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Mass Effect Andromeda, dans l’espace personne ne vous entend troller

 Internet, lieu capable de transcender les frontières, créer des révolutions et partager toutes nos connaissances avec le plus grand nombre. Mais parfois, c’est aussi un petit concentré d’effet de foule décérébré, une cour d’école géante avec un million d’enfants chahuteurs qui se roulent par terre, crient le plus fort possible et tirent les couettes de la voisine.

Ces dernières semaines, le petit boutonneux binoclard de cette méta-cour de récré, celui sur qui il était bon de jeter des cailloux pour faire comme tout le monde, c’était Mass Effect Andromeda. Les testeurs professionnels, les amateurs, les youtubeurs ou simplement les gens qui savent taper sur les touches d’un clavier, tout le monde y est allé de son analyse, de son reproche, de son brûlot enflammé. Si certains ont eu un propos mesuré et censé, force est de constater que ce qui ressort de ce brouhaha internétal, c’est les joueurs déçus (soit), outrés (ah bon ?), qui crient au scandale (holà), qui se sentent « insultés » (ah oui quand même) ou même appellent au boycott. Avec aussi son petit lot de connards finis qui vont jusqu’à insulter ou harceler les développeurs.

De quoi inquiéter le joueur lambda qui attend son Mass Effect avec impatience, non ? Pourtant, en discutant avec des gens « de la vraie vie » qui orbitent bien loin de cette chambre de résonance assourdissante que devient parfois le microcosme des joueurs chevronnés sur le web, je me rends compte que ceux-là l’apprécient tous, bizarrement… Mais qui croire ? Mes amis sont-ils des cons ? Comment se faire son avis alors ? Et bien, jouer effectivement au jeu serait déjà un bon début (et jouer plus de 10 heures c’est pas mal non plus, hein…). Alors lançons-nous dans l’aventure, faisons fi de tous ces bruits, de toute cette agitation, partons loin de la Terre, direction la galaxie d’Andromède.

Ici, on oublie le G.I. Joe Shepard, les moissonneurs ou les récolteurs de la trilogie originale. Nous embarquons pour la galaxie Andromède dans un projet de migration jamais vu : 4 arches pleines de colons congelés de différentes races qui font les 600 ans de voyage pour atteindre leur destination et trouver une planète apte à accueillir la vie. Vous incarnerez le frère ou la sœur Ryder selon votre choix, enfant du pionnier humain Alec Ryder qui est chargé de mener l’avant-garde de l’expédition et d’installer tout ce beau monde à l’arrivée. Mais évidement, tout ne se déroulera pas comme prévu, les 7 planètes repérées six siècles plus tôt ont changé pendant le voyage et ne sont plus habitables, un mystérieux voile se propage dans la galaxie et une race belliqueuse fout déjà la pagaille, sans parler des tension internes du vaisseau-mère arrivé un an avant vous.

Il faut l’avouer, le début de l’aventure est assez abrupt, on se prend de plein fouet tous ces évènements avant même d’avoir pris ses marques et il faudra attendre la fin d’un prologue mouvementé pour commencer à y voir à peu près clair et explorer cette galaxie qui s’ouvre à nous. Ryder sera vite propulsé à la tête du Tempête, un vaisseau dernier cri qui accueillera à son bord l’équipage qu’on apprendra à découvrir petit à petit dans la tradition Bioware : On en choisit deux à emmener dans chaque mission, on fait le tour du vaisseau en papotant avec tout le monde à notre retour, on choisit d’en aimer certains, d’en détester d’autres, d’en draguer un ou deux, de mettre des baffes à Liam parce qu’il fait de la merde dans votre dos, etc… La formule établie sur les deux séries phares modernes de Bioware (Dragon Age et Mass Effect) continue de s’affiner et se révèle toujours plaisante et immersive.

J’ai beaucoup apprécié la découverte progressive de la civilisation Angara, déjà pas en super forme à cause de la double menace du Fléau et des Kerts. La méfiance et la défiance que provoque notre arrivée sont subtilement amenées et permettent une immersion progressive dans leurs problèmes. Les Kerts aussi, même s’ils apparaissent un peu comme « les méchants aliens qui veulent tuer les gentils aliens », ont bien plus de background a dévoiler au joueur, les mystères sont habilement distillés dans le courant de votre progression. C’est dans l’écriture des quêtes à une plus petite échelle que le jeu se révèle plus faible (et attention les répliques de drague en mode gros bourrin lourdaud), pour cette raison il faudra un peu plus de temps au joueur pour s’attacher aux personnages secondaires et à l’univers en général, mais progressivement on y arrive, et ça marche finalement bien.

