pas cher en novembre, et même si la promo devait s’arrêter au début du mois, je constate qu’elle traîne toujours sur les stores (mais foncez, ça devrait pas durer).