Après deux premières aventures qui mélangent thriller et films d’action testostéronés, Des gages pour l’enfer est la troisième aventure de Jack Reacher, le héros créé par Lee Child dans les années 90. Oui, sur les 5 premiers romans, l’éditeur français Ramsay a vraiment sorti des titres tout kitsch, il faut bien le reconnaitre.
Ancien militaire à la retraite, Jack Reacher continue sa vie d’errance sans attache, et finit dans les Keys de Floride à creuser des piscines et faire le videur (Notre héros a la carrure qu’il faut pour ces métiers, contrairement au minuscule Tom Cruise des adaptations cinéma, j’dis ça, j’dis rien…). Alors qu’il se rafraichit tranquillement à la terrasse d’un bistrot, il est accosté par un détective privé qui le cherche, mais dans un réflexe d’autruche, Reacher lui répond « nop, connait pas ce monsieur ». Quelques jours plus tard, le fouineur est retrouvé mort dans un coin de rue, Jack va devoir sortir de sa petite vie planquée pour savoir ce que lui voulait le bonhomme et pour qui il bossait.
Tripwire (le titre VO, quand même plus classe) balance son protagoniste dans une sombre histoire, entre les bureaux du World Trade Center et la jungle du Vietnam. Après une enquête criminelle dans la campagne ambiance Fargo (Du fond de l’abîme) et un trip Rambo chez les milices indépendantistes américaines (Les caves de la maison blanche), ce troisième tome des aventures de Reacher explore le thème éculé des traumatismes de la guerre du Vietnam pour les ricains. L’ancien militaire va se lancer sur les traces d’un soldat disparu mais que le gouvernement n’a jamais déclaré officiellement comme une victime du conflit. Bien sûr, tout ça cache un complot tordu qui va mettre en danger tout le monde, y compris Jodie Jacob, vieux béguin de Reacher qui ressurgit dans sa vie à l’occasion.
Lee Child réussit toujours sa recette gagnante, le livre fleure bon les années 90 et file à toute allure. Les révélations s’enchainent et Reacher navigue à l’instinct dans tout ce bordel, face à un ennemi malin et cruel. On note une petite évolution dans le personnage qui fait bien plaisir, Jack commence à se poser des questions sur son mode de vie et la situation va le mettre face à des choix qu’il préférait jusque là ignorer. Face à lui, on a évidemment le personnage féminin qui va faire chavirer le petit cœur tendre du héros. La relation entre Jack et Jodie est très bien amenée, la jeune femme sait se débrouiller dans cette affaire mais on a quand même toujours une conception old-school de la femme à protéger qui revient systématiquement dans la série. Espérons qu’en continuant dans ce nouveau millénaire, l’auteur aura su actualiser ses schémas pour les tomes suivants (celui-ci est sorti en 1999, on lui pardonnera pour le moment).
Ce troisième roman arrive à parler du traumatisme des disparus à la guerre sans vraiment se noyer dans les clichés. Certes on en retrouve certains (les parents du soldat disparu qui remuent ciel et terre pour savoir ce qui est arrivé à leur petiot) mais il développe assez ses personnages et sa trame pour que ça passe bien. Rétrospectivement, le livre arrive à montrer le foutoir dans lequel a fini le pays après le conflit en Asie, le cauchemar qu’a été le retour au pays et la recherche des disparus. On a certes déjà vu ça mais faut avouer que ça fonctionne toujours aussi bien. J’ai pas pu m’empêcher de trouver le héros plus passif dans cet épisode, à part dans le dernier acte (explosif, évidemment), Reacher est assez passif et va se contenter de trainer son énorme carcasse d’indice en indice en faisant le malin. C’est dans son dos que va se dérouler une grosse partie de l’intrigue avec Hook Hobie et le couple Stone qui s’en prend plein la gueule. L’équilibre était beaucoup mieux géré dans les deux romans précédents, c’est un peu dommage.
Encore une fois, comme Des gages pour l’enfer est difficile à trouver (ou cher, au choix), j’ai écouté la version audio VO lue par Jonhathan McClain, toujours très bon dans l’exercice. La série continue avec Running Blind, j’ai hâte de voir comment elle évolue à travers deux décennies parce que le bougre pond un bouquin par an depuis 1997, j’en ai donc 17 de retard…
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