Pendant les quelques dizaines d’heures que durera votre épopée, l’équipage du Tempête sera votre petite famille, Peebee, Liam, Cora, Jaal, Kallo, Vétra et les autres. Vous n’allez pas tous les adorer et ça dépendra de vous, moi j’ai trouvé Peebee et Liam énervants, mais c’est ça qui est marrant, vous vous ferez votre avis sur chacun. Avec cette fine équipe, vous devrez explorer les planètes environnantes et résoudre les problèmes que rencontre l’expédition. Chaque lieu visité est une zone immense que vous découvrirez à bord du Nomade, un véhicule tout terrain passe-partout très agréable à piloter. Vous aiderez les colons, combattrez les méchants, étudierez la faune et la flore, établirez des avant-postes et chercherez cette terre promise pour laquelle vous avez tout quitté. Vous combattrez grâce à un gameplay de tir à la troisième personne plus dynamique que jamais, vous dialoguerez avec beaucoup de monde et surtout, vous plongerez complètement dans ce nouvel univers.

Le mode de progression relativement linéaire de la trilogie Shepard laisse la place à une exploration en grandes zones ouvertes pleines de quêtes partout, directement tirée de (l’excellent) Dragon Age Inquisition. Si ce modèle ne vous avait pas plu dans le précédent jeu de Bioware, peu de chance que ça réussisse ici. Moi ça me convient tout à fait. Mais au-delà de cette structure, ce qu’ils ont aussi repris du dernier Dragon Age, c’est la philosophie générale : Avoir un but large et « fédérateur » pour que chaque décision, chaque quête, chaque problématique aille vers un unique objectif qui apporte une cohérence à tout ce que vous ferez, ici trouver un foyer viable pour l’humanité. L’autre évolution est dans le ton général qui se veut moins désespéré, moins grave. Il y a toujours des moments de tension mais, encore une fois comme dans Dragon Age, on a des discussions détendues et des moments un peu rigolos pour désamorcer tout ça, dans une ambiance moins « militaire serious business », ce que j’apprécie.

C’est ce qui, à mon sens, est la réussite principale de ce jeu. On a vraiment l’impression d’être à la pointe d’une expédition colonisatrice et, pour peu qu’on se prenne au jeu, tout ce qu’on fera dans ce monde participera à une cohérence générale. On découvre des ressources, on sécurise des bases, on cherche des alliés, on explore des zones inconnues, c’est vraiment une grande aventure complexe et entière. Même les quêtes secondaires les plus basiques prennent un peu de sens dans ce but global, elles sont justifiées et utiles au progrès de l’expédition (même si les plus optionnelles peuvent être rébarbatives). Dans la plus grande tradition Bioware, notre grande aventure sera composée de dizaines de petites aventures, chaque joueur qui y plongera vivra son expérience différemment. Le jeu explore beaucoup de thématiques à travers toutes ces petites histoires, les relations familiales, l’impérialisme, la colonisation, l’écologie, le racisme, etc… On picore tout ça un peu comme ça nous chante.

Pourtant Mass Effect Andromeda n’est pas parfait, loin de là. Les défauts de finition qui ont révolté les populations terriennes existent bel et bien : tous les personnages ne sont pas modélisés ou doublés avec le même soin (Addison est une petite merveille du genre), on a quelques bugs de quête, certains dialogues sont à côté de la plaque. On a aussi ce système d’animation tout pété dont tout le monde s’est moqué, bien sûr (si vous êtes curieux et anglophone, je vous conseille cette vidéo d’Extra Credits sur le sujet). Et vous pourrez même  ajouter une interface assez bordélique si ça vous chante. Il est parfois maladroit, pas toujours parfaitement écrit, mais il reste plus intéressant à découvrir que beaucoup de blockbusters modernes acclamés par la critique. Sur une aventure de cette envergure, à aucun moment ses défauts n’ont vraiment gâché mon expérience, et c’est la tolérance de chacun qui dira si ça vous sort complètement du jeu ou pas.

Ce Mass Effect a manifestement été sorti dans la précipitation. Mais il est au final bien plus que la somme de ses features (et de ses bugs), parce que sur toute la durée de l’aventure on découvre l’histoire complexe des Angaras, les conflits internes de l’Initiative, la psychologie de nos compagnons. On a toutes ces petites histoires qui certes ne sont pas toutes de la grande littérature SF et manquent un peu de souffle, mais mises bout à bout elles forment un ensemble vaste et cohérent, une grande épopée comme seul Bioware sait les faire. Et oui, je sais, c’est pas Bioware Edmonton qui a fait le jeu mais Bioware Montréal, c’est pas le studio original, gna, gna, gna… On s’en fout un peu, l’important est que malgré les imperfections et les différences on retrouve bien la touche Bioware, ce world-building plus vaste que ce qu’on nous laisse voir, ces compagnons qu’on doit apprendre à connaitre sur la durée, cette profusion de personnages et de détails qui font de leur jeu un grand tout complexe.

