Après quatre romans, Jack Reacher c’est devenu mon plaisir (pas) coupable un peu décérébré, que je consomme en VO et en audio. Les aventures rocambolesques du colosse ancien militaire, c’est un peu mon film d’action du dimanche, mais dans les oreilles. Mais bon, parfois, la frontière est floue entre le décérébré qui détend et le résolument débile.
Dans Echo Burning (Carmen à mort en français, pour continuer dans la tradition des titres pourris), Jack Reacher se promène sur le bord de la route et fait du stop, se faisant pas trop d’illusion sur ses chances. Mais contre toute attente, une femme s’arrête et accepte de le conduire. Très vite, il se rend compte que Carmen, la conductrice en question, ne l’a pas tout à fait embarqué par hasard. Voilà des heures qu’elle roule à la recherche d’un mec dans le genre de Reacher pour trouver de l’aide. Elle a une petite fille, un mari qui la bat et doit sortir de prison dans quelques jours. Si elle ne se débarrasse pas de lui, il la tuera sûrement. Toujours prêt à aider, mais pas jusqu’à commettre un meurtre, Reacher va plonger dans les affaires d’une famille de bons rednecks du Texas, sous une chaleur écrasante.
Bien sûr, Jack Reacher reste fidèle à lui-même, il est très très sûr de lui, marche sur les orteils de tout le monde sans se gêner, et veut démêler le vrai du faux dans toute cette histoire. Très vite il va se retrouver au milieu de mensonges dans tous les sens, ne sachant plus qui le prend pour une bille. Et quand les avocats s’en mêlent, et qu’un groupe d’assassins commence à trainer dans le coin, on se dit qu’il aurait peut-être mieux fait d’acheter un vélo. Le truc, c’est que le domaine d’expertise de Jack c’est la baston, les armes, les enquêtes un peu musclées. Mais quand il se retrouve dans une histoire plus judiciaire que bourrine, il a l’air d’un éléphant dans une maison de poupée, il dit plein de conneries au pif, et pourtant il garde son assurance et son « flair ». Et je dois avouer qu’il apparait, dans ce cadre-là, plus débile que malin.
Mais je me demande si ce bouquin est vraiment plus mauvais que les précédents ou si je suis devenu moins bon public depuis ma lecture du tome 4. Ce héros m’est apparu vraiment très léger dans beaucoup de situations, à user et abuser de son « instinct » pour croire ou ne pas croire tel ou tel personnage, pour rentrer dans le lard d’un autre, sans aucune vraie preuve tangible. « Mon instinct me dit qu’elle dit la vérité, ça se voit sur son visage, et lui il a l’air d’un con, alors ça doit être le méchant ». Mais le pire c’est qu’on est de son point de vue, mais il ne sert finalement pas à grand chose, à part aller d’un côté ou de l’autre pour remuer la merde sans savoir où il met les pieds.
Reacher a toujours eu un côté un peu arriéré avec les femmes, dans le genre Actionner des années 80 avec la femme à sauver, ça pouvait être un peu rigolo-désuet mais l’histoire avec Jody avait nuancé tout ça. Là on fait un énorme bond en arrière avec Carmen, qui oscille entre la demoiselle en détresse et la menteuse manipulatrice (on sait pas trop, jusqu’à la fin). Y’a eu plusieurs moments où c’était quand même un peu limite dans les archétypes féminins un peu débiles. Pourtant il essaye d’aborder le thème des violences conjugales, c’est juste qu’il le fait avec la subtilité d’un porte-avion.
Mais le clou du spectacle n’importe quoi c’est quand même la méthode de déduction toute personnelle qu’utilise le héros pendant toute l’histoire. Quand il cherche un disparu et déclare « allez vers le nord, sur 1 ou 2 km, e fouillez le côté droit de la route, vous trouverez le cadavre ». « Mais comment avez-vous su ? ». « Si j’étais eux, c’est comme ça que j’aurai fait ». Et il fait ça plusieurs fois, y compris quand il part complètement au pif pour sauver un personnage en détresse, se fiant seulement à ses tripes pour savoir où sont les méchants. Et c’est la même chose en pleine fusillade qui se transforme en jeu de devinette temps réel : « Si j’étais un tueur, j’irai à droite et je me planquerai », « mais si j’étais vraiment bon, je saurais que celui-d’en face supposerait que je ferais ça, donc je vais faire l’inverse », « mais si j’étais vraiment vraiment bon, je saurais que celui d’en face saurait que je supposerait qu’il saurait… ». Ah mais putain, Jack, c’est quoi ça ? Tais-toi et tire, merde ! Tout le bouquin, la méthode de Reacher c’est de deviner, il devine qui sont les méchants, il devine où ils sont, il devine où sont les indices.
Vous l’aurez compris, Echo Burning est une lecture assez horripilante si on a un cerveau un peu logique, le héros colossal apparait plus comme un gland prétentieux que comme le héros d’action qu’on attend. J’espère que c’était simplement une petite erreur de parcours dans la série.
Dommage, sacrée belle couverture !
Ou alors il faut voir ça comme un bouquin SFFF où Jack Reacher a des dons de télépathie ou de prémonition ou je ne sais quoi. Encore de l’imaginaire caché ailleurs !
Encore un scandale ! Ils ont obligé l’auteur a gommer toute mention surnaturelle de son œuvre
Comme le disait jadis un de mes philosophes préférés, Tuco Ramirez, « Quand on tire, on raconte pas sa vie ! ».
J’avoue, j’ai du chercher d’où ça vient, je suis pas trop amateur de spaghettis 😀
Il y a quasiment la même dans Piège de cristal, il me semble.