Ça faisait longtemps que je voulais lire L’empire du léopard, le roman d’Emmanuel Chastellière a très bonne réputation et tape dans une fantasy à poudre très peu exploitée chez nous. Mais j’ai trainé des pieds parce que je trouve la couverture très moche. C’est con hein, mais oui, ça joue. M’enfin voilà, j’ai sauté le pas, et je ne regrette rien.
Le colonel Cérès Orkatz conduit ses troupes sur la péninsule de la Lune d’or, récemment conquise par le royaume du Coronado. Un peu délaissée par son roi, déçu de ne pas avoir trouvé les richesses tant espérées, elle maintient tant bien que mal la position du conquérant, négocie avec les indigènes et attend des renforts qui n’arriveront sûrement jamais. Pourtant ils seraient utiles ces renforts, ne serait-ce que pour s’emparer du dernier coin à résister au Coronado : L’empire du léopard, abrité par ses montagnes. Mais voilà qu’une occasion se présente peut-être, et Cérès va remuer ses hommes et ses femmes, dont certains rêvent encore de la légendaire cité de Tichgu et de sa fontaine de Jouvence.
Le roman alterne plusieurs points de vue mais le principal est celui de Cérès, qu’on surnomme La Salamandre. Mais nous avons aussi la perspective de la jeune Camellia, indigène secourue par le colonel alors qu’elle était promise à un sacrifice dégueu, et on passera aussi par quelques autres protagonistes. Cérès accompagne le vice-roi Philomé qui gère un peu le côté diplomatique et politique, enfin il essaye, c’est pas gagné. Elle est également épaulée par son intendante Dumelin, accessoirement une amie fidèle. Tout ce petit monde sera ensuite rejoint par le jovial Artemis Cortellan et sa troupe de mercenaires. La dynamique des personnages et leurs relations, sont très bien mises en place par l’auteur. Il faut dire qu’il prend son temps pour démarrer, la première moitié du bouquin (qui fait déjà plus de 600 pages) s’applique à poser l’univers et le (gros) casting, à décrire la vie de l’armée, ses enjeux et ses problèmes. On pourrait trouver ça un peu longuet mais je me suis jamais ennuyé, le roman pose tranquillement ses bases avec minutie.
Et la seconde moitié marque un tournant, au moment où l’armée du Coronado arrive dans les montagnes de l’Empire du léopard, ça part un peu en cacahuète mais il ne faudrait pas trop en révéler ici. Sachez seulement qu’il va y avoir des morts et du sang… Beaucoup de sang… Partout. Ça part avec une bonne dose de surnaturel, Emmanuel Chastellière joue avec l’image des peuples pré-colombiens, leur jungle, leurs cultes, les sacrifices bien gores, les éclipses. C’est peut-être un peu cliché mais ça reste très bien mené. Moi évidemment je pense à Tintin et Le temple du soleil, parce que je suis extrêmement cultivé, mais on me glisse à l’oreille que ce serait plutôt un hommage à Berserk, manga et animé que je connais pas du tout. Bon, tant pis, je vous laisse l’info là.
L’empire du léopard s’inscrit dans une « Colonial fantasy » ambiance Amérique du sud mais pourtant le contexte technologique ne fait pas très Christophe Colomb. Quelques années après la conquête, on est déjà en train de poser des chemins de fer, on a des armes à feu, des mortiers, et plein de trucs « modernes » (tout est relatif) qui évoquent plus le far west américain que l’ambiance Eldorado. Le résumé nous donne même un année, « 1870 », ça largue une référence temporelle dans un univers fictif qui joue avec les époques, choix étrange qui n’aide pas beaucoup. Pourtant le mélange des genres fonctionne très bien, tout est cohérent et donne de la fraicheur à l’ensemble.
Mais ce qui m’a le plus accroché dans ce roman c’est l’évolution de tous ces personnages, l’histoire va devenir plus intime et personnelle, le côté militaire (par ailleurs très bien géré) est un peu laissé de côté. On se rapproche des protagonistes, ils sont confrontés à leur passé, à des forces inconnues et à une énorme trouille. J’apprécie beaucoup la gestion du thème colonialiste, c’est bien joué car jamais trop manichéen d’un côté comme de l’autre, on sent bien l’histoire d’humains placé dans les grosses paluches de l’histoire et qui essayent de faire au mieux. Y’a des salauds des deux côtés, y’a de la noblesse des deux côtés aussi, mais chacun avec leur culture et leurs valeurs.
J’ai seulement trouvé parfois quelques résolutions qui échappaient aux personnages, l’impression que certains subissent l’intrigue plus qu’ils ne la vivent. C’est surtout le cas de Camellia (avec une petite dose de magie magique qu’on sait pas trop comment ça marche mais ça marche) et parfois de Cérès. Mais pour cette dernière c’est rattrapé par quelques scènes vraiment cool où elle prend les choses en main sans se faire prier. D’ailleurs on saluera également un casting principal féminin qui en jette sévèrement, c’est à souligner.
Si on oublie mes quelques chipotages, L’empire du léopard est une lecture convaincante. Une histoire de colonisation, de femmes, de sang et d’émotions portée par d’excellents personnages. Oui, d’accord, je vais acheter la Piste des cendres qui se passe dans le même univers.
Lire aussi l’avis de (attention y’en a un paquet) : Apophis (Le culte d’Apophis), Célindanaé (Au pays des cave trolls), Le chroniqueur (Les chroniques du chroniqueur), Boudicca (Le bibliocosme), Blackwolf (Blog O Livre), Xapur (Les lectures de Xapur), Lutin82 (Albédo), Elhyandra (Le monde d’Elhyandra), Aelinel (La bibliothèque d’Aelinel), Zina (Les pipelettes en parlent), OmbreBones,
(merci pour le lien)
Les thématiques coloniales et post-coloniales étant un des axes majeurs de La piste des cendres, je pense que tu vas beaucoup aimer 😉
Et la couverture est jolie cette fois 😀
C’est pas faux 😉
Merci pour le lien 🙂
C’est vrai que la couverture est pas ouf mais le contenu rattrape largement. Par contre j’ai été moins emballée par la piste des cendres. Les goûts et les couleurs.. Belle chronique en tout cas !
Merci ! On verra pour le roman suivant, je le commande dès que les librairies sont libérées
On le saura pour une prochaine fois. ^^
Merci beaucoup pour la chronique ! Perso, j’aime beaucoup la couverture de l’Empire, comme quoi, les goûts et les couleurs, en effet, ça joue beaucoup. En revanche, elle fait très « sanglante » et ça peut rebuter certaines ou certains (je l’ai vu de mes yeux en dédicace).
Et bonne lecture d’avance alors, un de ces jours !
Après, si le lecteur est rebuté par le sang sur la couverture, peut-être que ça vaut mieux s’il tente pas la lecture parce que c’est du coup assez représentatif.
Ce que j’aime pas dans la couverture c’est vraiment l’anatomie ratée du personnage, les proportions, la disposition des épaules, ça passe pas bien.
Et en soi la compo manque un peu du grandiose, de l’exploration, etc…
Celle de la piste des cendres rend mieux ce dernier aspect. Et tout le reste aussi 🙂
Pour le choix de la compo, ma foi, je comprends ton point de vue. Choix de l’artiste !
A la base, moi je voulais même Nahikari, c’est pour dire !
Après, je n’y vois pas en revanche les défauts que tu pointes sur un plan anatomique. 😉
Une couverture représentant Nahikari aurait été formidable, je trouve.
A voir pour moi, il faut que je teste cet auteur un jour.
Moi j’aime bien la couverture 🙂
Merci. 😉
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