Avec un gameplay renouvelé mais sa philosophie intacte, Mass Effect Andromeda offre une grande odyssée spatiale au joueur qui pourra passer outre ses imperfections. Celui-là partira pour un grand voyage dont il serait dommage de se priver à cause d’une vague de moqueries vraiment disproportionnée. Quand internet décide de ne pas aimer un jeu, il y va franchement, tel une conscience collective Geth détraquée qui a oublié ce qu’était la demi-mesure. J’espère tout de même que ça ne nuira pas trop au succès commercial du jeu et de la série en général, il me tarde d’en découvrir la suite.

Lire aussi l’avis de : Gautoz (Gamekult), Arthur Gies (Polygon), Joe Juba (Game informer), TotalBiscuit,

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Cet article a 10 commentaires

  1. Jérôme Labart

    Bonjour,

    Je viens de ‘finir’ le jeu en mode solo en hardcore (mission principale + missions secondaires principales) LVL 52 après 91 heures.

    Je suis assez d’accord avec ton analyse. Cependant le côté linaire du jeu est ce qui m’a manqué le plus pour vraiment me sentir pleinement dans l’histoire. Je regrette vraiment ce côté ‘openworld’ à ouvrir la carte pour aller chercher un cailloux là ou une plante ici ou encore la difficulté mal dosée puisque malheureusement comme dans tout openworld, les dernières missions n’opposent plus de résistance (à l’instar d’Alduin dans Skyrim). Bien que je comprenne que tu aimes cela comme dans Dragon Age, j’aurais, à titre personnel, préféré qu’ils n’y touchent pas.

    Pour le reste, malgré les bugs indéniables et un début poussif, j’ai adoré le système de combat plus nerveux, le personnage de Peebee complétement décalé, les décors vraiment réussis ainsi que les effets de sable ou de glace sur les armures… Non vraiment ce n’est pas un mauvais jeu, et tu as raison d’écrire que les critiques sont trop dures voire vomitives, mais c’est difficile de succéder à une trilogie aussi aimée sans que chacun ne soit nostalgique sur un point. Moi ce sera l’openworld qui m’aura contrarié.

    Merci pour ton article

    Jérôme
    Liège

    1. L'ours inculte

      Merci pour ton retour !

      Concernant le rythme, ce qui m’a peut-être le plus gêné aura été la lenteur des quêtes secondaires qui se foutent souvent « En attente » pendant longtemps, surtout les quêtes des compagnons et la progression de nos relations. Sur la longueur du jeu, on a parfois 20-30 heures de jeu sans qu’un compagnon n’ait rien de plus à vous dire, je faisais le tour de tout le monde sur le tempête et leurs histoires n’avançaient pas. C’était parfois frustrant.

  2. Jérôme Labart

    Je vois très bien ! Donc le ‘plus’ est souvent l’ennemi du ‘bien’. J’aurais préféré 50h de jeu à fond que 100h parfois lent surtout au début qui est sensé être l’accroche du jeu. Je n’ai qu’un espoir : que les développeurs prennent en compte les remarques des gamers pour le prochain Mass Effect.

    Je viens de voir une vidéo expliquant que Bioware aurait volontairement enlaidi le personnage de Sarah Ryder pour plaire au mouvement féministe. Je n’ose y croire tellement c’est aberrant. Je n’incarnerai pas un personnage gros, chauve et essoufflé après une volée d’escalier juste parce qu’il ressemble plus à un homme moyen. Un jeu c’est du rêve aussi. Pourquoi serait-ce différent pour le personnage féminin. Surtout quand on voit Shepard dans Mass effect 3, ils étaient tous les deux d’une autre classe !

    1. L'ours inculte

      Oui, y’a une polémique sur le physique de Sara Ryder, mais c’est un peu de la connerie. Bioware n’a pas fait Sara Ryder moche, elle a pas un profil mannequin mais c’est quand même une belle femme, avec des traits caractéristiques. Franchement j’aime beaucoup ce parti pris, ça donne des personnage avec une identité et du caractère (Comme Sera dans Dragon Age).

      Certains joueurs voudraient voir un mannequin super sexy en héroïne, et trouvent que Ryder est « moche » mais c’est pas mon avis. En terme de character design elle a de la personnalité et des traits vraiment cools. Bioware ne font pas leurs personnages pour plaire à tel ou tel groupe, ils font leurs personnages pour correspondre à l’histoire qu’ils ont envie de raconter. Faut rester mesuré, ils ont pas fait une moche boutonneuse de 120 kilos, et Scott n’est pas un gros chauve bossu non plus.

