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Moi, Peter Pan, Palabres imaginaires

Jusqu’ici, dans ma petite tête, Michael Roch était à la fois vidéaste, chroniqueur et écrivain de pulp fun et sauvage chez les regrettés Morses de l’édition numérique. Quand je me suis lancé dans Moi, Peter Pan, je savais pas trop où je mettais les pieds. Je partais même avec une petite appréhension.

En ouvrant ce livre, on sait à peu près qu’il y aura Peter Pan quelque part, mais ce court texte est un peu dur à cerner. Tu trempes un orteil, tu commences à lire en tâtonnant, tu retrouves un univers connu avec ses marqueurs, ses personnages, ses bizarreries, mais où il va avec tout ça ? C’est un voyage bien étrange que nous propose l’auteur ici. Chaque chapitre est en fait une rencontre, un échange entre Peter et un personnage du pays imaginaire, des conversations décalées, étranges, avec une naïveté de façade mais plusieurs niveaux de lectures, à la fois ludiques et riches. On va apprendre au fil des pages que Wendy est partie depuis longtemps, que de nouveaux enfants arrivent, que notre héros a l’air de zoner là depuis un moment. Et là vous vous dites : « Haha, j’le connais l’ours, c’est pas du tout son truc ça, il va pas aimer, il préfère les grosses bastons et les machins épiques ».

Pourtant j’ai adoré Moi, Peter Pan. Chaque rencontre est un épisode drôle, qui sent bon l’enfance mais cache de belles choses pour l’esprit adulte qui retrouve dedans des bouts de lui, une expérience, un clin d’œil ou une réflexion pertinente et très actuelle cachée dans un coin. On peut croiser un crabe qui nous parle d’un bâton, c’est juste rigolo. Et on y repense, et on y trouve autre chose. Et plus loin tu croises une petite phrase sur clochette qui te frappe comme une mandale de barbare. Le lecteur est submergé, il ne sait plus d’où viendra la prochaine claque. C’est un festival de petits trésors littéraires, dans le fond mais aussi dans la forme, parce que Michael Roch montre une aisance à jouer avec les mots. Il les retourne, les dissèque, jongle avec et leur fait danser la gigue en cadence pour le plaisir du lecteur.

Peter a beau rester un enfant, il a vécu des relations compliquées, des dangers, des rencontres qui font de lui un personnage déroutant, et tout ça le travaille. Il y a de la mélancolie et de l’espièglerie dans ce Pan qui ne veut pas grandir mais devient bien grand malgré lui, intérieurement. Et j’aimerai vous décrire chaque rencontre, chaque petite chose que j’y ai trouvé, mais ça serait carrément dommage parce que chacun va trouver sa petite résonance personnelle dans Moi, Peter Pan. Chaque lecteur deviendra un peu le Peter Pan qu’il va réussir à capter. Mon seul regret c’est d’avoir fait le vorace en le lisant d’un seul coup, parce que j’ai l’impression de pas avoir tout percuté, comme quand tu visites un apart’ et que tu en ressors en sachant plus très bien si t’as vérifié tel ou tel détail. Pour une relecture, je le poserai sur ma table de chevet, je lirai un chapitre, et le laisserai mariner un peu, grignotant ça petit à petit.

Michael Roch nous livre ici un minuscule chef-d’œuvre, il déploie un talent monstrueux dans le fond comme dans la forme. Il joue avec le lecteur, donne au monde de Peter Pan une collection de contes philosophiques modernes qui fait Mouche.

Roman reçu de la part de l’auteur, que je remercie encore.

Tiens, pour le plaisir, j’te pose un passage pris totalement au pif :

« Croque m’écoute attentivement alors que je cherche mes mots. Il ingurgite mes paroles comme une éponge de mer trop salée. Mais ce que je dis a le goût de l’ocre jaune : il faudrait le broyer puis le noyer dans de l’eau pour espérer en tirer une peinture potable. Ma pensée est trop brute, elle coule de ma bouche comme une cascade trop puissante à laquelle on se pourrait ni se rafraîchir, ni se désaltérer. J’ai beau ouvrir les vannes, laisser le flot d’idées s’échapper, je sais qu’elles seront indigestes, mal fagotées, encore lourdes d’inutilités. Je sais qu’elles ne reflètent pas ce que je fais, ni ce que je vis, encore moins ce que je montre de moi. Mais elles sont ce je veux être, au meilleur de moi-même, elles sont ce que je veux devenir. Elles sont la vérité des liens que je tisse avec le monde. Alors je les compte, ces idées, comme un troupeau de chèvres boiteuses, et je les rassemble, je les noue, je les raisonne au fur et à mesure qu’elles sortent de mon moulin à parole. Enfin, alors qu’elles s’étalent dans l’atmosphère, tout autour de moi, démêlées de mon esprit, alors seulement, je peux conclure. »

Lire aussi l’avis de : Blackwolf (Blog O Livre), Uranie, Fungilumini (Livraisons littéraires),

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Cet article a 9 commentaires

  1. Baroona

    Woh. Tu donnes grandement envie, belle chronique.
    Pas besoin d’avoir une grande maitrise en Peter Pan pour l’apprécier ?

    [« une collection de contes philosophiques modernes qui fait Mouche »
    *clap clap clap* (<- applaudissements)]

    1. Merci 🙂
      Non ça va, tant que tu connais les grandes lignes. Moi j’ai jamais lu peter pan, un visionnage d’une des adaptations suffit largement

  2. Lutin82

    Ah! cela fait un moment que je l’ai repéré et tu finis de me convaincre.

  3. Lilith

    J’adore la prémisse et ta chronique donne encore plus envie! Et hop un livre de plus dans ma liste « à lire ».

  4. Vert

    Intriguant… en plus le concept de laisser le livre sur la table de chevet et de le lire très lentement ça me convient tout à fait en ce moment xD