Michael Haller n’a pas la grande forme. Après Le cinquième témoin nous l’avions laissé remonté à bloc, prêt à se présenter au poste de procureur et changer de vie. On le retrouve des mois plus tard, vaincu et méprisé par son ex-femme et sa fille, il ne lui reste que son travail d’avocat pour éviter de sombrer. Mais le passé va lui sauter à la gueule quand il devra défendre un « mac 2.0 » accusé du meurtre d’une de ses filles, Gloria Dayton, que Mickey pensait avoir sorti de là il y a des années.
Dans Les dieux du verdict de Michael Connelly, on retrouve l’équipe de choc du héros qui définit son entourage direct et l’âme de la série : Lorna, Cisco, Bullocks, Earl… Et ces fameuses réunions matinales où l’avocat joue les chefs d’orchestre de tout ce petit monde. Il a toujours ce côté fonceur, sûr de lui, limite arrogant mais terriblement attachant. C’est très plaisant de le retrouver et de voir aussi de nouvelles têtes s’ajouter à la dream team, comme David « Legal » Siegel, mentor à la retraite à qui Mickey fait passer des sandwichs de contre-bande au nez et à la barbe de ses infirmières.
Matthew McConaughey joue Mickey Haller dans La défense Lincoln
Ces scènes légères font partie de l’équilibre très fin que l’auteur arrive à poser dans ses intrigues qui mêlent divertissement et tension dramatique. Il s’amuse même à mêler la réalité à la fiction car, comme pour Créance de sang à l’époque, le film adapté de son roman existe vraiment dans les romans suivants, ce qui donne lieu à des situations marrantes où cinq lincolns sont garées devant le tribunal et Mickey ne sait plus laquelle est la sienne, car l’histoire de La défense Lincoln a fait des émules. Mais ces instants plus légers font face à un côté dramatique toujours très présent, on ne se contente pas d’un procès gentillet où Haller va parader devant le juge en faisant le malin, notre héros court un réel danger car il va se frotter à beaucoup plus fort que lui ici.
J’avais déjà évoqué les grandes qualités de cette série secondaire de Connelly dans mon article sur le livre précédent, et ça ne change pas ici. Nous avons un thriller judiciaire rythmé et dense qui nous plonge au cœur d’un procès mouvementé, l’auteur est très pointu sur les procédures et détails techniques mais arrive à présenter ça de manière digeste et pédagogique. Dans Les dieux du verdict, l’enquête arrive à mêler plusieurs trames et plusieurs époques dans cette histoire de meurtre qui trouve son origine des années auparavant, qui implique les forces de l’ordre, les cartels, les avocats, etc…
C’est dense, nous avons plein de personnages dans ce roman mais grâce à un sens aigu de l’exposition et du dialogue, on n’est jamais perdu dans tout ça, et c’est peut-être le plus étonnant chez Connelly : On lit très vite, on comprends tout, et quand on referme le livre et qu’on réfléchit à ce qui s’est passé on se dit « ah ouais bordel, tout ça, et j’ai tout pigé, balèze ». Mais par rapport au précédant, nous allons passer un peu moins de temps au tribunal. Là où le cinquième témoin voyait le procès commencer un peu en aveugle et les révélations s’enchainer autour du tribunal, ici c’est surtout la préparation qui va nous occuper car l’équipe va devoir creuser très loin pour avoir un dossier assez solide, ils vont soulever pas mal de poussière et déclencher des évènements inattendus et dramatiques.
Rassurez-vous, le dernier tiers du roman est quand même consacré au grand numéro de claquettes devant le juge. Il est moins central mais constitue une sorte d’apothéose, le moment des grands face-à-faces et des révélations où l’auteur joue plus sur la psychologie, le timing et les procédures. Jusque là on était plus dans l’investigation classique même si l’aspect juridique restait en filigrane, mais c’est dans cette dernière partie que le côté « procès » revient en force avec ses objections qui fusent et ses confrontations codifiées.
Encore une fois, l’auteur américain nous plonge dans les arcanes de la justice grâce à sa science du rythme et du suspense. Les dieux du verdict est un roman haletant qui arrive à garder une trame complexe tout en se lisant d’une traite (enfin presque, je crois que j’ai du dormir à un moment donné mais je suis plus très sûr).
Livre envoyé par Babelio et les éditions Calmann-Lévy dans le cadre d’une opération « masse critique »