      Après, si le design ne plait pas, tant pis, c’est personnel. Moi j’aime beaucoup le look de Sara mais j’aimais pas le design de base de Scott Ryder, qui faisait un peu trop « minet pour magazine féminin » à mon goût mais j’ai pas crié au complot illuminati pour autant, j’ai juste créé un profil qui me plaisait un peu plus.

      Pour élargir le sujet, c’est un côté toxique de la communauté des joueurs qui me déplait de plus en plus, les mecs qui crient au scandale pour des détails, qui ont des exigences ou se permettent de dire aux auteurs ce qu’ils devraient faire ou pas (comme la fin de ME3). Si une œuvre me plait pas, tant pis, je dis ce que j’ai pas aimé et je passe à autre chose. Je vais pas me permettre de crier sur internet que c’est un scandale que les artistes n’aient pas fait comme je veux moi. L’œuvre appartient à son auteur, on peut l’aimer ou pas mais ce qui se passe dans le monde du jeu vidéo me sidère, je trouve ça hallucinant. Les devs restent diplomates pour pas créer d’incidents qui feraient mauvaise presse mais je rêve d’en voir un se lâcher et envoyer chier tous ces petits imbéciles.

  3. Jérôme Labart

    Je sens le débat passionné et ça me fait plaisir ! Côté Sara sa bouche super large et ses yeux presque enfantins m’embêtaient (corrigé dans le patch 1.05), pour Scott j’ai pensé exactement la même chose. Mais c’est vrai que j’ai dû mal à croire à l’histoire ‘des féministes’ …

    Maintenant pour la partie vraiment intéressante du débat ! Les développeurs devraient-ils répondre aux attentes des gamers ou faire le jeu qu’ils veulent quel qu’en soit les critiques ? En temps que gamer je serais tenté de répondre la première proposition. Il faut dire que je n’échappe malheureusement pas à la règle. Si les développeurs avaient transformé Andromeda en Call of Duty Like, j’aurais sûrement crié au scandale. Mais en te lisant, je comprends qu’être concepteur de jeu n’est pas toujours évident, il y aura toujours des déçus, des mécontents ou des nostalgiques ou pire des gens qui ont juste envie de râler. Mais hormis les critiques stupides, les bugs étaient bien présents, résolu pour la plupart dans le patch 1.05, mais peu acceptable pour un studio comme Bioware.

    J’ai bien aimé le jeu, la critique pour l’openworld vaut pour tous les jeux (certains plus que d’autres) et malgré les défauts et certains moment plus lent, j’ai pris du plaisir et ma critique était positive soulignant que les critiques avaient été trop sévères. Mais je reste convaincu qu’une licence doit être traitée avec respect. Je n’imaginerai pas des elfs et licornes dans le prochain Star Wars. Mais c’est un chouette débat qui mérite réflexion.

    1. L'ours inculte

      Oui tu as raison aussi, les bugs sont incontestables sur Andromeda, et beaucoup trop nombreux pour un jeu final.

      Du coup il faut différencier plusieurs aspects, d’un côté on a les bugs et le soin apporté aux finitions où là, effectivement, en tant que clients on a tout à fait le droit de se plaindre (mais en gardant un certain sens de la politesse et de la mesure, contrairement a ce qu’on a vu sur Mass Effect). D’un autre côté on a les choix artistiques et narratifs des auteurs du jeu qui, eux, sont leur vision de leur œuvre. C’est ce second aspect qui, pour moi, doit être respecté même si on l’aime pas. « Ryder n’est pas assez sexy » rentre dans cette catégorie.

      Concernant les bugs, c’est assez clair que le jeu est sorti trop tôt, très certainement à cause de l’éditeur qui voulait le sortir avant la fin de son année fiscale (fin mars). Du coup Bioware est plus victime que coupable dans le coup même si le retard sur le debug est certainement en partie du à leur gestion de projet.

  4. Jérôme Labart

    Bon, alors tout est dit ! On va recommencer le jeu en démentiel avec un personnage féminin biotique-close combat customisé à son propre goût et tenter la romance avec Suivi ^_^ . Et tant pis pour les râleurs.

    Merci pour ces quelques lignes sur cette saga qui est en haut de ma longue liste de jeux joués.

  5. Greg Armatory

    je l’avais emprunté à une médiathèque mais je n’ai pas été loin, bloqué au début, pas moyen de trouver une glyphe ou je ne sais quoi. Faudra que je lui redonne sa chance d’autant qu’on peut le trouver à pas cher et que j’ai adoré la structure de DAI. En tout cas c’est agréable d’avoir un autre son de cloche, une critique beaucoup plus nuancée, j’essaye moi-même de l’être.

    1. L'ours inculte

      Ouais, au début c’est un peu abrupt, t’as pas encore tous les réflexes et les habitudes qu’on te fout la tête en plein dedans. Ça s’arrange après