Après un Royaume de vent et de colères surprenant, Jean-Laurent Del Socorro revient pour un second roman, toujours édité par ActuSF mais cette fois sous le label Bad Wolf (qui a l’air d’être devenu le truc où l’éditeur fout tout ce qui touche de près ou de loin à la fantasy, du coup). L’auteur trempe toujours dans l’historique en nous contant cette fois le destin de Boudicca, reine celte insurgée qui résista à l’envahisseur romain au premier siècle de notre ère.
Boudicca est ainsi présenté comme une « Biographie historique et onirique » de ce personnage fort. On suivra la femme de sa naissance à sa mort dans une vie qui ne fut pas de tout repos. La dame est reine des Icènes, une tribu celte de l’île de Bretagne, à l’époque où les légions romaines traversent la Manche parce qu’envahir des trucs c’était un peu leur petit plaisir à eux. Notre héroïne sera donc confrontée à cet envahisseur sur à peu près toute sa vie, mais pas toujours en guerre ouverte, on assiste à des négociations, des accords, des compromis. Si la quatrième de couverture pourrait laisser penser au lecteur qu’il va vivre un Braveheart au féminin avec 13 siècles d’avance, il n’en est rien. On s’attarde à peine sur les grandes batailles et les combats, le livre n’est pas vraiment guerrier ni épique, on se concentre plutôt sur la vie de la femme, de son éducation d’enfant à son rôle d’épouse et de mère, à ses relations d’amitié, d’amour. Boudicca est une femme complexe rongée par le doute et la colère, frustrée par son incapacité à exprimer ce qu’elle a sur le cœur.
Pour une femme dont le rôle va avoir de l’impact sur tout son peuple, le livre prend le parti de rester toujours très proche de son protagoniste, de se focaliser sur la personne. On verra surtout son entourage immédiat et ses préoccupations très humaines. Autour d’elle gravite ainsi un entourage riche et très plaisant à découvrir. Du druide Prydain qui va faire son éducation à ses filles ou son amante, Jean-Laurent Del Socorro tisse des relations complexes et satisfaisantes pour le lecteur. On retrouve dans ce deuxième bouquin une caractéristique qui frappaient déjà sur Royaume de vent et de colères : Le roman est très court (240 pages bien aérées) et ne perd jamais de temps, les pages filent à toute allure. On a une écriture chirurgicale qui va à l’essentiel et vire tout le gras du bestiau. Il arrive pourtant à présenter un univers prenant et immersif, à donner les repères et la profondeur à son histoire pour qu’on se sente vraiment chez les peuplades celtes. On a la spiritualité, on a la culture guerrière, on a la politique, et on a ce côté inéluctable des civilisations qui se perdent et s’absorbent.
Je saurai pas vous dire précisément ce qui relève de la fiction et ce qui relève de la réalité historique là-dedans, mais le seul petit bémol que je vois est que la trame de l’histoire ne révèle aucune surprise pour le lecteur. On voit tout venir et c’est relativement « classique » dans le déroulement des évènements. Bon, si c’est la biographie de Boudicca, on va pas rajouter une invasion extra-terrestre ou des dimensions parallèles non plus… Mais cette volonté de faire court et de viser l’épuré laisse peu de place à la richesse scénaristique. C’est certainement une volonté de l’écrivain et devant toutes les autres qualités de son roman, on va pas le lui reprocher plus que ça.
Au final on a un roman prenant, vif et très réussi sur le destin d’une femme d’exception, une femme forte et complexe au destin marquant. Elle a du caractère, du cœur, et on s’immerge complètement dans ce monde celte qui voit ses traditions disparaitre. Boudicca est une réussite. Et petite cerise sur le gâteau, cette couverture sublime de Yana Moskaluk nous emballe tout ça de fort belle manière.
Lire aussi l’avis de : Samuel Ziterman (Lecture 42), Gromovar (Quoi de neuf sur ma pile ?), Amarüel (Les tribulations d’Amarüel),
Vous pouvez acheter le livre sur le site d’ActuSF ou en numérique avec le pitit bouton 7switch : Acheter
Si vous voulez prolonger la découverte de ce personnage en fiction, la série La reine celte de Manda Scott et aussi une lecture tout à fait recommandable (qu’il faut toujours que je termine, d’ailleurs) !
Je vais le lire tout bientôt. J’avais vraiment beaucoup aimé Royaume de vent et de colère, qui a une construction à la fois originale et très bien faite, et des personnages très attachants. Superbe chronique en tout cas 🙂
Merci ! Et bonne lecture 🙂
Il me tente terriblement, le bougre ! Et avec ce que tu en dis, il a de très fortes chances de me plaire… fiou !
Alors fonce !
Merci pour ton avis, on vient tout juste de le recevoir de notre côté 😀 (et je plussoie pour la tétralogie de Manda Scott !)
Ça serait un comble que Boudicca ne plaise pas à Boudicca quand même…
N’est ce pas ?! 😉
La thématique m’intéresse beaucoup. J’avais bien aimé lire Royaume de vents et de colères, mais je n’en garde pas un souvenir mémorable non plus. Je pense que j’attendrais une promo en numérique 🙂
Les promos numériques mettent pas très longtemps à arriver chez eux, ça devrait aller
Bon ben hâte de le lire du coup!
Tu as parfaitement résumé les forces de ce livre. Il est court, dense et précis !
C’est une belle réussite.
Il me tentait déjà à sa sortie, force est de constater que tu ne fais qu’aggraver les choses ! Même le petit bémol (si l’on peut dire) que tu notes ne saurait me faire peur : cette femme m’a toujours fascinée 🙂
Bon bon bon, comment résister ? Ben je ne peux pas !
Sur un thème similaires mais dans un style un peu différent, il y’a la trilogie Age of Iron d’Angus Watson, vraiment à conseiller !
Toujours une bonne critique, au demeurant.
Merci beaucoup, je note la recommandation 🙂