L’an dernier, le premier tome de Blackwing avait déboulé chez Bragelonne avec son ton « grimdark » bien prononcé, son héros alcoolo et sa Désolation qui pue. En 2019, Ed McDonald revient avec Le cri du corbeau, son tome 2. Plus de morts, plus de gnôle, plus de fanatiques religieux, on va bien rigoler !
Quatre ans ont passé depuis le siège de Valengrad, Ryhalt Galharrow et ses ailes noires ont prospéré mais ça ne l’empêche pas de boire comme un trou quand même. Faut bien s’occuper. Pourtant, en début de roman, une série d’évènements va secouer la cité. Les apparitions répétées d’une silhouette féminine dans le réseau de Phos vont faire naitre un nouveau culte qui vénère cette Dame de lumière, le caveau de Corbac est profané, un contact de Ryhalt est descendu sous ses yeux par un homme censé être mort, la ville est frappé par des bombardements magiques qui vont faire des centaines de victimes. Y’a beaucoup de choses à digérer !
Le début du roman prend son temps pour resituer tout ça (merci le résumé du premier tome) et introduire la nouvelle situation des Ailes noires, les nouveaux personnages dans l’entourage de Galharrow, et présenter ces différentes trames scénaristiques qui vont se mêler les unes aux autres. L’auteur arrive merveilleusement bien à équilibrer sa narration pour ne pas nous perdre malgré la densité de son scénario, même s’il faut faire un petit effort pour suivre. Et puis à un moment (évidemment), tout se rejoint dans une seconde moitié bien épique qui sera difficile à lâcher. On a droit à quelques combats jouissifs (la séquence « Robocop » est tellement cool), et à de superbes moments de tension dramatique et de désespoir, où tout poussera notre héros à abandonner. Sa « traversée du désert » est extrêmement bien gérée, on sent son hésitation à laisser tomber, mais le bonhomme a quelques raisons de s’accrocher, il oscille entre l’abandon et ce petit sursaut de courage/folie pour avancer encore un peu.
Le premier tome m’avait plu sur beaucoup de points mais j’avais quand même eu du mal à adhérer à ce protagoniste désabusé et alcoolique. Là, Ed McDonald a très bien corrigé ce petit défaut en donnant juste ce qu’il faut d’humanité à Ryhalt pour me toucher enfin, sans toutefois renier sa blasitude et son taux d’alcoolémie. Cette réussite repose à la fois sur ce qui s’est passé en fin de premier tome avec Ezabeth qui le hante encore, et aussi sur les personnages secondaires : Amaira (une enfant adoptée), Valiya, Nenn et Tnota. Globalement on sent que Galharrow est plus attaché à son entourage que dans le premier tome, et ça donne une accroche beaucoup plus efficace à cette histoire narrée à la première personne. Ils vont lui donner un but et une motivation, c’est le moteur qui va pousser le héros et entrainer le lecteur avec lui.
Cette fois-ci, c’est clairement la question religieuse qui va être le centre thématique du roman. Ce culte de la Dame lumineuse renverse l’équilibre des forces à l’intérieur de la cité, et l’auteur montre sa progression, la foi entretenue par certains qui vendent du rêve aux adeptes. Pourtant ce n’est pas la foi qui est critiquée mais son détournement par des petits enfoirée manipulateurs, comme souvent. Mais contrairement à d’autres religions, celle-ci ne repose pas juste sur du baratin dans un vieux bouquin. Les gens voient effectivement des apparitions, le nombre de témoignages est suffisant pour qu’aucun doute ne reste. Mais c’est dans le « pourquoi » et le « comment » que vont se glisser les petits boniments.
Blackwing a une identité propre grâce à son univers de fantasy apocalyptique très dark qui va titiller l’horreur à plusieurs reprises. Mais là où d’autres vont utiliser ça pour écraser les protagonistes dans un fatalisme à se tirer des balles, Galharrow a maintenant assez de cœur et de motivation pour garder la lueur de positif qui empêche ce second tome de tomber dans le piège du grimdark, pour moi : L’overdose de désespoir et de nihilisme qui me détache complètement de ma lecture (Coucou N.K. Jemisin). Bravo à Ed McDonald pour avoir réussi ce subtil équilibre qui m’a beaucoup plu, qu’on peut retrouver aussi par exemple chez Peter Newman.
Le cri du corbeau est une vraie réussite. Ed McDonald propose une aventure dense et rudement bien construite dans un univers très sombre. Il arrive à corriger le petit défaut du premier tome en ajoutant un peu plus de cœur à son cocktail, une petite dose d’humanité et d’espoir qui pousse son protagoniste aussi bien que son lecteur. Vivement le tome 3 !
Lire aussi l’avis de : Apophis (Le culte d’Apophis),
Et le cri de Jo Corbeau : « Aïoli ! », tu connais ?
Oh la vache, j’avais pas du tout la référence, j’ai du chercher sur Google.
Et pourtant j’suis marseillais.
Moi zaussi ! Qué couincidence !!!!
(merci pour le lien)
Nous sommes d’accord ! Je suis en train de terminer le tome 3 en VO, pour ma part, et il est vraiment très intéressant, notamment dans sa façon de répondre à tout un tas de questions (la nature et l’origine des Sans-Noms, les capitaines des autres Sans-Noms que Corbac, la Dame des vagues, etc). Et niveau sense of wonder, ça envoie du lourd.
Je veux la fin ! 😀
Il est dans ma liste d’achats 🙂 C’est bien de savoir que le tome 2 tient toutes les promesses du premier et même mieux.
Oui, j’ai eu beau chercher, j’ai plus trouvé de quoi râler
j’étais déjà emballée, me voici complétement convaincue!!!
J’aime quand il y a du désespoir, et surtout que le récit est suffisamment équilibré pour le pas sombrer dans un gouffre de solitude et d’anéantissement moral. Cela évite d’avoir quand la situation se redresse, une sensation de Deus ex-machina.
« J’aime le désespoir »
Lutin, 2019
J’adore 😀
LOL!
C’est sûr que dit comme cela…..
Je suis preneur aussi de celui-ci, ayant apprécié le premier.
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